Lors du premier tour de l’élection présidentielle, le 29 mars dernier, le dirigeant du Mouvement démocratique pour le changement (MDC), Morgan Tsvangirai, était arrivé en tête, avec près de cinq points d’avance sur Robert Mugabe. Tsvangirai annonçait alors qu’il se retirait de la course électorale afin de préserver la vie de ses électeurs. Il indiquait : « Nous ne participerons plus à ce qui est une parodie de processus électoral, entachée de violence et illégitime. » Ce retrait enlevait toute crédibilité au deuxième tour de l’élection, qui s’est tenu vendredi 27 juin. Pourtant, sans même attendre les résultats officiels de la commission électorale du Zimbabwe (ZEC), pourtant à sa botte, Robert Mugabe s’est fait investir président.
Mugabe et les dirigeants du parti au pouvoir, la Zanu-PF, ont été clairs. Quoi qu’il arrive, ils ne laisseront pas le pouvoir à l’opposition, qu’ils considèrent comme asservie aux intérêts colonialistes de la Grande-Bretagne. Depuis le début du processus électoral, les nervis de la Zanu-PF font ainsi régner la terreur dans le pays, particulièrement dans les townships et les campagnes, comme dans les districts de Mutoko et de Dande, au nord du pays, ou dans la province centrale du Mashonaland, anciens bastions de la Zanu-PF. Ils n’hésitent pas à s’en prendre aux élus et aux militants connus de l’opposition, dans le cadre de l’opération Mavhoterapapi (« Pour qui avez-vous voté ? »). On compte plus de 90 morts, beaucoup ayant été atrocement mutilés, plus de 10 000 blessés et 200 000 déplacés.
Personne ne doit être dupe des diatribes anti-impérialistes de Mugabe et de la direction de la Zanu-PF. Dès le lendemain de l’indépendance, en 1980, ils ont installé un système de corruption, lié aux entreprises occidentales, leur permettant d’amasser des fortunes colossales. Ils n’ont pas hésité à appliquer à la lettre les recommandations libérales du Fonds monétaire international et ils ont dévoyé la réforme agraire, en donnant les terres fertiles à des proches du pouvoir n’ayant aucune connaissance en agriculture, laissant de côté les milliers de paysans pauvres, et plongeant le pays dans l’insécurité alimentaire.
Il ne faut pas être dupe non plus des condamnations des gouvernements américain et européens qui, du temps de la Rhodésie, l’actuel Zimbabwe, avaient manifesté un soutien sans faille au gouvernement raciste d’apartheid de Ian Smith. Quant au gouvernement français, son soutien aux pires dictatures africaines, comme celles du Tchad ou de la République centrafricaine, le décrédibilise définitivement en matière de défense des droits humains.
Robert Mugabe fait de moins en moins illusion parmi les populations africaines. La condamnation, à Londres, par l’une des voix les plus respectées de l’Afrique, Nelson Mandela, fustigeant « la tragique défaillance de la direction » du Zimbabwe, aide à dénoncer ce pouvoir, usurpateur de la lutte pour l’indépendance nationale, et à exiger son départ.
La situation économique ne cesse de se dégrader. Faute de devises, la société nationale d’électricité, la Zeza, organise des rationnements. Les infrastructures du pays, comme les routes et les ponts, sont laissées à l’abandon et deviennent inutilisables. La pénurie de carburant se propage. Les difficultés pour trouver les semences et les engrais font craindre le pire. On estime qu’un tiers de la population – près de 4 millions de personnes – nécessite une aide alimentaire d’urgence. C’est le résultat de la faillite de la politique économique d’un pouvoir corrompu et bureaucratique, qui n’a jamais coupé les liens avec les institutions financières internationales. Robert Mugabe et son équipe ne doivent pas pouvoir poursuivre leur politique de désolation économique et de terreur. Plus que jamais, leur départ est une exigence salutaire pour la population du Zimbabwe.