De notre correspondante à Pékin
Jean-Pierre Raffarin, Grand témoin de la Francophonie et ami de la Chine, arrive à Pékin aujourd’hui. Dans sa valise, un message bienveillant de Jacques Chirac et un cadeau pour le président Hu Jintao : la biographie du général de Gaulle (qui avait reconnu la Chine communiste dès 1964) par Yves Guena, dédicacée par Nicolas Sarkozy. Des offrandes symboliques, en mémoire d’une amitié franco-chinoise vieille de quarante ans, et que les événements récents sont venus ternir. Passage catastrophique de la torche à Paris, virevoltes de Sarkozy sur sa participation aux Jeux, le dalaï-lama et le dissident Hu Jia citoyens d’honneur de la Ville de Paris... tout cela agace Pékin. La France, elle, s’affole à la vue des drapeaux tricolores barrés de croix gammées brûlés devant les hypermarchés Carrefour, l’un des principaux investisseurs nationaux en Chine... Pour Paris, l’heure n’est plus aux forfanteries ni aux menaces de boycott, mais aux signaux de paix. On revient aux classiques du dialogue stratégique, qui fit le bonheur des présidents-VRP lors de leurs venues en Chine.
Message brouillé. L’automne dernier, venu rassurer Pékin sur la continuité post-chiraquienne, Nicolas Sarkozy avait empoché 20 milliards d’euros de contrats. Mieux que Jacques Chirac, amateur de poésie ancienne chinoise. Aujourd’hui, le message du Président apparaît brouillé aux yeux de la nomenclatura chinoise. Son capital de sympathie est écorné, il faut remonter le courant. Christian Poncelet, président du Sénat, est venu, comme Raffarin, faire son kow-tow (la courbette impériale) lundi à Pékin. Sa visite était programmée, mais pas la lettre d’excuses signée de la main du président français, et assortie d’un baisemain très vieille France à Jin Jing, héroïne nationale depuis qu’un manifestant a tenté de lui arracher la torche olympique à Paris. La Chine distribue bons et mauvais points d’un air sévère. « Cela a été apprécié par le Peuple chinois », a déclaré Jiang Yu, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. La distinction accordée par Bertrand Delanoé au dalaï-lama et à Hu Jia, constitue en revanche « un défi grave » : la Chine a exprimé son « vif mécontentement ». Détente. L’heure est cependant à la détente : « La France est revenue à la raison », annonçait mardi l’organe de la propagande en anglais China Daily, alors que les émeutes devant les Carrefour semblent être terminées, sur injonction du Parti.
La tournée de la réconciliation devrait s’achever samedi avec l’arrivée de Jean-David Levitte, un autre vieil ami de la Chine. Conseiller favori du président Sarkozy, ce diplomate œuvre depuis Valéry Giscard d’Estaing à l’entente entre les peuples. Sa visite est impromptue, et déjà controversée : « La tradition chinoise interprète l’envoi d’une ambassade comme la reconnaissance d’une relation de vassalité », assure à l’AFP Jean-Vincent Brisset, spécialiste de l’Institut de relations internationales et stratégiques. C’est un acte de soumission, qui sera pris comme tel. » Pas un seul expert ne semble approuver la méthode française. « Notre diplomatie est flamboyante, et les résultats sont lamentables, dit le sinologue Jean-Luc Domenach. Paris continue le roman gaulliste, obsolète depuis trente ans ; les diplomates se gargarisent du partenariat stratégique, mais c’est sans effet. »
Cavalier seul. Un sinologue français basé en Chine explique : « Le gouvernement arrive avec des lettres d’excuses et se met aux pieds des Chinois. Il devrait jouer la carte européenne, la seule qui intimide les Chinois, au lieu de faire cavalier seul. On est perdants sur tous les tableaux. » Il ajoute : « La Chine adore jouer sur les contradictions, la France lui offre un boulevard. » Pour Dominique Moïsi, de l’Institut français de relations internationales, « la politique française, qui a voulu se mettre en avant comme pays des droits de l’homme, subit une défaite symbolique ». Chacun oppose Nicolas Sarkozy à Gordon Brown et Angela Merkel, qui ont décliné l’invitation aux JO. La chancelière allemande, qui a grandi dans l’ex-RDA, sait décrypter la propagande communiste. Elle ne se laisse pas intimider. « Et cela n’empêche pas l’Allemagne de faire de meilleures affaires en Chine que la France », assure Jean-Luc Domenach. Selon Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy, qui sera président de l’Union européenne lors des JO, « attend la concertation européenne pour décider s’il se rendra à la cérémonie d’ouverture ». D’ici là, qu’importe que sa politique étrangère ne soit pas portée sur la concertation.
