Avec démagogie et dédain, Nicolas Sarkozy, mardi 17 juin, présentant les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui définit la stratégie militaire des quinze prochaines années et guide les choix budgétaires, a tracé les contours d’une armée tout entière dévouée à la cause occidentale et à sa « guerre sans limites ». Dans ce but, le chef de l’État a exposé cinq axes stratégiques : renseignement, prévention, dissuasion, protection, projectabilité. Si ces thèmes ne sont pas nouveaux, la façon de les envisager est bien différente.
Premier souhait de Sarkozy : effacer la frontière entre sécurité intérieure et défense nationale – le terme « sécurité » a d’ailleurs été plus prononcé que celui de « défense ». Les affaires extérieures deviennent ouvertement des enjeux intérieurs, et vice-versa. La coopération envisagée entre défense (armées), sécurité (police) et justice (magistrature) a essentiellement pour but de résoudre des crises intérieures, dans un pays de l’Union européenne ou à sa frontière.
Deuxième volonté de l’omniprésident : disposer d’une force d’intervention effective de 30 000 soldats, déployable dans une zone allant de l’océan Atlantique à l’océan Indien et intégrable dans un cadre européen. Ce qui, en regard des tout théoriques 50 000 hommes projetables actuellement (beaucoup moins en réalité), constitue un net renforcement des capacités de l’impérialisme français à assurer par les armes la domination économique des pays pauvres et le contrôle de leurs matières premières.
Réaffirmant l’importance de la dissuasion nucléaire, souhaitant renforcer les capacités de renseignement (notamment spatial), Sarkozy compte également développer un système antimissiles, comme en écho au délirant et ruineux projet de bouclier antimissiles américain. Car la stratégie militaire française ne doit pas déplaire outre-Atlantique, au contraire. Si Sarkozy souhaite construire l’Europe de la défense, partie prenante de l’Otan – la France reviendra au sein de son commandement militaire intégré en 2009 –, il souhaite s’aligner sur l’organisation atlantiste : « L’Otan, ce n’est pas simplement l’alliance avec les États-Unis, c’est l’alliance entre des nations européennes [20 États de l’Union européenne sur 27 sont membres de l’Otan, NDLR]. » Europe de la défense et Otan sont donc les deux faces d’une même pièce, la politique européenne de sécurité et de défense (Pesd) incluant, par ailleurs, depuis 2002, la lutte contre le terrorisme, chère aux alliés américains.
Pour mener à bien ces visées impérialistes, Sarkozy a besoin de remanier les armées en profondeur. Une entreprise qu’il compte assumer sans diminuer le budget de la Défense, y consacrant pas moins de 377 milliards d’euros d’ici 2020. Les gendarmes (80 000 personnes) ne dépendront désormais plus du ministère de la Défense, mais de l’Intérieur. D’ici 2014, les armées vont connaître des coupes claires dans leurs effectifs : -17 % pour l’armée de terre (ramenée à 131 000 hommes), -11 % pour la marine (44 000 hommes), -24 % pour l’armée de l’air (50 000 hommes) et 20 000 postes civils en moins. Cette réduction drastique (54 000 postes) a pour but de faire des économies sur le budget de fonctionnement avant de les réinvestir dans l’équipement (2,5 milliards d’euros en plus chaque année), au plus grand bonheur des industriels – Dassault, Thalès, EADS, et autres Sagem –, qui profitent de l’externalisation massive du soutien (entretien) et qui voient se dégager de nouvelles perspectives de profits. La privatisation de Nexter, de la DCNS et de la SNPE est d’ailleurs bien engagée.
RGPP
Cette réforme militaire, en adéquation avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), entraînera la fermeture de vingt à trente bases aériennes et casernes. Même si les détails ne seront annoncés, par le ministre de la Défense, Hervé Morin, que dans la première quinzaine de juillet, il est certain que cela occasionnera de véritables désastres économiques dans certaines villes. En Lorraine, par exemple, près de 8 000 postes sont concernés… Sarkozy se moque des conséquences locales : « L’armée, cela assure la sécurité de la nation, pas l’aménagement du territoire. »
Il faut donc exiger que, loin de servir à acheter de nouvelles armes, l’argent économisé par la fermeture d’une caserne soit intégralement reversé aux services publics – hôpitaux, postes, écoles, crèches – de la localité, et que chaque fonctionnaire puisse bénéficier d’une reconversion professionnelle avec un emploi à la clé. Une méthode indispensable pour réduire l’arsenal militaire et satisfaire les besoins de la population.