A ce jour, environ 13 % des travailleurs sans papiers ont été régularisés, sur le millier de demandes déposées après la première vague de grèves. Les préfectures rechignent à régulariser sur le département de l’entreprise, là où s’exerce le rapport de force. Face à un gouvernement qui joue la montre, le pourrissement et les divisions, une amplification des grèves était vivement attendue. Elle s’est manifestée dans le Val-d’Oise, dès le 14 mai, où une centaine de travailleurs de Sofabrick, entreprise de l’agro-alimentaire dont 80 % des salariés sont sans papiers, s’est mise en grève avec occupation. Depuis le 20 mai, plus de 320 travailleurs sans papiers, sur une trentaine de nouveaux sites d’occupation, se sont joints au mouvement.
Outre les secteurs du nettoyage et de la restauration, sont aussi touchées des entreprises du bâtiment, comme Griallet démolition à Montreuil (Seine-Saint-Denis). La vingtaine de salariés occupant leur entreprise y travaille depuis cinq à onze ans, dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables. Ils exigent la régularisation de quinze sans-papiers et la reconnaissance des maladies liées à l’exposition à l’amiante et au plomb pendant des années.
Cette deuxième vague n’a épargné ni les beaux quartiers de Paris, ni le festival de Cannes. Sur les Champs-Élysées, pas moins de six restaurants sont occupés. Au Bistrot Romain, plus de 50 sans-papiers travaillant dans différents sites se sont regroupés. Les patrons sont très agressifs, car ces occupations leur font perdre des sommes conséquentes. Certains n’hésitent pas à envoyer des vigiles ou à « lock-outer » leur restaurant.
Si cette nouvelle vague apporte un souffle supplémentaire aux sans-papiers en grève depuis la mi-avril, la situation n’en est pas moins tendue. Ceux qui occupaient le magasin de produits asiatiques Paristore, à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), et qui ont été licenciés il y a un an après un contrôle de police dans l’entreprise, ont suspendu l’occupation, le tribunal des référés ayant ordonné l’évacuation pour « atteinte à la propriété privée et à la liberté du commerce ». Mais ils continuent la lutte aux côtés de leurs camarades de Métal-couleur Système, à Bonneuil (Val-de-Marne). Encore peu nombreux, des sites d’occupation vont se développer en province.
Le rejet du racisme ne se limite pas aux grandes villes. À Verteuil, en Charente, c’est toute une commune qui se mobilise à la suite de l’arrestation d’un sans-papiers marié à une Française (depuis moins de trois ans, donc expulsable). Chaque week-end, une action radicale mobilise toute la population : proclamation de « Verteuil commune libre », blocage de l’autoroute.
La grève se tend et elle appelle une nouvelle vague de solidarité. C’est la tâche principale de tous ceux qui luttent pour la régularisation des sans-papiers que de multiplier les comités de soutien. Dans les syndicats, plusieurs motions de soutien aux travailleurs sans papiers ont été adoptées. Ce type d’initiative doit se multiplier, pour faire prendre conscience que les intérêts et l’unité de tous les salariés sont en jeu.
La solidarité politique avec le mouvement en cours est de la plus haute importance. Toute la gauche doit s’engager résolument dans cette épreuve de force contre le patronat et le gouvernement. Sarkozy va devenir président de l’Union européenne, en juillet, et il prétend interdire les régularisations massives. De retour au pouvoir, Berlusconi n’hésite pas à lancer une campagne raciste. C’est donc dans toute l’Europe qu’on veut faire des immigrés les boucs émissaires des difficultés économiques croissantes. Ne les laissons pas faire, un tsunami de solidarité doit accompagner cette deuxième vague de grèves des travailleurs sans papiers.