La contribution de la Coordination des collectifs unitaires pour une alternative au libéralisme [CUAL], parue dans Rouge la semaine dernière [1], met en évidence de nombreuses convergences avec les préoccupations de la LCR. Elle fait aussi apparaître des points de discussion voire de désaccord, sur les initiatives politiques à prendre.
L’ampleur et la violence des attaques menées par Sarkozy et son gouvernement ne font sûrement pas débat entre nous. L’effet des contre-réformes menées peut remodeler la société française et modifier les rapports de force en faveur des classes possédantes. Cela rend plus urgent que jamais l’émergence d’une force anticapitaliste. À attaque globale, réponse globale. Le désaccord entre nous n’est donc pas sur la nécessité d’une telle force, mais sur la possibilité de la réaliser dès maintenant et sur les délimitations qui la définissent.
Dans votre tribune, vous regrettez que nous ne nous inscrivions pas dans le projet que vous portez d’états généraux afin, « dans un premier temps, de créer un cadre d’action, de réflexion et d’expression politique ». Pour notre part, nous pensons qu’il est possible de commencer à construire d’ores et déjà ce nouveau parti. De ce point de vue, il est dommage que vous n’ayez pas rappelé votre décision et vos raisons de ne pas vous engager dans le processus du nouveau parti anticapitaliste (NPA), comme nous vous l’avions proposé lors de notre dernière réunion commune.
Ainsi, la motion adoptée à votre réunion des 29 et 30 mars indique, entre autres, que « les collectifs n’ont pas vocation à être, en tant que tels, partie prenante de la construction du NPA ». Vous écrivez : « Le projet de NPA, déjà lancé, ne correspond pas à notre démarche unitaire et de rassemblement, telle qu’elle a été définie lors de nos assises ». Plusieurs centaines de collectifs pour un nouveau parti, leur composition, le nombre de militants regroupés démontrent qu’il est temps d’avancer concrètement sur ce terrain. Les forces militantes déjà accumulées dessinent les contours d’une organisation qui ne sera pas simplement un « élargissement de l’actuelle LCR ». À cela, ajoutons que la radicalité sociale qui s’exprime dans ce pays ne peut se réduire à la réorganisation de ce qui existe. C’est le sens de notre formule, changer de gauche et non changer la gauche.
Ce n’est guère une nouveauté, mais parce que nous voulons construire un parti de rupture avec l’ordre existant, l’indépendance vis-à-vis du PS est une question essentielle. Le récent désastre italien, qui a vu le Parti de la refondation communiste (PRC) se faire laminer après son soutien au gouvernement Prodi, est venu conforter notre orientation de stricte démarcation par rapport à ce parti. Cette orientation n’est pas partagée par tous les partenaires que vous envisagez pour vos états généraux. C’est évidemment le cas du Parti communiste, qui a conclu des accords avec le PS, dès le premier tour, dans la plupart des municipalités.
À ces mêmes élections, si nous avons pu conclure de nombreux accords avec des collectifs antilibéraux, nous devons aussi constater que cette question de l’indépendance par rapport au PS demeure une question ouverte en votre sein. En témoignent les alliances, dès le premier tour, avec le PS, y compris dans de grandes villes comme Aix-en-Provence. Il en est de même pour certains courants politiques investis dans les collectifs : ainsi, à Nantes, la section locale des Alternatifs s’est retrouvée au premier tour sur la liste du Parti socialiste conduite par… le député-maire Jean-Marc Ayrault, dont on ne peut pas dire qu’il est à la gauche du Parti socialiste.
À la fin de votre contribution, vous évoquez les élections européennes de 2009. Pour notre part, nous aborderons cette élection avec une volonté d’ouverture, mais dans la clarté et la cohérence sur le fond politique. Il existe parfois, dans certains secteurs de la gauche antilibérale, un syndrome des années paires et impaires : années impaires, rassemblement antilibéraux, démarcation en paroles vis-à-vis du PS ; années paires, le temps des élus et des listes dès le premier tour avec ce même PS. Le calendrier électoral, souvent redoutable, est ainsi fait : les européennes de 2009 s’inscrivent entre les municipales de cette année et les élections régionales de 2010. On ne peut combattre le projet de construction européenne défendu par le Parti socialiste et gérer loyalement villes et régions avec ce même parti.
Léonce Aguirre et Guillaume Liégard