Après les déroutes de Seattle (1999) et de Cancùn (2003), faut-il, à une semaine de l’ouverture à Hong Kong de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), augurer une nouvelle déconfiture ?
Le député européen Francis Wurtz souhaite « l’échec de ce qui est un véritable marché de dupes. Quand on voit qu’à Doha on a osé baptiser le cycle actuel comme celui du « développement », on nage en pleine hypocrisie : le développement est le cadet des soucis des principaux protagonistes de cette négociation, les États-Unis, l’Union européenne et le groupe de Cairns (rassemblant les pays très gros exportateurs de produits agricoles comme l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Australie, l’Argentine - NDLR). Pendant ce temps, l’écrasante majorité des pays du Sud sont les grands perdants de ce cycle de libéralisation. C’est ça dont nous souhaitons l’échec à Hong Kong, et nous voulons qu’il y ait de vraies négociations prenant en compte les exigences du développement, des biens publics mondiaux, de l’exception culturelle, de l’agriculture paysanne, etc. Nous proposons que l’OMC soit intégrée au système des Nations unies, ce qui pourrait alors permettre de donner la primauté aux droits fondamentaux sur les règles du commerce international ».
Le président du groupe parlementaire européen GUE-GVN, qui aura une délégation importante à Hong Kong, propose encore de dissiper « le brouillard savamment perpétué autour de l’agriculture dans le débat public » : « On doit être clair, invite-t-il, en étant contre toute subvention de produits agricoles qui entreraient en concurrence avec ceux des pays les plus pauvres et, en même temps, en ne cédant rien face à la voracité de l’agrobusiness en Europe. On doit combattre le productivisme, les pratiques de dumping, et soutenir la conception d’une agriculture paysanne européenne, le droit à des prix rémunérateurs, la souveraineté alimentaire et le respect de la multifonctionnalité, sociale, environnementale et territoriale, de l’agriculture. »
Observateur très avisé des négociations à l’OMC, Raoul-Marc Jennar sonne le tocsin, après l’alerte sur les médicaliments (lire sa tribune dans l’Humanité d’hier), au sujet de l’accord général sur le commerce et les services (AGCS) : « Pour la première fois depuis très longtemps à l’OMC, les services sont au cœur des débats avec les projets de déclaration qui commencent à circuler. Près de la moitié des États membres de l’OMC sont très hostiles aux propositions sur l’AGCS. Les principaux négociateurs veulent passer outre. On parle de « recalibrer » la négociation pour éviter l’effet désastreux d’un échec, s’il y a un compromis, il se fera comme toujours au détriment des plus fragiles. »
Thomas Lemahieu