L’unicité des conventions collectives contre le droit de grève
A l’invitation du collectif unitaire « Pas touche au droit de grève – pour une liberté d’action syndicale totale », plus de 40 collègues de différents syndicats (IG Metall [1], ver.di [2], GEW [3], IG BCE [4], Marburger Bund [5], FAU [6], IWW [7], NGG [8]), venus d’une douzaine de villes se sont rencontrés le 15 juin 2014, au siège du DGB [9] à Francfort.
Le thème principal a été consacré à l’évaluation critique du projet de loi « unicité de la convention collective », qui, de l’avis de tou.te.s les participant.e.s, constitue une lourde menace à l’encontre de la liberté d’action syndicale.
En disposant que, dans une entreprise, seul le « syndicat majoritaire » puisse conclure une convention collective, cette loi priverait de fait les autres syndicats de leur droit fondamental à la liberté de coalition. Ils se trouveraient contraints par l’obligation de paix sociale [10] et ne pourraient plus se battre pour leur propre convention collective. Cela vaut également, dans certains cas, pour les syndicats DGB.
Une ingérence aussi grave dans la liberté d’organisation des syndicats et dans la liberté de chaque salarié.e de choisir le syndicat de son choix – un droit fondamental reconnu internationalement – aurait pour conséquence de dégrader de façon dramatique les rapports de forces entre employeurs et employés.
Cela doit également être mis en relation avec d’autres initiatives législatives et offensives visant à encadrer le droit de grève, en particulier, la proposition de loi de la fondation Carl Friedrich von Weizsäcker [11] ou l’offensive d’Arnold Vaatz, député et vice-président du groupe parlementaire CDU : « Les dégâts causés par une grève doivent être proportionnels à la cause du conflit » (Stuttgarter Nachrichten du 2 avril 2014).
Lors de son congrès fédéral en mai de cette année, le DGB a refusé toute ingérence législative concernant la liberté syndicale et le droit de grève, sans pour autant prendre clairement ses distances avec le projet « convention collective unique ». Le président du DGB l’a formulé explicitement dans son discours : « Maintenant, nous savons tous quel est le contenu de l’accord de coalition Noire-Rouge [12]. Elle veut renforcer l’unicité des conventions collectives. Ici je peux le dire : cet objectif politique, nous le soutiendrons naturellement sur la durée (sic). Nous avons besoin d’une stabilisation des conventions collectives (sic). Si la Grande Coalition veut nous aider sur ce sujet, nous acceptons naturellement cette proposition d’aide. »
C’est pour cette raison que nous sommes d’accord avec l’explication du Dr Rolf Geffken (Hamburg), juriste du travail, lors de notre conférence d’aujourd’hui :
« Cela fait partie de la protection du droit de grève, le fait de ne pas mettre fin à l’existence de jeunes syndicats combatifs ou à empêcher leur création par des procédés statutaires. La liberté de coalition est indivisible. Si des syndicats traditionnels perdent des membres en raison d’une politique erronée, ils doivent agir contre cette tendance par leurs propres activités, et non en s’efforçant de combattre les syndicats alternatifs par des moyens juridiques. De telles mesures se retournent en définitive contre celui qui les a engagées. »
C’est pour cette raison que nous pensons qu’une vaste campagne, comportant argumentaire et actions publique, est nécessaire dans la période qui vient afin d’élargir la résistance contre ce projet de loi. L’attitude des syndicats membres du DGB doit changer de façon radicale : le silence complice, voire l’assentiment, doivent laisser la place à une résistance active.
Les participant.e.s à cette conférence sont d’accord sur le fait que :
• L’attaque contre ce droit fondamental qu’est le droit de coalition ne concerne pas seulement les syndicats. Il s’agit d’une menace dont les conséquences concernent l’ensemble des salarié.e.s.
• Un encadrement du droit de grève est tout bonnement une provocation qui nécessite une contre-offensive massive. A côté des syndicats, une large coalition de la société civile est nécessaire.
• Ce qui sera déterminant pour garantir le droit de grève, c’est l’exercice effectif de ce droit. C’est pour cela que nous sommes partisans de la solution suivante : avant tout chose, il faut plus de grèves dans ce pays, a fortiori dans un contexte où le droit de grève risque d’être restreint, et parce que les résolutions de protestation ne vont plus suffire.
Francfort, le 15 juin 2014
Pour plus d’informations, voir également (en langue allemande) :
http://streikrecht-verteidigen.org/