Cette semaine est importante pour la suite du mouvement lycéen. Les vacances scolaires apparaissaient comme un obstacle difficile à surmonter, pour un mouvement qui n’avait commencé qu’en région parisienne. Mais le relais a bien été pris dans les deux zones sur trois qui ont repris les cours. Les premiers chiffres connus sont à la hauteur des enjeux : les manifestations du mardi 29 avril ont regroupé 4.000 lycéens à Nice, 3 500 à Rennes, 3 000 à Tours, 2 000 à Toulon, 1 500 Orléans et à Rouen, 900 à Avignon, 800 à Grenoble, 500 au Mans, 400 au Havre.
Le mouvement lycéen continue donc, parce que de plus en plus de lycéens sont conscients des problèmes actuels de l’Éducation… et de ses problèmes futurs. Le gouvernement ne le cache pas : la suppression de plus de 11 000 postes n’est qu’un hors d’œuvre. D’ici 2012, 80 000 postes vont disparaître ! L’Éducation ne pourra évidemment plus fonctionner comme avant.
Le rapport Pochard prévoit une autonomie des établissements : chaque lycée aura un projet d’établissement. Pour l’un, ce sera d’emmener les élèves vers le bac et vers des études longues. Les lycées avec un projet ambitieux auront des crédits pour les options, mais pas pour l’aide individualisée. Ils se débarrasseront des élèves en difficulté. D’autres lycées auront pour projet d’orienter les élèves vers des études courtes, vers un bac avec moins de contenu. Cela veut dire des diplômes qui ne donneront accès à aucune garantie sur le marché du travail. Ce n’est pas dans les lycées riches qu’on supprime des postes, mais dans les quartiers populaires et dans les lycées pro !
N’apprendre que le minimum aux plus pauvres, ce n’est pas nouveau. La loi Fillon de 2005 a mis en place le « socle commun de connaissances ». Le rapport Thélot (2003), qui annonçait la loi Fillon, disait qu’avec 80 % d’une classe d’âge ayant le bac, on avait des jeunes trop qualifiés arrivant sur le marché du travail, donc trop exigeants sur leurs conditions de travail. En fait, comme avec le CPE, le gouvernement veut faire baisser le coût du travail des jeunes. Les lycéens pro sont les premiers touchés par la déqualification. Le bac pro en trois ans n’est plus l’équivalent des autres bacs, qui donnent accès à la fac et aux conventions collectives. Et, sans BEP, des milliers de jeunes vont se retrouver sur le marché du travail sans aucun diplôme.
La casse de l’Éducation nationale s’inscrit dans une politique générale contre le code du travail et les acquis des salariés. Les suppressions de postes et de BEP sont liées aux autres réformes. Ce qu’il faut, c’est donc un mouvement de tous ceux qui subissent la casse des acquis sociaux. Et c’est ce qui s’annonce avec la reprise des cours (et des blocages !) en région parisienne et à Bordeaux, et la prochaine mobilisation du 6 mai. L’enjeu sera ensuite de faire du 15 mai (journée de grève dans plusieurs secteurs), le début d’un mouvement d’ensemble, d’un nouveau Mai 68 !
Gabriel Lafleur et Jean-Baptiste Pelé
ÉDUCATION NATIONALE : Bonnet d’âne pour Darcos
La mobilisation dans l’Éducation nationale touche de nombreuses villes. Exemple à Besançon.
Samedi 26 avril place de la Révolution à Besançon. C’est la place du marché Vers 15 heures, les clarines retentissent. Pourtant, aucune vache à l’horizon. En revanche, des centaines de parents d’élèves accompagnés de leur rejetons, des instituteurs et institutrices à la pelle, des personnels de vie scolaire sont rassemblés. Ils font un barouf d’enfer en attendant le début de la manifestation en faveur de l’Éducation, contre l’austérité à la mode Darcos
Le millier de personnes rassemblées – une très forte mobilisation – répond à une initiative du Snuipp-FSU. D’ailleurs, à part les drapeaux du Snuipp-FSU, et quelques-uns, très rares, de SUD-Éducation, ceux des autres syndicats (Unsa et Sgen) brillent par leur absence. Depuis plusieurs semaines, le Snuipp a mobilisé dans l’ensemble du département, impulsant une coordination rassemblant personnels et parents. Avant les vacances de Pâques, une trentaine d’écoles de Besançon et de la communauté d’agglomération – à peine moins à la rentrée – se sont retrouvées pour discuter des attaques en cours contre les écoles du primaire : cours de rattrapage durant les vacances, suppressions de postes d’emplois de vie scolaire (les EVS), limitation des remplacements, suppressions de classes, etc. Déjà, le 1er avril, une grève départementale, massivement suivie, accompagnée d’une puissante manifestation, a permis de rassembler largement dans la rue.
