Depuis novembre dernier, à plusieurs reprises, les enseignants ont montré, par des grèves massives mais sans lendemain, leur opposition à la politique d’agression contre le service public de Darcos, ministre de l’Éducation nationale. Après celle du 18 mars, les directions syndicales n’ont plus rien proposé que de manifester un samedi ou un dimanche… à la mi-mai !
Cela ne pouvait convenir à des établissements où plusieurs postes étaient supprimés (quatorze au lycée Paul-Éluard de Saint-Denis, seize à Chelles, par exemple). De nombreux établissements, notamment en région parisienne, ont alors engagé des mouvements reconductibles et ils ont commencé à se coordonner. Même si ce mouvement est encore minoritaire, il témoigne d’une volonté de renouer avec les pratiques de lutte radicale qui avaient cours dans le milieu entre 1995 et 2003. Le poids de la défaite du mouvement sur les retraites serait-il en voie d’être surmonté ?
Dans le même temps, s’est affirmé un mouvement lycéen de plus en plus puissant. Cette mobilisation d’une jeunesse pour laquelle les suppressions de postes représentent une dégradation supplémentaire de leurs conditions d’existence, interpelle les enseignants et leurs organisations. On sait les difficultés de jonction entre les jeunes et leurs professeurs dans les luttes, les réticences d’une grande partie de ces derniers à agir avec leurs élèves. Mais aujourd’hui, il est bien clair que les revendications sont communes. Après quelques hésitations, les organisations syndicales du second degré de la région parisienne ont appelé à la grève, avec les lycéens le jeudi 10 avril. Le mardi 15, profs et instits étaient dans la rue avec les jeunes : cette jonction est prometteuse. Si la province, comme c’est déjà le cas à Toulouse, s’y met aussi pendant les vacances parisiennes, c’est un mois de mai de luttes, un mois de mai pour gagner qui se prépare. Que Darcos prenne garde : « Nous sommes tous des électeurs de Périgueux. »
Robert Noirel
* Rouge n° 2248, 17/04/2008.
Une génération dans la lutte
La mobilisation lycéenne s’amplifie. Le jeudi 10 avril, 40 000 lycéens ont défilé à Paris, et environ 80 000 dans toute la France. Plusieurs centaines de lycées sont en grève ou bloqués. La mobilisation commence à gagner la province, avec des manifestations et des débrayages à Toulouse, Lyon, Grenoble, Nancy, Chambéry, Toulon, Tarbes...
La mobilisation a démarré dans les lycées des banlieues parisiennes, et elle continue à y être largement enracinée. Les établissements y sont, en effet, les plus touchés par les suppressions de postes. Le gouvernement veut mettre en place une éducation à deux vitesses, qui ne permette qu’aux plus riches de s’en sortir : les suppressions de postes entraîneront des suppressions d’options, des classes surchargées et donc davantage d’échec... sauf pour les lycées d’élite et les lycéens qui pourront se payer des cours particuliers !
Les lycéens demandent le maintien des 11 200 postes, mais aussi l’embauche du personnel nécessaire qui fait cruellement défaut. L’argent existe pour y parvenir : le gouvernement ne vient-il pas de décider l’envoi de 1000 soldats en Afghanistan ? C’est juste une question de priorité. Chaque matin, des centaines de policiers sont envoyés sur les lycées pour empêcher les blocages et arrêter des lycéens. Les lycéens répondent que le gouvernement ferait mieux de donner le fric dépensé à cette occasion aux lycées plutôt qu’aux flics et à l’armée.
Les lycées professionnels sont aussi largement dans la bataille : le maintien du BEP et du bac pro en quatre ans est une revendication centrale. La suppression des BEP laisserait un nombre important de jeunes sans aucune qualification, et le bac pro en trois ans au lieu de quatre ferait baisser son contenu et sa valeur.