PASCALE NIVELLE
* Paru dans le quotidien Libération du jeudi 24 avril 2008.
Raffarin : « Le geste de Delanoë est une très grave erreur politique »
L’ancien Premier ministre, qui est arrivé en Chine ce jeudi, multiplie les courbettes pour pacifier les relations avec Pékin.
Jean-Pierre Raffarin est en Chine. L’ancien Premier ministre est arrivé ce jeudi pour pacifier les relations avec Pékin, au moment où la crise, née du fiasco du passage de la flamme olympique à Paris, commence à s’apaiser. Pour ce faire, il amène deux lettres : l’une de Nicolas Sarkozy, l’autre de Jacques Chirac.
SUR LE MÊME SUJET
Dès son arrivée, il a été reçu par Wen Jiabao, le chef du gouvernement chinois, qui apprécie la démarche française. Et plus précisément les propos de Raffarin, qui ne cesse ces derniers jours de passer de la pommade aux autorités chinoises. « Vous soutenez l’organisation par la Chine des jeux Olympiques, vous vous opposez à lier la politique et les JO, exprimant par là l’amitié à l’égard du peuple chinois », a déclaré le Premier ministre chinois à l’égard de Raffarin. « Vous avez souligné à plusieurs reprises qu’entre Etats, il faut respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale », a-t-il ajouté.
Raffarin fustige l’attitude de Delanoë
Depuis deux jours, Raffarin tente de colmater les brèches. Pour commencer, il a fustigé, mercredi dans Le Parisien, l’attitude de Bertrand Delanoë, le maire de Paris, qui a fait du dalaï-lama un citoyen d’honneur de sa ville. Pour l’ex Premier ministre, cette décision est « inopportune, dans la mesure où elle prend la forme d’une pression médiatique. » Avant de tenter d’en minimiser l’importance : « Nous ferons en sorte que le cadre de cette décision soit bien perçu par le peuple chinois : il s’agit d’une décision à caractère local. »
Et d’en rajouter une couche dans le quotidien chinois China Youth Daily, à l’occasion d’une interview accordée mardi : « Le geste de Delanoë est une très grave erreur politique [...] J’ai vraiment honte que le conseil de Paris soit allé à l’encontre des efforts du président Sarkozy pour améliorer les relations sino-françaises. » Avant d’ajouter : « Si le conseil de Paris veut honorer quelqu’un qu’il considère comme un héros, il doit d’abord analyser le candidat de manière objective et globale, et pas sur une impulsion ».
La Chine est « disposée » à reprendre le dialogue avec le dalaï-lama
Par ailleurs, Jean-Pierre Raffarin a assisté à la rencontre entre le président Hu Jintao et le président du Sénat français, Christian Poncelet. A l’issue de l’entretien, ce dernier a déclaré que la Chine était « disposée » à reprendre le dialogue avec le dalaï-lama, en rappelant que la France « dans le cadre du partenariat stratégique » était prête à apporter sa contribution. Le numéro un chinois a toutefois maintenu les conditions que la Chine pose à la réouverture de discussions avec le prix Nobel de la paix : « La condition qu’il a laissée apparaître, c’est que les exigences présentées par le dalaï-lama soient modifiées », a affirmé Poncelet, sans expliciter.
LIBERATION.FR (AVEC SOURCE AFP)
LIBERATION.FR : jeudi 24 avril 2008
* Paru dans le quotidien Libération du jeudi 24 avril 2008.
Raffarin et Poncelet recollent les morceaux avec la Chine
De notre correspondante à Pékin PASCALE NIVELLE
Cinquante minutes avec Hu Jintao. C’est ce qu’il faut retenir de la rencontre, hier, entre les pompiers de la diplomatie française, Christian Poncelet (président du Sénat) et Jean-Pierre Raffarin, et le président chinois. Dans un pays où le protocole en dit parfois plus long que les discours, la Chine se montre de nouveau dans de bonnes dispositions vis-à-vis de la France. Lors de l’entretien, arrangé en urgence la semaine dernière, Christian Poncelet a compris que la Chine « à la volonté de maintenir l’amitié » historique sino-française. Et aussi qu’elle est disposée à la reprise d’un dialogue avec le dalaï-lama, assorti des habituelles exigences sur l’abandon de l’idée d’autonomie du Tibet.
