L’Union africaine (UA) n’a pas failli à sa réputation. Lors de son sommet de Charm-el-Cheikh (Égypte), ce club de présidents africains, dont la moitié au moins a été élue dans des conditions douteuses, a reconnu parmi les siens le président du Zimbabwe, Robert Mugabe.
Son élection s’est pourtant déroulée sur fond de violences, d’arrestations arbitraires, d’incendies d’habitations, de tortures et de meurtres, obligeant le candidat du Mouvement démocratique pour le changement (MDC), Morgan Tsvangirai, majoritaire au premier tour, à se retirer [1]. Mugabe, candidat de la Zanu-PF, a obtenu 43 % des voix au premier tour et plus de 90 % au second tour…
Pour un des piliers de l’impérialisme français en Afrique, le président du Gabon, Omar Bongo, en place depuis 41 ans et qui en connaît donc un rayon, les choses sont claires : « Mugabe a été élu, il est président. » L’Europe et les États-Unis ont condamné le coup de force du dictateur. Situation idéale pour Mugabe qui, fort du soutien de ses pairs, peut traiter l’Occident de raciste. Mais il ne se fait pas illusion, lui qui organisa l’expulsion de 700 000 personnes des bidonvilles en baptisant l’opération, Murambatsvina (enlever les ordures).
D’un côté, l’UA – notamment l’Afrique du Sud – exerce des pressions sur Mugabe. De l’autre, l’Europe et les États-Unis font de même sur Morgan Tsvangirai, du MDC. Mais ces tentatives d’instaurer un dialogue entre les deux camps ont abouti à des discussions dont le sujet principal est l’arrêt des persécutions envers les opposants, qui se poursuivent malgré la fin du processus électoral.
Il y a consensus, chez les principaux gouvernants du monde, pour trouver une solution à la kenyane, c’est-à-dire un gouvernement d’union nationale regroupant la Zanu-PF et le MDC. Cette solution donne une prime à l’impunité des dictateurs. Mugabe est d’ailleurs un habitué des compromis, qu’il retourne à son avantage. Ainsi, aux élections de 1980, la Zapu, dirigée par Joshua Nkomo, figure importante de la libération du pays, se présenta contre la Zanu-PF et fit d’excellents scores dans deux régions du pays, le Matabeleland et les Middlands. Mugabe a alors proposé un gouvernement d’union nationale puis, en 1983, a lancé sa cinquième brigade qui tenta, dans une violence extrême, de démanteler l’opposition, faisant plus de 10 000 victimes. En 1987, un nouvel accord d’unité a été scellé. Des ministres Zapu ont intégré le gouvernement, mais sans aucun pouvoir, dans un pays où les milices de la Zanu-PF font la loi.
Ces épisodes éclairent la volonté du clan Mugabe de ne laisser aucune parcelle de pouvoir à l’opposition, à moins d’y être obligé par l’entrée en scène du peuple. Vu la situation économique et sociale, cette éventualité salutaire n’est nullement à exclure.