PARIS, 20 mars 2008 (AFP) - Quelque 130 syndicalistes CGT, Sud et FSU, responsables politiques et associatifs de gauche, ont lancé jeudi un appel contre l’accord sur le marché du travail, qui doit être transposé dans un projet de loi présenté mercredi prochain en conseil des ministres. Selon cet appel, l’accord, conclu en janvier entre le patronat et quatre syndicats (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) « n’apporte aucune sécurité aux salariés », « aggrave fortement leur précarité » et « annonce la dégradation des droits des chômeurs indemnisés » lors de la prochaine négociation sur l’assurance chômage. [1]
Les auteurs du texte s’opposent « fermement à la mise en œuvre de cet accord sous quelque forme que ce soit (loi, extension, décrets, accords de branches) » et appellent à se mobiliser lors de « l’examen du projet de loi au Parlement et de la négociation sur l’assurance chômage ».
Le texte critique notamment dans l’accord « un allongement considérable de la période d’essai » des salariés, « une séparation à l’amiable, porte ouverte à toutes les pressions et contournements des procédures de licenciement », « un nouveau CDD pour les ingénieurs et cadres se terminant automatiquement à la fin d’une unique mission et pouvant aussi être rompu, avant cela, au bout d’un an ». L’appel réclame « une extension des droits, une garantie de revenu décent et la continuité des droits (formation, retraite, carrière, logement, santé, papiers) pour toutes et tous, avec ou sans emploi ».
Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, Pierre Khalfa, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaire (syndicats Sud), Maurad Rabhi, membre du bureau confédéral de la CGT, François Simon, tête de la liste alternative lors des municipales à Toulouse, Antoine Drevon, président du Mouvement des jeunes socialistes figurent parmi les signataires. Ont aussi signé Aurélie Trouvé et Jean-Marie Harribey, co-présidents du mouvement altermondialiste Attac, Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du Conseil national du PS, Roger Martelli et Anne Le Strat, co-président de la fondation altermondialiste Copernic, Alain Obadia, membre du comité exécutif du PCF, Maya Surduts, porte-parole du collectif pour les droits des femmes, Jean-Michel Drevon, secrétaire national de la FSU. vdr/im/amc
Appel de responsables syndicaux et de gauche contre le projet de loi sur le marché du travail
Paris, 25 mars 2008 (LE MONDE) - Des dizaines de syndicalistes et responsables politiques ont signé un appel contre le projet de loi sur la « modernisation du marché du travail » qui doit être présenté en conseil des ministres le 26 mars. Issus de la CGT, de SUD et de la FSU, du PS, du PCF, de la LCR, d’Attac et de la Fondation Copernic, ils dénoncent un projet qui « crée un nouveau palier de la précarité ». Le projet présenté par le ministre du travail, Xavier Bertrand, s’inspire de l’accord conclu, le 11 janvier, entre les organisations patronales et 4 des 5 confédérations syndicales, à l’exception de la CGT. Le gouvernement s’est engagé à ce que le texte ne soit pas modifié par les parlementaires.
L’accord prévoit l’allongement de la période d’essai à deux mois pour les ouvriers et employés et à quatre mois pour les cadres, la possibilité d’une rupture conventionnelle du contrat de travail et la création à titre expérimental pour cinq ans d’un contrat « à objet défini » destiné aux ingénieurs et techniciens pour des missions de dix-huit à trente-six mois.
« Le patronat et le gouvernement poursuivent leur offensive contre le droit du travail et la protection sociale pour une baisse toujours plus grande du coût du travail », dénoncent les signataires, parmi lesquels Olivier Besancenot (LCR), Maurad Rabhi (CGT), Pierre Khalfa (Solidaires).
Rémi Barroux
« Cet accord entraîne de très nombreuses remises en cause du droit du travail »
PARIS (L’EXPANSION), LE 25 MARS 2008
Entretien avec Louis-Marie Barnier, coordinateur de l’appel contre la réforme du marché du travail, membre de la fondation Copernic, syndicaliste CGT.
Paris (L’Expansion), le 25 mars 2008 - Le conseil des ministres examine mercredi matin le projet de loi sur la réforme du marché du travail, censé jeté les bases de la « flexicurité » à la française. Il est la transcription de l’accord signé le 21 janvier dernier par les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, qui l’a jugé « déséquilibré ».
Louis-Marie Barnier, syndicaliste CGT, membre de la fondation Copernic, est coordinateur d’un appel contre cet accord, qui a déjà réuni quelque 130 syndicalistes, responsables politiques et associatifs de gauche. Il dénonce un accord de régression sociale et démocratique.
Entretien :
Pourquoi appelez-vous contre l’accord interprofessionnel sur la réforme du marché du travail ?
Louis-Marie Barnier : Nous pensons que cet accord entraîne de très nombreuses remises en cause du droit du travail qui vont perdurer et dont-on ne mesure pas encore la portée réelle. Par exemple, l’effet que peut avoir la mise en œuvre de la rupture conventionnelle, dans un contexte de rapport de force défavorable aux salariés. Un employeur pourra présenter ce mode de rupture à un salarié à qui il aurait normalement proposé un licenciement économique. Ou à des salariés qui se plaignent de mauvaises conditions de travail. Le fait de faciliter les départs dans un cadre négocié n’obligera pas à améliorer les conditions de travail.
Pourtant les départs négociés de gré à gré existent déjà dans les entreprises. La rupture conventionnelle les reconnaît et leur accorde une indemnité de licenciement et un droit aux allocations chômage. N’est-ce pas une avancée pour les salariés ?
Dans les cas actuels où les employeurs refusent de négocier et obligent les salariés à partir, l’employeur ne cherchera pas à remplacer les licenciements avantageux pour lui, comme le licenciement pour faute, par des départs négociés qui l’obligeront à payer des indemnités. Quand dans le projet de loi il est écrit que le directeur du travail vérifiera la liberté de consentement des parties, nous sommes très étonnés, car jusqu’à maintenant, le code du travail reconnaissait l’inégalité du contrat de travail et donc le fait qu’il ne puisse y avoir de liberté égale entre les parties. C’est une grande hypocrisie.
Déplorez-vous d’autres aspects de la réforme ?
Le contrat de mission est pour l’instant réservé aux cadres. Mais comme on l’a vu avec le temps de travail forfaitaire, lui aussi d’abord réservé aux cadres, il pourrait être élargi à tous les salariés. Ce contrat de mission a pour particularité d’être à terme non défini et peut être interrompu par l’employeur dès que celui-ci juge que la mission est terminée. Autrement dit, dans un certain nombre de situations où le droit protégeait le salarié, on assiste à un retour en force du droit du plus fort, en l’occurrence celui de l’employeur.
Comment jugez-vous l’augmentation des indemnités de licenciement, la portabilité des droits, l’indemnisation conventionnelle de la maladie. Ne sont-elles pas des avancées pour les salariés ?
Il n’y a pas du tout d’avancée en matière d’indemnité de licenciement. L’allocation unique de licenciement est doublée dans les cas de licenciement pour faute. L’indemnité était déjà de 1/5e du salaire mensuel en cas de licenciement économique. Mais il n’est plus fait mention de la majoration que le salarié touchait après dix ans d’ancienneté. C’est une avancée pour une petite partie, qui sera largement payée par ce que l’on retirera aux salariés les plus anciens. Le noyau dur du salariat, les salariés de plus de vingt ans d’ancienneté en CDI, se retrouveront avec des indemnités plus faibles. L’accord permet donc une facilitation de leur licenciement.
Hugo Lattard