Le président du Sénat a offert les services de la France pour faciliter le dialogue. L’Union européenne, qui a elle aussi appelé à « un dialogue constructif » avec le dalaï-lama hier, s’est entendue répondre par le ministère chinois des Affaires étrangères : « La question tibétaine est une affaire intérieure à la Chine, aucun pays ou organisation étrangers ne peut s’ingérer. » Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et neuf commissaires européens participent aujourd’hui à un sommet UE-Chine. La crise tibétaine sera « en haut des priorités », ont-ils annoncé.
Ce n’est pas celle des Français. Jean-Pierre Raffarin a aussi entrepris d’amadouer le numéro 2 du régime, Wen Jiabao. En 2003, alors Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin avait laissé une bonne impression en Chine en prenant un avion pour Pékin en pleine épidémie de Sras. Le voici ambassadeur de la France pour assurer aux dirigeants chinois que la politique de Paris n’a pas changé et que le dialogue stratégique cher à Jacques Chirac est toujours d’actualité. La rencontre, qui semble aussi avoir été organisée dans la fièvre des manifestations antifrançaises de la semaine passée, s’est déroulée comme espéré. « Vous soutenez l’organisation par la Chine de Jeux olympiques, vous vous opposez à lier la politique et les JO, vous avez souligné qu’entre Etats, il faut respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale », a félicité Wen Jiabao. Le coup de froid diplomatique semble passé.
* Paru dans le quotidien Libération du vendredi 25 avril 2008.
Sarkozy : Chine, d’abord privilégier le dialogue
[Dans son intervention, hier soir à la télévision, Nicolas Sarkozy espère] sur les JO, une position commune de l’UE avant la présidence française.
Assistera-t-il à la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin ? Hier soir, Nicolas Sarkozy s’est bien gardé de répondre à la question que tout le monde se pose depuis les émeutes au Tibet et le passage de la flamme à Paris. « La France essaye de renouer les conditions d’un dialogue entre le dalaï-lama et les autorités chinoises », a déclaré un Nicolas Sarkozy véhément sur les sujets internationaux. Le président s’est dit « choqué par ce qui s’est passé au Tibet » et l’a « dit au président chinois ».
Se démarquant de Gordon Brown et d’Angela Merkel, les chefs de gouvernement britannique et allemand qui ne se rendront pas à la cérémonie d’ouverture, Nicolas Sarkozy a indiqué : « Si le dialogue ne se noue pas, je prendrai mes responsabilités en tant que président français et président de l’Union européenne », que Paris présidera à partir du 1er juillet. D’ici là, il espère qu’une majorité se dessinera au sein de l’UE. Niant que cet attentisme était déterminé par une « affaire de contrats » commerciaux, il a souligné qu’il ne voulait pas « créer les conditions d’un nationalisme chinois ».
Tout en refusant de condamner l’attribution par le Conseil de Paris du titre de citoyen d’honneur au dalaï-lama, le chef de l’Etat a semblé désapprouver l’initiative de Bertrand Delanoë. Et a insisté sur la nécessité de causer le « moins de blessures possible » à Pékin. Le Président a reconnu être en contact avec le chef spirituel tibétain, avant de se reprendre, précisant qu’il s’agissait de « ses collaborateurs » (lire aussi page 9).
Interrogé sur sa décision d’envoyer 700 soldats supplémentaires en Afghanistan, il l’a justifiée par le refus de « laisser revenir » au pouvoir les talibans, « ces moyenâgeux » (sic). Il a nié avec force que la France était « en guerre », insistant sur le fait que les troupes de l’Otan y étaient à l’invitation du « peuple afghan ». Au nom des mêmes valeurs, il a écarté tout dialogue avec le président iranien et le Hamas palestinien, parce qu’ils souhaitent « rayer Israël de la carte ».
Quant à l’élargissement de l’UE, il a répété son hostilité à l’entrée de la Turquie. Mais toute autre intégration comme celle de la Croatie ou de la Suisse, ne serait plus automatiquement soumise à référendum.
