Le président américain, George Bush, a salué, jeudi 26 juin, la remise par la Corée du Nord de la déclaration sur ses activités nucléaires et a ordonné la levée de sanctions contre un pays qu’il a placé sur « l’axe du Mal ». Toutefois, M. Bush a vigoureusement mis en garde le régime de Pyongyang contre les « mauvais choix » qu’il pourrait faire après la remise de ce document. La Corée du Nord doit remplir les autres obligations en vue de sa dénucléarisation, ou subira « d’autres conséquences », a-t-il prévenu.
Le département d’Etat américain a indiqué qu’il allait vérifier rigoureusement cette déclaration, avec notamment des visites surprises des sites nucléaires. Il a appelé à la mise au point d’un système de vérification pour répondre aux « contradictions » décelées dans le document nord-coréen.
Ce texte d’une soixantaine de pages, qui n’évoque ni le nombre d’armes nucléaires détenues par le régime, ni ses activités d’enrichissement de l’uranium, ni celles de prolifération, a été remis, jeudi, à la Chine, l’une des six parties prenantes aux négociations sur la dénucléarisation de la Corée du Nord. Les détails de la déclaration n’ont pas été rendus publics, mais, selon l’Institut pour les sciences et la sécurité internationale, basé à Washington, la Corée du Nord dispose de 46 kg à 64 kg de plutonium, dont 28 kg à 50 kg ont été séparés, soit suffisamment pour fabriquer de 5 à 12 bombes.
Respectant le principe du « donnant, donnant » qu’il observe dans cette affaire, le président américain a ordonné la levée d’une loi restreignant le commerce avec les pays hostiles et a notifié au Congrès américain son intention de retirer dans quarante-cinq jours la Corée du Nord de la liste des Etats soutenant le terrorisme. La présence de la Corée du Nord sur cette liste l’empêche de bénéficier de l’aide américaine et bloque les prêts d’organisations internationales.
En revanche, le Trésor américain a fait savoir, jeudi, que les sanctions financières destinées à dissuader la Corée du Nord de financer des activités illicites et de disséminer des armes restent en vigueur. La décision de l’administration Bush ne rétablira pas l’accès du pays au système bancaire international, a déclaré John Rankin, porte-parole du Trésor.
Les ministres des affaires étrangères du G8, réunis au Japon, ont appelé vendredi la Corée du Nord à abandonner complètement ses armes nucléaires.
(AFP, Reuters.)
* Article paru dans le Monde, édition du 28.06.08. LE MONDE | 27.06.08 | 13h16.
La Corée du Nord a détruit une tour de son principal réacteur nucléaire
La Corée du Nord a démoli, vendredi 27 juin, une tour de refroidissement de son complexe atomique de Yongbyon, à 100 kilomètres au nord de la capitale, Pyongyang. L’explosion a eu lieu en présence d’un responsable du département d’Etat américain.
« PREMIER PAS »
Cette annonce intervient alors que la Corée du Nord a transmis, jeudi, une déclaration sur ses activités nucléaires à la Chine, une des six parties prenantes aux négociations sur la dénucléarisation nord-coréenne. Un geste salué par la communauté internationale, notamment par Washington, même si le document a été remis avec sept mois de retard.
La destruction de la tour de Yongbyon est « un premier pas » vers la dénucléarisation du pays, a reconnu Yasuo Fukuda, le premier ministre japonais. Le régime communiste nord-coréen s’était engagé en février 2007 à désactiver puis démanteler ses installations atomiques contre une aide d’un million de tonnes équivalent-pétrole, vitale pour ce pays de 23 millions d’habitants souffrant de pénuries chroniques. Le réacteur de Yongbyon avait d’ailleurs été arrêté en juillet 2007.