Les différentes réformes de l’éducation (loi Fillon de 2005, LRU sur les universités, réforme du Bac pro, suppressions de postes, rapport Pochard) ont une logique commune : faire baisser le contenu des études et des qualifications pour pouvoir réduire le coût de la main d’œuvre. Moins les salariés arrivant sur le marché du travail sont qualifiés, moins il faut les payer… En s’attaquant à l’éducation, le gouvernement vise les conditions de travail de l’ensemble des salariés…
Ce mouvement est une nouvelle illustration de la combativité exceptionnelle de cette génération. Depuis 2002, les jeunes, et en particulier les lycéens, se sont mobilisés massivement tous les ans. Des centaines de milliers de jeunes ont acquis une longue expérience de la grève, du blocage, etc. Il existe une politisation profonde, qui se traduit, par exemple, par l’omniprésence des slogans contre le gouvernement et par les références fréquentes à la nécessité d’un nouveau Mai 68… Cela s’exprime aussi, pour partie, à travers l’écho important de notre projet de nouveau parti anticapitaliste chez les lycéens mobilisés.
Cette mobilisation représente également un pas en avant dans la convergence de la jeunesse et des salariés. Chez les lycéens mobilisés, il existe une forte conscience de la nécessité de faire le lien avec les profs et les parents d’élèves. Même si, en réalité, ce sont les profs qui ont lancé les hostilités, dépassés ensuite par l’ampleur de la mobilisation lycéenne…
Enfin, ce mouvement démontre la manipulation que représente la propagande sur les « casseurs ». Les « jeunes barbares des banlieues » forment, en réalité, le plus gros des manifestations parisiennes : ils ne sont pas là pour « piquer les portables d’autres lycéens », mais pour manifester. Et si la police en a marre de prendre des coups, elle n’a qu’à cesser de provoquer...
Lors de sa rencontre avec les organisations lycéennes, FIDL et UNL, Xavier Darcos a affiché la volonté de ne rien céder. Pour le faire plier, il faudra être encore plus nombreux et plus déterminés. L’enjeu est d’abord de réussir à passer les vacances. Même si le mouvement a commencé à gagner la province, c’est en région parisienne qu’il est encore le plus fort, et les vacances de cette zone arrivent en fin de semaine. Pour que les vacances ne signent pas la fin du mouvement, il faut réussir à structurer la mobilisation. Les lycéens mobilisés doivent rester en lien, pour pouvoir repartir ensemble à la rentrée. Les coordinations régionales ou départementales sont un outil efficace pour cela. Elles permettent d’harmoniser les revendications, d’aider les endroits les moins mobilisés.
Une première coordination nationale est appelée ce samedi 19 avril à Paris par la coordination lycéenne d’Île-de-France, pour permettre à la région parisienne de passer le relais aux zones qui vont reprendre les cours. Outre les manifestations des mardis et jeudis pour les villes qui ne sont pas en vacances, elle appelle dès maintenant à une journée nationale de grève et de manifestations le mardi 6 mai, à la rentrée de toutes les zones.
Juliette Stein et Gabriel Lafleur
* Rouge n° 2248, 17/04/2008. (Premier plan).
ANTIJEUNES. Une entreprise, Compoud Security Systems, a mis au point un boîtier, baptisé Mosquito, qui a la particularité d’émettre des ultrasons que seuls les jeunes entendent, afin de les éloigner car ils sont difficilement supportables. Ces boîtiers sont massivement utilisés en Grande-Bretagne, aussi bien par des commerçants que des municipalités, et plusieurs pays européens s’interrogent sur leur utilisation… Mettre en service de tels appareils participe de la diabolisation et de la criminalisation de la jeunesse. Cela constitue une forme de discrimination intolérable. Ils doivent être purement et simplement interdits, ce que la Commission européenne se refuse à faire. Une pétition, intitulée « Les jeunes ne sont ni des parasites ni des nuisibles pour notre société », et demandant l’interdiction des Mosquito, a été lancée en Belgique et peut être signées sur le site http://www.trianglerouge.be.