Depuis le mois de mars, l’Argentine est en proie à une grave crise sociale et politique. Son origine est la décision du gouvernement de Cristina Kirchner, confronté depuis son installation à de sérieuses difficultés économiques, d’augmenter uniformément, de 35 à 44 %, les « rétentions » (taxes) perçues à l’exportation sur le soja, principale production agricole du pays.
Cette mesure touche essentiellement les petits et moyens producteurs, qui s’étaient massivement tournés vers le soja afin de bénéficier du boom mondial sur ses prix. La vieille oligarchie foncière, ainsi que les compagnies transnationales qui possèdent d’immenses étendues de terres, restent basées sur l’élevage. Contrairement à elles, les petits paysans ne disposent d’aucun moyen de se soustraire à l’impôt. Ils sont en outre contraints, pour commercialiser leurs produits, de passer par des pools de semences, contrôlés par de grands groupes qui spéculent sur les prix.
Leur mobilisation de masse a pris la forme de blocages de routes, d’interruption des approvisionnements et de meetings monstres dans des villes telles que Rosario. La Société rurale, structure dirigeante de l’oligarchie terrienne, a accompagné leur mouvement tout en s’efforçant de le réduire et de négocier avec le gouvernement au mieux de ses propres intérêts. Les travailleurs des villes, l’essentiel de la population du pays, se sont majoritairement solidarisés avec les ruraux et l’indice de popularité du gouvernement est tombé au niveau dérisoire de 19 %.
Pourtant, la bureaucratie syndicale s’est entièrement rangée derrière Kirchner, accompagnée par une partie de la gauche qui s’est mise à dénoncer une inexistante menace de coup d’État, rendant d’autant plus compliquée la nécessaire recherche de l’unité entre les salariés et les petits paysans. Après avoir campé sur ses positions, le gouvernement a fait certaines concessions, pour annoncer finalement qu’il retirait son décret et que les mesures dont il continuait à défendre le bien-fondé seraient finalement examinées par le Congrès. La « grève agraire » vient d’être suspendue, dans l’attente de cette séance parlementaire.