Une trentaine de familles se mobilisent, à Saint-Denis, contre des menaces d’expulsion. La municipalité refuse de les soutenir, créant une crise politique dans la ville .
Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le droit au logement opposable, 2 685 dossiers ont été déposés dans le département de Seine-Saint-Denis. Seulement 46 familles ont obtenu un logement. Dans ce contexte, des centaines de familles n’ont pas d’autres choix que d’occuper illégalement des logements. C’est le cas à Saint-Denis où le squat, dans des logements sociaux publics, aboutit à une vraie crise politique entre la municipalité (composée du courant refondateur du PCF, des Verts, de LO, du MRC et d’une minorité du PS) et les militants de gauche qui refusent les expulsions.
Plaine commune habitat, un bailleur public, présidé par un adjoint au maire, a fait expulser deux familles avec enfants habitant dans un squat de la cité Franc-Moisin. De même, l’OGIF, un bailleur privé, a réalisé des expulsions à Saint-Rémy-Nord. Ne voulant pas attendre d’être expulsées les unes après les autres, une trentaine de familles, sous le coup d’un arrêté d’expulsion, se sont immédiatement mobilisées et campent dans chaque cité. Soutenues par le Réseau solidarité logement (regroupant des militants associatifs et où les militants de la LCR sont actifs), elles ont demandé à être reçues par la mairie pour que soit appuyée leur demande d’arrêt des expulsions et d’ouverture d’une table ronde avec les bailleurs et la préfecture, débouchant sur des relogements durables.
La mairie a refusé toute véritable négociation. Dans le journal local, l’adjoint chargé de l’habitat justife même les expulsions : « Si nous ne le faisons pas, cela veut dire qu’il n’y a plus de règles. Et s’il n’y a plus de règles, il n’y a plus de droit et donc plus de solidarité, car on oppose les gens entre eux. La loi du plus fort triomphe, c’est le libéralisme à l’échelle d’un quartier ou d’une cité. » Bel exemple de discours bureaucratique qui transforme le plomb en or, des expulsions de familles avec enfants en moyens de lutte contre le libéralisme…
Sur ce thème, la majorité municipale a entamé une véritable campagne d’opinion, appelant même la population à se rassembler, le 3 juin, devant la mairie, pour protester contre le coup de force des familles qui, « manipulées par la LCR », auraient empêché physiquement la tenue du conseil municipal. Avec une centaine de participants, ce fut un échec.
De nombreux communistes et sympathisants, y compris des refondateurs, n’acceptent pas cette orientation et ils le disent publiquement. Un appel de signatures est en cours, témoignant d’une fracture qui est amenée à s’élargir. La composante du PS dans l’opposition apporte son soutien aux familles, ce qui n’est pas le cas de la présidence socialiste du conseil général. Enfin, triste renoncement, les élus de Lutte ouvrière ont totalement assumé et cautionné l’orientation de la majorité municipale contre les expulsés, alors que la mobilisation et les soutiens s’élargissent. À l’heure où nous bouclions, les députés Bruno Leroux (PS) et Patrick Braouezec (PCF) demandaient un moratoire sur les expulsions et la mise en place d’une table ronde.