Mais là, on assiste à la prise en charge du mécontentement par l’ensemble des acteurs de la vie scolaire. Des parents ont décidé de réaliser l’affiche d’appel à la manifestation. Dessins, impression et diffusion ont été totalement assumés par un petit groupe de parents très remontés. « Vous les instits, vous perdez une journée de salaire quand vous faites grève, on peut bien mettre la main au portefeuille pour défendre l’école de nos enfants ! », a-t-on pu entendre. Ce n’est pas un hasard non plus si la banderole de tête était portée par des minots de 8 ou 10 ans, portant bonnet d’âne et heureux comme pas permis de montrer qu’eux aussi, ils voulaient une école pour tous et toutes.
Les sifflets des gosses ont retenti quand le cortège est passé devant le local de l’UMP, qui jouxte le rectorat, tandis que les manifestants huaient à qui mieux-mieux. Durant tout l’après midi, c’est un cortège, vivant, dynamique et chaleureux qui est allé jusqu’au rectorat, pour coller d’immenses oreilles d’âne sur la porte hermétiquement close. En chantant « Un pas en avant pour l’école, un pas en arrière », de nombreuses mères (des pères aussi), des enseignants et enseignantes ont arpenté les rues de la ville. Un mouvement d’une telle ampleur ne s’est pas vu depuis de nombreuses années. Des rendez vous sont d’ores et déjà fixés, durant le mois, pour faire céder Darcos. Une nouvelle coordination devait prolonger ce bel élan. Décidément, ce mois de mai devrait être chaud pour l’école et, souhaitons-le, bien au-delà.
Correspondant
JEUNES ET PRÉCARITÉ : Jouer collectif
Cela fait de nombreuses années que les différent gouvernements, de droite comme de gauche, veulent « flexibiliser » le marché de travail. Une véritable politiqu de précarisation généralisée est mise en place et frappe en particulier les nouveaux entrants sur le marché du travail, les jeunes.
Dernière attaque en date, la loi dite de « modernisation du marché du travail » a été scellée par un accord entre le patronat et quatre syndicats dits « représentatifs » (CFDT, FO, CFTC, CGC). Seule la CGT n’a pas signé l’accord, sans pour autant avoir la volonté de mobiliser contre. La loi allonge la période d’essai, permet à l’employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail, crée un nouveau contrat précaire dit « CDD de projet » et met en place la « séparation à l’amiable », qui permettra à un patron de profiter de son pouvoir supérieur pour obliger un employé à démissionner.
Un collectif s’est mis en place contre cet accord et ce projet de loi. Il réunit largement les associations de chômeurs et de précaires, les syndicats n’ayant pas signé l’accord et des organisations étudiantes. Les jeunes ont eu un grand rôle dans cette dynamique et un appel jeune contre le projet de loi a été préparé dans le cadre du collectif. La mobilisation n’a pas suffi à empêcher l’adoption de la loi, mais la lutte n’est pas finie.
Un collectif interorganisations de jeunesse, « Les jeunes unis contre la précarité », est en cours de constitution, il devrait rassembler l’essentiel des organisations s’étant regroupées dans l’appel jeune contre la loi de « modernisation » du marché du travail (JCR, JC, MJS, Jeunes Verts, Jeunes CGT, Sud-Étudiant, Génération précaire, Attac Campus…).
Alors que la loi doit être adoptée en juin, une nouvelle attaque se profile déjà avec les « négociations » sur l’assurance-chômage (Unedic), qui s’ouvrent le 6 mai. D’ores et déjà, le collectif a décidé d’empêcher le patronat de faire accepter n’importe quel emploi à un chômeur, de le priver de revenus, de l’obliger à accepter des conditions de vie de plus en plus odieuses.
Correspondant