* LEMONDE.FR avec AFP et AP | 27.06.08 | 12h24 • Mis à jour le 27.06.08 | 16h23
Nucléaire : Washington salue les progrès de la Corée du Nord mais reste prudent
Les Etats-Unis ont salué, jeudi 26 juin, la remise par la Corée du Nord de la déclaration détaillant ses programmes nucléaires tout en mettant des conditions à la reprise de leur aide. Le président George W. Bush a ainsi mis en garde Pyongyang en cas de non-respect de l’ensemble de ses obligations. En voyage au Japon, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a rappelé que les Etats-Unis attendent de la Corée du Nord qu’elle laisse les experts accéder au cœur de son réacteur nucléaire afin de vérifier la véracité de sa déclaration sur ses installations.
« Aujourd’hui, nous avons fait un pas important dans la bonne direction », a indiqué le président des Etats-Unis, George Bush. Mais, a-t-il ajouté, « je ne me fais pas d’illusions, c’est un premier pas, ce n’est pas la fin de ce processus, c’est le début du processus ». M. Bush a ordonné la levée des dispositions d’une loi restreignant le commerce avec les pays hostiles et notifié au Congrès américain son intention de retirer dans quarante-cinq jours la Corée du Nord de la liste des Etats soutenant le terrorisme. Cependant, a-t-il mis en garde, les Etats-Unis et leurs partenaires instaureront pendant ce délai un processus de vérification « rigoureuse » de la déclaration.
« METTRE FIN À CES ACTIVITÉS DE MANIÈRE COMPLÈTEMENT VÉRIFIABLE »
En échange de sa dénucléarisation, la Corée du Nord a commencé à recevoir une aide énergétique qui lui est vitale, alors que le pays souffre de pénuries chroniques. Elle peut espérer une normalisation de ses relations avec les Etats-Unis et la communauté internationale ainsi qu’un traité de paix avec la Corée du Sud. La Maison Blanche a cependant prévenu que la Corée du Nord, classée en 2002 par George W. Bush sur l’« axe du Mal » des pays soutenant le terrorisme et cherchant à se doter d’armes de destruction massive, avait encore des obligations à remplir : elle doit démanteler toutes ses installations nucléaires, remettre son plutonium aux experts internationaux et résoudre toutes les questions en suspens sur son uranium enrichi et ses activités de prolifération.
Selon l’Institut pour les sciences et la sécurité internationale, situé à Washington, la Corée du Nord dispose de quarante-six à soixante-quatre kilos de plutonium, dont vingt-huit à cinquante kilos ont été traités, soit suffisamment pour fabriquer cinq à douze bombes. La remise de la déclaration constitue néamoins le premier signe tangible de progrès depuis que la Corée du Nord a arrêté, en juillet 2007, le réacteur principal du site nucléaire de Yongbyon.
POUR TOKYO, WASHINGTON DOIT FAIRE PREUVE DE « COURAGE »
Le Japon, grand allié des Etats-Unis et autre partie prenante aux négociations de dénucléarisation de la Corée du Nord, a demandé jeudi aux Etats-Unis d’avoir le « courage » de reconsidérer leur politique à l’égard de la Corée du Nord si la déclaration de Pyongyang sur ses programmes nucléaires n’était pas satisfaisante. Tokyo s’est par ailleurs dit inquiet qu’une autre question soit éludée : celle des Japonais enlevés par le régime nord-coréen dans les années 1970 et 1980. M. Bush a cité la résolution de cette question parmi les obligations que la Corée du Nord doit remplir pour ne plus être placée sur « l’axe du Mal ». – (Avec AFP.)
Washington réduit ses exigences sur le nucléaire nord-coréen
Tokyo, correspondant,
La déclaration de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) sur ses activités nucléaires, qui devait être remise jeudi 26 juin aux autorités chinoises, constitue une avancée dans le processus de dénucléarisation du régime de Pyongyang, mais elle risque de ne répondre que partiellement aux attentes. Les armes atomiques dont s’est dotée la RPDC ne seront pas mentionnées et la question du programme d’enrichissement d’uranium qu’elle aurait poursuivi secrètement, à l’origine de la crise nucléaire en 2002, sera éludée.