Il a aussi affiché son volontarisme pour la libération de l’otage franco-colombienne Ingrid Bétancourt, soulignant que son action avait permis l’obtention d’une preuve de vie et la libération de six otages.
C.A. ET A.V.
* Paru dans le quotidien Libération du vendredi 25 avril 2008.
Le premier ministre chinois salue les propos antiboycott de Jean-Pierre Raffarin
Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a reçu Jean-Pierre Raffarin, jeudi 24 avril, et s’est félicité des récentes déclarations de l’ancien premier ministre appelant à ne pas boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. « Vous soutenez l’organisation par la Chine des Jeux olympiques, vous vous opposez à lier la politique et les JO, exprimant par là l’amitié à l’égard du peuple chinois, lui a-t-il dit. Vous avez souligné à plusieurs reprises qu’entre Etats, il faut respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. » « Nous tenons à exprimer notre haute appréciation », a déclaré M. Wen.
RAFFARIN TACLE DELANOË
L’ancien premier ministre français est arrivé à Pékin porteur d’un message d’apaisement entre la France et la Chine. Il a jugé que la décision de faire du dalaï-lama un citoyen d’honneur de la Ville de Paris constituait une « très grave erreur politique », rapporte, jeudi, le China Daily. L’interview a été accordée mardi au journal chinois avant le départ pour Pékin de l’ancien premier ministre.« D’abord, en tant que responsable local, il doit veiller à un consensus avec la stratégie diplomatique de l’Etat lorsqu’il s’exprime sur des questions internationales », explique-t-il.
Jean-Pierre Raffarin ajoute avoir éprouvé de la honte face à la décision du Conseil de Paris qui va « à l’encontre des efforts entrepris par Nicolas Sarkozy pour améliorer les liens sino-français ».« Si le conseil de la ville de Paris veut honorer une personnalité qu’il considère comme un héros, il doit d’abord analyser objectivement et entièrement le candidat, et non agir par impulsion », poursuit-il.
La visite à Pékin de l’ancien premier ministre et du président du Sénat Christian Poncelet, apparemment prévue de longue date, vise d’abord à apaiser la colère des Chinois après le fiasco du parcours de la flamme olympique à Paris, le 7 avril, et les menaces de Nicolas Sarkozy de boycotter la cérémonie des JO le 8 août. « J’ai tenu tout au long de notre visite à rappeler la volonté de la France de maintenir et d’approfondir le partenariat stratégique qui existe entre nos deux pays depuis quelque temps déjà », a déclaré le président du Sénat. « Je suis convaincu que la poursuite du dialogue [entre la Chine et la France] permettra de sortir au mieux de la situation actuelle », a estimé M. Poncelet.
LA CHINE SERAIT « DISPOSÉE » À DIALOGUER AVEC LE DALAÏ-LAMA
Le président du Sénat, qui a rencontré jeudi le président chinois Hu Jintao, a par ailleurs estimé que la Chine était selon lui « disposée » à reprendre le dialogue avec le dalaï-lama.« Hu Jintao a fait savoir que le dialogue existait et je l’ai trouvé disposé à le reprendre », a déclaré M. Poncelet au cours d’un point de presse, sans préciser de quelle nature était ce « dialogue » existant. Le président du Sénat a remis à Hu Jintao un message du président Sarkozy, « faisant référence à ce dialogue ». Depuis les émeutes au Tibet en mars, la France a appelé à plusieurs reprises la Chine à reprendre les discussions avec le Prix Nobel de la paix.
Le numéro un chinois a toutefois maintenu les conditions que la Chine pose à la réouverture de discussions avec le chef tibétain : « La condition qu’il a laissé apparaître, c’est que les exigences présentées par le dalaï-lama soient modifiées », a affirmé M. Poncelet, sans plus d’explications.
AFP et Reuters, 24.04.08
« Choqué » par les événements au Tibet, M. Sarkozy ménage aussi Pékin
Sur la question du Tibet, Nicolas Sarkozy a cherché, jeudi 24 avril, à apparaître en pointe, au sein de l’Union européenne, en déclarant avoir été « choqué » par les événements de la mi-mars à Lhassa, et en relançant un appel au dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama. Il a affirmé qu’il réservait toujours sa décision à propos d’une présence à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le 8 août, dans l’espoir que Pékin infléchirait, d’ici à quatre mois, sa position vis-à-vis du chef spirituel tibétain. Il a dit vouloir œuvrer, parallèlement, à une position européenne commune sur cette question.
