Alors que les directions des centrales syndicales « représentatives » (Solidarité, OPZZ et FZZ) préparent à huis clos, avec le gouvernement et le patronat, une nouvelle remise en cause des droits des travailleurs, des manifestants ont parcouru Varsovie, le 20 juin, derrière une banderole proclamant : « Ne touchez pas au code du travail ! » Cette manifestation était appelée par le Comité pour le soutien et la défense des travailleurs réprimés (KPiOPR), les syndicats Août 80, Solidarité 80 et Initiative des travailleurs, avec le soutien de diverses organisations de gauche, dont le Parti polonais du travail. Elle a aussi regroupé des locataires de Glogow, Poznan, Varsovie et Walbrzych, en lutte contre les expulsions. On a pu y voir, pour la première fois, des banderoles de syndicats OPZZ et Solidarité en rupture avec leurs centrales.
Ces deux dernières années, les principales luttes des salariés se sont déroulées contre les centrales « représentatives ». La révolte des facteurs, en novembre 2006, a été lancée par le petit syndicat Initiative des travailleurs, avec le soutien d’Août 80. La grande lutte des travailleurs de la santé, en juin et juillet 2007, organisée par le Syndicat des infirmières, avec le soutien d’Août 80, n’a pu compter sur le FZZ que pour la suspendre. Depuis, les salaires des infirmières stagnent, alors que les médecins ont eu 200 % d’augmentation. Il a fallu qu’éclate, en janvier 2008, la première grève des supermarchés, organisée par Août 80, pour que le patron et Solidarité signent, dans le dos des grévistes, un accord salarial prévoyant une augmentation de 30 %, alors que ce syndicat s’était précédemment satisfait d’une proposition inférieure à l’inflation. Août 80 s’est depuis implanté dans de nombreux autres supermarchés.
La grève avec occupation de 46 jours de la mine Budryk a été victorieuse malgré les tentatives des syndicats liés à Solidarité et à OPZZ d’imposer la reprise du travail. Le principal dirigeant de la grève, Krzysztof Labadz, du syndicat Août 80, licencié abusivement après la grève, vient d’être réintégré et trois membres de la direction, ainsi que deux directeurs d’une société sous-traitante, ont été arrêtés pour malversations financières.
Face à ce renouveau de la combativité des salariés, le patronat et le gouvernement polonais envisagent de faire voter une loi qui interdira de fait le recours à la grève. Il est question de limiter ce droit aux seuls syndicats encartant plus d’un tiers de salariés de l’entreprise, alors que le taux de syndicalisation ne dépasse pas les 10 %. Appelant à l’unité des organisations des salariés, Boguslaw Zietek, président d’Août 80, a dit au gouvernement : « Si vous interdisez les grèves, il n’y aura plus de grèves légales. À leur place il y aura des lynchages et des bâtiments en feu. Et c’est vous qui en serez les victimes. Nous nous en sortirons, car nous sommes plus nombreux ! »