En visite au Japon pour participer à une réunion des ministres des affaires étrangères du G8, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a déclaré que Paris attendra les conclusions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour envisager de « développer des relations normales avec la RPDC ». La France est le seul membre de l’Union européenne à ne pas entretenir de relations diplomatiques avec ce pays. « Si la Corée du Nord se plie aux exigences internationales, il n’y a aucune raison que nos rapports ne soient pas transformés », a-t-il déclaré.
Cette déclaration devrait être suivie du grand spectacle de la destruction télévisée de la tour de refroidissement de la centrale nucléaire de Yongbyon – où a été extrait le plutonium utilisé pour l’essai nucléaire d’octobre 2006. C’était l’un des engagements de l’accord du 13 février 2007. En contrepartie, Washington doit lever les sanctions frappant la RPDC et rayer celle-ci de la liste des pays soutenant le terrorisme.
La première phase de l’accord de février 2007 (démantèlement du réacteur de 5 MW de la centrale de Yongbyon sous la surveillance d’experts de l’AIEA) est pratiquement achevée. La RPDC devait en outre fournir avant le 31 décembre 2007 la liste complète de ses programmes nucléaires.
Un premier document, qui n’a jamais été rendu public, avait été jugé incomplet par les Etats-Unis. Au cours des mois suivants, la négociation a achoppé sur deux points : les stocks de plutonium de la RPDC et le programme clandestin d’enrichissement de l’uranium qu’elle aurait poursuivi en violation de l’accord de 1994 sur le gel de ses activités nucléaires. Pyongyang a toujours nié mener un tel programme. Et les Etats-Unis n’en sont plus très sûrs.
On est passé des déclarations péremptoires en 2002 du secrétaire d’Etat américain adjoint James Kelly (« La production d’uranium enrichi par la RPDC est l’affaire de quelques mois ») à celles, le 27 février 2007, de Joseph De Trani, responsable des renseignements sur la RPDC, devant le Congrès : « Notre certitude [concernant ce programme] est à un niveau moyen. »
Depuis le début de l’année, Washington a finalement concentré son attention non plus sur l’obtention d’une « confession » de Pyongyang mais sur l’arrêt de la production de plutonium et la neutralisation de ses stocks.
PORTÉE SYMBOLIQUE
Le négociateur américain Christopher Hill et son homologue nord-coréen, Kim Gye-gwan, étaient parvenus, en avril, à Singapour, à un compromis. Une partie de la déclaration ne serait pas rendue publique et, concernant l’enrichissement, la RPDC ne ferait que « prendre note » des préoccupations américaines sans se prononcer sur le fond.
Ce compromis avait suscité un tollé des néoconservateurs américains, mais il a débloqué le processus. Le 8 mai, la RPDC a fourni au département d’Etat 18 800 pages de documents sur ses activités nucléaires afin de permettre de vérifier le contenu de sa déclaration.
La désactivation de la centrale de Yongbyon a une portée symbolique. Ses installations, construites avec l’aide des Soviétiques dans les années 1970, sont obsolètes. Pour le régime, elles ont rempli leur tâche : produire suffisamment de plutonium pour fabriquer sans doute une dizaine de bombes.
Jack Pritchard, chargé du dossier nord-coréen sous Bill Clinton, puis dans la première administration Bush, et auteur d’un livre au titre évocateur, écrivait récemment dans le quotidien américain Washington Post, à son retour de Pyongyang, que la RPDC entend, pour l’instant, conserver son arsenal nucléaire et être considérée comme une « puissance nucléaire ».
Pas plus que les néoconservateurs américains, le Japon et la Corée du Sud ne sont satisfaits de la flexibilité de George Bush. Tokyo se sent lâché par Washington – qui raye la RPDC de la liste des pays soutenant le terrorisme – alors que reste pendant le sort des Japonais enlevés par des agents nord-coréens dans les années 1970-1980. Quant à la Corée du Sud, dont le président Lee Myung-bak a fait de la fermeté l’axe de sa politique nord-coréenne, elle se retrouve en porte-à-faux dans les négociations à Six (deux Corées, Chine, Etats-Unis, Japon et Russie) alors que son allié américain est plus accommodant.