Mais, dans un délicat exercice d’équilibre traduisant bien la difficulté de traiter avec Pékin, le président français s’est aussi efforcé de ménager la relation bilatérale avec la Chine, qui, selon lui, « aide le monde » dans la résolution de certaines crises, comme le Darfour ou le dossier nucléaire iranien. « Je ne veux pas qu’on mette la Chine au ban de l’humanité », a-t-il dit.
Plusieurs émissaires français, dont le conseiller diplomatique de M. Sarkozy, Jean-David Levitte, se succèdent en Chine cette semaine, porteurs de messages de l’Elysée visant à apaiser le ressentiment anti-français provoqué par les incidents qui avaient entouré le passage de la flamme olympique à Paris.
« Je n’ai pas accepté ce qui s’est passé au Tibet, j’ai été choqué par ce qui s’est passé au Tibet, et je l’ai dit au président chinois », a affirmé M. Sarkozy lors de son émission télévisée, devenant ainsi le premier dirigeant occidental à exprimer publiquement une indignation personnelle face aux violences de Lhassa. La chancelière allemande Angela Merkel, ainsi que le premier ministre britannique, Gordon Brown, qui tous deux ont fait savoir qu’ils n’assisteraient pas à la cérémonie d’ouverture des JO, n’ont pas franchi ce pas.
PROPOS CHOISIS
Mais une certaine ambiguïté pouvait aussi se nicher dans les propos de M. Sarkozy, qui semblaient soigneusement choisis. Le président n’a pas fait explicitement référence à la répression policière à Lhassa, qui aurait fait une centaine de morts. L’expression « ce qui s’est passé au Tibet » pouvait ainsi tout aussi bien faire référence au comportement des émeutiers tibétains qui s’en étaient pris à des habitants chinois han de Lhassa lors d’attaques à caractères ethniques. Seules ces images-là, d’émeutes, avaient été diffusées par la télévision chinoise.
Cette ambiguïté était-elle calculée ? Visait-elle à ménager des arguments pour les émissaires français auprès des autorités de Pékin ? M. Sarkozy semblait vouloir en tout cas tirer argument de sa position sur le Tibet (« créer les conditions du dialogue » entre Pékin et le dalaï-lama) pour rehausser le volet « droits de l’homme » de sa diplomatie.
Il n’a pas été interrogé, lors de l’émission, sur le fait que son premier commentaire public, concernant le drame au Tibet, soit intervenu plus de dix jours après la répression meurtrière, alors que Gordon Brown avait déjà annoncé qu’il rencontrerait le dalaï-lama en mai, à Londres.
Appelant « les Chinois » à « faire preuve de pragmatisme avec le Tibet », M. Sarkozy a dit avoir reçu des « signaux » de Pékin allant dans ce sens, mais sans préciser lesquels. Le chef de l’Etat est engagé dans un pari difficile. La question de la formulation d’une position commune européenne à l’approche des JO – quand la France aura la présidence de l’Union – reste entièrement ouverte.
Natalie Nougayrède
* Article paru dans Le Monde, édition du 26 avril 2008. LEMONDE. 25.04.08.
Paris multiplie l’envoi d’émissaires pour apaiser Pékin
PÉKIN CORRESPONDANT
Après la confrontation, la réparation : Paris a multiplié cette semaine les gestes d’apaisement à l’égard de Pékin après les incidents qui ont émaillé le passage de la torche olympique à Paris et les déclarations de Nicolas Sarkozy menaçant de ne pas participer aux cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques si la Chine n’acceptait pas la reprise d’un dialogue avec le dalaï-lama.
Le président français peut aujourd’hui se dire satisfait : l’annonce d’une prochaine rencontre entre le chef spirituel tibétain et des responsables chinois arrive à point après des entretiens au plus haut niveau entre des émissaires français et la direction chinoise.
Paris a multiplié les efforts, cette semaine, pour éviter que ne se dégrade la qualité de la relation franco-chinoise du temps de Jacques Chirac. Le président du Sénat, Christian Poncelet, et l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin sont à Pékin depuis plusieurs jours et le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, Jean-David Levitte, était attendu samedi 26 avril.
