Sarkozy et Hortefeux n’avaient pas prévu une tell révolte des salariés sans papiers qui, pour certains, travaillent depuis des années, payent des cotisation sociales – dont la retraite – et des impôts dont ils ne bénéficient pas. Après quelques premières grèves locales, la grève s’est étendue depuis le 15 avril, passant, en cinq jours, de 200 à plus de 500 grévistes sur un cinquantaine de sites. Ces grèves sont soutenues par la CGT, SUD, Droit Devant !, RESF, Ucij.
Depuis le 1er juillet 2007, les patrons ont l’obligation de vérifier les papiers de leurs salariés étrangers auprès de la préfecture. Cette mesure précarise encore plus les travailleurs sans papiers et s’ajoute au harcèlement croissant de la police. Celle-ci a procédé, l’année dernière, à 23 000 expulsions, chiffre le plus haut atteint depuis 1945.
Les secteurs touchés par la grève – restauration, nettoyage, BTP – sont appelés, par euphémisme, « marché de travail en tension ». Ce sont ceux où les conditions de travail et les salaires sont tels qu’ils ne peuvent être acceptés que par les plus précaires. Les patrons profitent ainsi à plein, depuis des années, d’une main-d’œuvre sans-papiers de 200 000 à 400 000 salariés. Ainsi la Cogedim, dont les salariés d’un sous-traitant sont en grève sur un chantier de démolition de Paris, fait partie d’un groupe dont le résultat net est de 429 millions d’euros, en hausse de 94 % !
L’implication, dans ces premières luttes, de la CGT a été un élément important. De nombreux sans-papiers contactent les syndicats et la campagne de syndicalisation rencontre un écho très favorable. Mener la lutte en tant que travailleur, sur le lieu de travail, par la grève, marque un cap qui donne un moyen plus fort de pression dans la construction du rapport de force. Celamet en évidence le rôle économique des sans-papiers en rendant visibles dans leur exploitation, les invisibles qui font partie intégrante de la classe ouvrière.
Certains patrons soutiennent la régularisation de leurs salariés pour que le travail reprenne dans leur entreprise. Cambadélis, du PS, a déclaré : « Ils ont été choisis par des employeurs, ils doivent donc être régularisés. » Cette position, qui lie titre de séjour au contrat de travail, va dans le sens de la politique d’« immigration choisie » qui permet un contrôle direct du patronat sur la main-d’œuvre immigrée.
Pour gagner la régularisation de tous les sans-papiers, les patrons ne sont pas des alliés. Ainsi, la Cogedim a porté plainte pour entrave à la liberté du travail. Le patron de Fabbio Lucci à Paris a appelé la police pour expulser les grévistes. Au magasin Casa Nova des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le patron a envoyé une milice privée expulser violemment les grévistes, mais une manifestation a permis de réoccuper, dès le lendemain matin, les locaux et de collecter 800 euros en quelques heures.
Lundi 21 avril, une délégation de la CGT recevait l’assurance que les préfectures concernées aller « étudier positivement » les dossiers des 600 grévistes mais en « se prononçant au cas par cas ». C’est une avancée qui reste à confirmer et peut se transformer en une première victoire du mouvement et une défaite du gouvernement et du patronat, empêtrés dans leur gestion démagogique et hypocrite de ce dossier. C’était la joie sur le chantier, mais les occupations sont maintenues car la plus grande vigilance s’impose. Cette action en appelle forcément d’autres ! Le combat continue, il faut maintenant que le soutien à la grève de la part des syndicats et des partis de gauche soit à la hauteur de la détermination des sans-papiers.
Solidarité active en région parisienne
Depuis un mois, le magasin de vêtements Fabio Lucci est en grève, d’abord sur les salaires puis pour la régularisation des sans-papiers. Ce type de lutte s’est multiplié à Paris et dans la région. La grève est dure, les sans-papiers doivent bien souvent occuper un local nuit et jour pour ne pas se faire expulser de l’entreprise, et il leur faut s’organiser pour durer. Une pétition CGT est largement diffusée, les unions locales mettant des moyens matériels à la disposition des grévistes. Les élus de gauche soutiennent mais ne proposent pas grand-chose d’autre, comptant sûrement sur la « bonne volonté » des patrons qui emploient les sans-papiers.
Dans le 19e arrondissement, un comité de soutien regroupant la LCR, Alternative libertaire, le PCF, RESF a organisé un rassemblement. Ce soutien syndical et local permet aux grèves de tenir face à des patrons qui font appel à la police pour dégager les locaux. Il faut que de plus en plus de monde vienne sur les lieux de grève pour construire une solidarité active, militante. Aucune grève ne doit rester isolée, c’est maintenant et tous ensemble qu’on peut gagner.
Au jour le jour
Traquenard à la préfecture de Nanterre
Les employés de la préfecture de Nanterre ont reçu une note administrative leur demandant d’arrêter systématiquement certains étrangers venus d’eux-mêmes faire une demande de régularisation. On peut y lire : « L’éloignement des étrangers en situation irrégulière est une priorité de nos services, nous avons en ce domaine une obligation de résultats. Je vous demande donc d’appliquer avec un zèle particulier les instructions contenues dans cette note. » Ces instructions consistent à organiser une véritable machination conte les sans-papiers : « L’étranger remet son passeport à l’agent […] est invité à prendre place dans la file d’attente […] l’agent saisit le chef de la section Éloignement […] l’interpellation sera réalisée en cabine fermée. »
Les organisations soutenant les sans-papiers (RESF, CSP92, FCPE, LDH, CGT, FSU, SUD…), ainsi que les partis politiques de gauche du département (PS, PCF, LCR, Verts…), se sont immédiatement mobilisés et ont décidé de se relayer pour tenir, à la porte de la préfecture, une banderole alertant les nombreux sans-papiers faisant la queue : « Ici on arrête, ici on expulse. » Cela n’a malheureusement pas empêché le piège de fonctionner. Un Ghanéen a été arrêté le 11 avril, alors qu’il venait essayer de régulariser sa situation après un mariage. Si celui-ci a pu sortir du centre de rétention, il est toujours poursuivi. Jeudi 17 avril, la police intervenait pour saisir la banderole. Mais la mobilisation contre ces détestables pratiques continue.