Malgré ses tentatives pour minorer le mouvement des travailleurs sans papiers, le gouvernement est bien obligé d’annoncer des centaines de régularisation. Mardi 22 avril, en recevant la CGT et en promettant « une étude positive » des dossiers déposés, il pensait que la situation allait rentrer dans l’ordre et que l’on retomberait dans le cas par cas et l’arbitraire.
Mais les sans-papiers et la CGT ont eu l’intelligence de ne pas confondre promesses de papiers et régularisation. La grève et les occupations ont été maintenues. Le lendemain soir, un meeting « énorme » était organisé à la Bourse du travail par la CGT et Droits devant !!, avec plus de 2 000 personnes, la majorité ne pouvant même pas entrer. Cela montre clairement que la bataille en cours n’est qu’une première étape. Au-delà des 600 grévistes actuels et des 1 000 dossiers déposés en région parisienne, des milliers de travailleurs sans papiers sont prêts à entrer dans la lutte. En quelques jours, 400 ont adhéré à la CGT. Raymond Chauveau présente la stratégie de la centrale syndicale : « Pour l’instant, on n’appelle pas à l’entrée en lutte de nouveaux sites, on attend une réponse pour les 1 000 premiers dossiers. On se prépare à l’élargissement, il n’y a aucune confiance envers le gouvernement. Recensez les entreprises, organisez les camarades. On se tient prêts. »
Cette bataille est rapidement devenue un enjeu national, elle s’attaque au cœur de la politique de Sarkozy d’immigration « choisie ». Depuis des années, il agite la carte raciste pour faire passer sa politique antisociale, prétendant que les immigrés sont un problème pour la société. Des millions de personnes découvrent qu’en fait, les sans-papiers sont avant tout des travailleurs, qui effectuent les travaux les plus difficiles.
La grève a permis aux sans-papiers de sortir de l’isolement et le soutien à leur lutte est majoritaire dans l’opinion. Sur le terrain, l’implication de la CGT est décisive. C’est un tournant, car cela montre que la progression du racisme n’a rien d’inévitable et que, si le mouvement ouvrier s’en donne les moyens, il est possible de faire reculer le gouvernement. Lutter en tant que travailleurs donne de nouveaux moyens pour construire le rapport de force. Les sans-papiers démontrent leur « intégration » dans la lutte de classe et les traditions du mouvement ouvrier : syndicalisation, grève... C’est un formidable antidote à l’idéologie raciste de la classe dominante.
C’est une bataille de longue haleine qui s’engage, comme celle du Réseau éducation sans frontières (RESF). Le gouvernement refuse toujours toute régularisation globale des travailleurs sans papiers. Il poursuit sa politique, la ministre de l’Économie appelle ainsi à renforcer la répression dans les entreprises. Cela va nourrir la colère, mais aussi le désespoir, si la gauche ne mesure pas sa responsabilité pour mener ce combat. Jusqu’à présent, les principaux dirigeants du PS se préoccupent plus des candidatures à la prochaine présidentielle que de la régularisation des sans-papiers, car ils n’ont pas de démarche alternative à la politique d’immigration de Sarkozy. Il faut continuer à soutenir les grèves et les occupations, à élargir le mouvement. D’autres sites sont prêts à entrer dans la lutte, les sans-papiers qui travaillent « au noir » veulent légitimement être partie prenante du mouvement. Il faut également renforcer l’unité syndicale et rassembler toutes les forces politiques et associatives pour amplifier et construire un vaste mouvement antiraciste.