Jeudi, M. Poncelet s’est entretenu avec le président chinois Hu Jintao. M. Hu lui a fait la leçon, déclarant que les incidents survenus durant le passage de la torche à Paris sont des choses que « nous ne voulons pas voir ». « Nous espérons, a ajouté le chef de l’Etat chinois, que la France travaillera avec la Chine pour surmonter l’impact de ces troubles. » M. Poncelet lui a fait part des « regrets » de la France.
De son côté, M. Raffarin a reçu les félicitations du premier ministre Wen Jiabao qui l’a remercié pour « ses remarques amicales » : la veille, l’ancien chef de gouvernement de M. Chirac avait qualifié de « très sérieuse erreur politique » la décision du maire de Paris, Bertrand Delanoë, d’attribuer au dalaï-lama le statut de citoyen d’honneur de la ville de Paris.
Le gouvernement et l’opinion publique chinois ont sans doute eu des difficultés à déchiffrer la politique de la France en Chine depuis la crise au Tibet. Au lendemain du début des troubles, alors que M. Sarkozy gardait le silence, le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, s’était félicité du fait que la Chine avait fait des progrès en matière de droits de l’Homme, avant d’évoquer la possibilité d’un boycottage de la cérémonie d’ouverture des jeux, puis de se rétracter et de juger la chose peu réaliste. M. Sarkozy l’avait ensuite démenti implicitement en agitant cette menace.
Le 8 avril, le président de la République avait affirmé que sa venue à Pékin serait liée à des « conditions ». Lors de son entretien télévisé du jeudi 24 avril, il a expliqué qu’il réservait sa décision dans l’espoir que Pékin infléchirait d’ici là sa position vis-à-vis du dalaï-lama.
Bruno Philip
* Article paru dans le Monde, édition du 27.04.08.
LE MONDE | 26.04.08 | 14h30
Chine : Delanoë « extrêmement choqué » par l’attitude de Raffarin
Le maire de Paris reproche à l’ex-Premier ministre d’avoir choisi un journal chinois, « un organe de propagande étranger », pour critiquer sa décision de faire du dalaï-lama un « citoyen d’honneur » de la ville de Paris.
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s’est dit samedi « extrêmement choqué » que l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ait choisi de s’exprimer dans un journal chinois pour critiquer la décision de la ville de Paris d’accorder le titre de « citoyen d’honneur » au dalaï lama.
« J’ai une règle que François Mitterrand appliquait vraiment bien, c’est que l’on ne polémique pas sur un terrain de politique intérieure quand on est à l’étranger », a déclaré Bertrand Delanoë, venu à Londres soutenir le maire de la capitale britannique Ken Livingstone avant les élections municipales jeudi. « J’ai été extrêmement choqué qu’un ancien Premier ministre choisisse un organe de propagande étranger pour dire du mal d’un autre responsable français, en l’occurrence moi », a-t-il repris, lors d’une conférence de presse conjointe avec Ken Livingstone. Dans un entretien au Journal de la jeunesse de Chine, Jean-Pierre Raffarin avait déclaré que « la décision de Delanoë est une erreur politique très grave ». Il avait également regretté que « la ville de Paris aille dans le sens opposé au gouvernement français ».
S’exprimant samedi sur France Info depuis Pékin, où il a été dépêché par le président Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin a répété que l’initiative de la ville de Paris lui paraissait « inopportune », car « ce n’est pas au moment où le gouvernement cherche à apaiser qu’une collectivité locale doit chercher à attiser ». Bertrand Delanoë, rappelant qu’il n’avait jamais recommandé le boycott des épreuves olympiques, s’est à nouveau justifié à Londres. « En même temps que nous respectons l’identité chinoise, le peuple chinois, il faut défendre nos valeurs, nos convictions universelles, les droits de l’Homme bien sûr, et le respect d’un peuple, le peuple tibétain, qui ne demande même pas son indépendance », a-t-il affirmé. Le Conseil de Paris (PS et Verts) a donné lundi au dalaï lama, chef spirituel des Tibétains, le titre de « citoyen d’honneur » de la ville de Paris, à l’issue d’un vote conforme au souhait de Bertrand Delanoë. De nombreux élus n’ont cependant pas pris part au vote (UMP, MRC, communistes et Centre et indépendants).
LIBERATION.FR
* Paru sur le site du quotidien Libération le samedi 26 avril 2008.