En Mai 68, au 153e Rimeca, à Mutzig, un comité d’action proclame dans un tract : « Nous ne tirerons pas sur nos frères ouvriers. » La menace du recours à l’armée n’est pas abstraite. En 1971, l’armée brise la grève des conducteurs de la RATP ; en 1974, celle des éboueurs parisiens.
Incorporant des jeunes ayant connu Mai 68, l’armée ne demeure pas imperméable à la contestation. En 1970, un rapport de la sécurité militaire (rapport secret que la Ligue communiste publie à 15 000 exemplaires) pointe des « menées antimilitaristes ». Au cours des années 1970, s’appuyant sur les mobilisations de la jeunesse scolarisée, particulièrement celle du printemps 1973 contre la loi Debré, l’extrême gauche impulse des structures civiles : Comité de défense des appelés, Comité antimilitariste, Informations pour les droits du soldat, qui appuient la formation de comités de soldats dans les casernes.
Lors de la campagne présidentielle de 1974, l’Appel des cent soldats réclamant l’amélioration des conditions matérielles, l’abolition de la censure, la liberté d’expression et d’organisation, récolte 6000 signatures. En septembre 1974, à Draguignan, une manifestation de 200 soldats traverse la ville. À Karlsruhe, en Allemagne, c’est en janvier 1975 qu’un défilé a lieu. Des dizaines de journaux de soldats voient le jour. L’idée d’un syndicat de soldats progresse. Le 4 novembre 1975, à Besançon, une conférence de presse tenue dans les locaux de l’union locale CFDT annonce la création d’une section syndicale de soldats au 19e RG.
La campagne de répression, impliquant la Cour de sûreté de l’État, n’empêche pas la mise sur pied de coordinations régionales. Une réunion nationale des comités, en mai 1977, décide une campagne « transports gratuits ». En 1978, aux élections législatives, des candidats soldats sont présentés dans certaines circonscriptions sous l’égide de la campagne commune « pour le socialisme, le pouvoir aux travailleurs », menée par les Comités communistes pour l’autogestion, la LCR et l’Organisation communiste des travailleurs.
L’armée s’est professionnalisée, mais le droit syndical n’y est toujours pas reconnu. En 2000, un mouvement de revendication chez les gendarmes a conduit à la formation d’associations et de délégués. Un combat qui n’est pas terminé.