Philippe Pons
* LE MONDE | 26.06.08 | 10h52 • Mis à jour le 26.06.08 | 13h24
LES SANCTIONS AMÉRICAINES CONTRE PYONGYANG BIENTÔT LEVÉES ?
En contrepartie de la déclaration sur ses programmes nucléaires, Washington s’est engagé à lever les sanctions qui frappent la République populaire démocratique de Corée (RPDC) :
– interdiction des échanges commerciaux et financiers en vertu du Traité sur le commerce avec l’ennemi (1950) ;
– inscription de la RPDC sur la liste des Etats soutenant le terrorisme (1988).
Une quarantaine d’autres mesures sectorielles frappent les activités économiques avec la RPDC et la privent de recevoir des aides économiques américaines (autres qu’humanitaires) ainsi que des prêts de la Banque mondiale et d’autres organisations internationales. Elles dissuadent aussi les entreprises étrangères de commercer avec la RPDC, de crainte de voir leurs avoirs gelés sur le territoire américain. La levée des deux principales sanctions pourrait être effective dans un délai légal de quarante-cinq jours après approbation par le Congrès.
La crise nucléaire nord-coréenne chemine vers une solution de compromis
TOKYO CORRESPONDANT
Les laborieuses négociations entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) sur le contenu de la liste de ses programmes nucléaires semblent entrer dans leur dernière ligne droite. Le 18 juin, la secrétaire d’Etat américaine,Condoleezza Rice, s’est déclarée « de plus en plus confiante » dans la résolution de cette question qui bloque la reprise des pourparlers à Six (deux Corées, Chine, Etats-Unis, Japon et Russie) sur la dénucléarisation de la RPDC. En échange de cette déclaration, les Etats-Unis se sont engagés à retirer la RPDC de la liste des pays soutenant le terrorisme. La visite de Mme Rice, à partir du 28 juin, au Japon, en Corée du Sud et en Chine donne à penser que la déclaration attendue de Pyongyang pourrait être remise aux Chinois au cours du séjour de la secrétaire d’Etat à Pékin.
Conformément à l’accord intervenu au sein des Six en février 2007, la RPDC a arrêté sa centrale de Yongbyon où a été produit le plutonium utilisé pour son essai nucléaire d’octobre 2006. Les Etats-Unis avaient jugé incomplète la liste des programmes nucléaires que Pyongyang devait fournir avant le 31 décembre. Depuis janvier, les négociateurs cherchent une formule de compromis sur la question de l’existence ou non d’un programme clandestin d’enrichissement d’uranium, invoqué par Washington pour déclencher, en octobre 2002, la crise nucléaire avec la RPDC.
INVITATION À YONGBYON
Ce compromis se dessine. Dans un geste symbolique de « bonne volonté », Pyongyang vient d’inviter cinq chaînes de télévision étrangères à assister à la destruction de la tour de refroidissement de la centrale de Yongbyon.
La nervosité des Japonais est un autre signe de l’avancée des pourparlers. En retirant la RPDC de la liste des pays soutenant le terrorisme, Washington affaiblit la position de Tokyo, qui a fait de la résolution de la question des Japonais enlevés par des agents nord-coréens dans les années 1970-1980 un préalable à tout accord avec Pyongyang. Au cours des premiers entretiens depuis près d’un an entre la RPDC et le Japon, les 12 et 13 juin à Pékin, le régime s’est engagé à ouvrir une nouvelle enquête. Jusqu’à présent, il considérait que cette affaire était close. En 2002, Pyongyang a reconnu treize enlèvements. Cinq enlevés ont été autorisés à retourner au Japon. Les autres sont donnés pour morts.
Depuis que Washington est passé de la confrontation à la négociation avec la RPDC, le Japon se retrouve isolé dans son intransigeance vis-à-vis du régime. Mais Tokyo est sceptique. D’autant que l’administration Bush semble prête à accepter une déclaration incomplète sur les programmes nucléaires nord-coréens afin de relancer les négociations à Six.
Philippe Pons
* Article paru dans l’édition du 24.06.08.