De La Paz,
C’est finalement dans la ville minière d’Oruro, au sud de La Paz, sous la vigilance de centaines de mineurs, que l’Assemblée constituante (AC) a conclu ses travaux, dimanche 9 décembre. Une dernière session houleuse, qui a permis au Mouvement vers le socialisme (MAS) d’Evo Morales et aux 164 constituants présents (sur 255), de faire approuver un texte constitutionnel au contenu conforme à ce qu’attendaient les organisations sociales. Ainsi, toute privatisation de ressources naturelles est érigée en « trahison à la patrie », tandis que la propriété privée est respectée « dans la mesure où celle-ci ne porte pas préjudice à l’intérêt collectif ». L’autonomie des départements – exigées par les élites de l’est du pays – sera reconnue, mais au même titre que les autonomies indigènes revendiquées par les mouvements paysans. Le texte comporte une série d’avancées, saluées par les syndicats paysans comme par la Centrale ouvrière bolivienne (COB), pour qui « le pays cessera d’être néolibéral ». Seul l’article relatif à la question de la terre n’a pas débouché sur un consensus et sera soumis à un référendum intermédiaire, avant que l’ensemble du texte ne soit lui-même l’objet d’une nouvelle consultation, probablement en mai 2008.
Seule surprise majeure dans ce texte, la possibilité de réélection indéfinie du président est réduite à une simple réélection. Plus qu’un réajustement consécutif à la défaite de Chavez au Venezuela, le week-end précédent, il semble que cette concession ait permis le retour du parti de centre droit, Unité nationale (UN), dans l’enceinte de l’Assemblée. Contrairement au reste de l’opposition, l’UN a décidé d’approuver le texte constitutionnel, son leader, l’entrepreneur Samuel Doria Medina, indiquant même qu’« en dépit des désaccords, il [fallait] respecter le souhait de la majorité des Boliviens », appelant ainsi Podemos (droite) et le Comité civique de Santa Cruz à assumer leur défaite électorale.
Bien sûr, ces derniers n’ont pas tardé à dénoncer la validité de la dernière session plénière, accusant le MAS de passage en force, tel le maire de Santa Cruz, Percy Fernandez, qui faisait, dimanche 9 décembre au soir, une déclaration aux relents racistes : « Dans ce pays, bientôt, il faudra se peindre et se mettre des plumes pour exister ! » À l’évidence, cette droite composite, alliant les secteurs sociaux les plus conservateurs du pays aux élites économiques de Santa Cruz, est toujours tentée par la politique du pire, et elle voudra sans doute mobiliser, une dernière fois, ses bases afin de retirer toute légitimité au processus constituant. Une nouvelle épreuve de feu pour la « révolution démocratique et culturelle » défendue par le MAS, qui a besoin du soutien sans faille des mouvements de solidarité avec l’Amérique latine.
UN SOUTIEN IMPRÉVU
L’Organisation des États américains (OEA) a apporté son soutien au gouvernement Morales. Au vu de son histoire, il est difficile de soupçonner l’OEA, entité créée en 1948 sous le regard bienveillant des États-Unis, de sympathie envers les projets de transformation sociale promus par les gouvernements du Venezuela, de l’Équateur ou de la Bolivie. Pourtant, c’est bien son secrétaire général, le Chilien José Miguel Insulza qui, le dimanche 9 décembre, a salué les efforts du gouvernement pour promouvoir des changements sociaux profonds en Bolivie, par le biais de l’Assemblée constituante. À cette occasion, il a dénoncé « l’attitude peu démocratique des forces politiques conservatrices […] qui éprouvent encore une grande nostalgie pour un passé fait d’autoritarisme ». Des déclarations bienvenues, alors que les accusations de « totalitarisme » à l’encontre d’Evo Morales vont probablement pleuvoir dans une grande partie de la presse française et internationale.