Au PCF, personne ne se bouscule pour devenir secrétaire national ou candidat d’un parti en pleine crise. En revanche, l’enjeu des multiples contributions en vue du prochain congrès est de savoir comment sauver le parti et ses 12 000 élus : est-ce encore possible ou nécessaire ? À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a publié une contribution personnelle de treize pages, qui a au moins le mérite de la clarté sur deux points essentiels : le but et la stratégie du parti.
L’ensemble se résume ainsi : « Le principe : battre la droite et gagner une alternative de changement implique nécessairement un rassemblement de la majorité de notre peuple se traduisant par l’élection d’une majorité de gauche […]. Nous devons dire clairement que notre objectif est une présidence de la République, une majorité, un gouvernement qui impulse une politique de gauche porteuse des grandes réformes transformatrices correspondant à notre temps. » Pour cela, « il faut disputer démocratiquement le pouvoir aux forces qui soutiennent le capital ». Et de proposer « une démocratisation des institutions », une « démocratie participative » et une « véritable démocratie sociale », en « donnant à la notion de lutte de classe son contenu contemporain ».
Ce socle étant établi, la secrétaire du PCF propose d’éviter la voie du renoncement au changement, « que ce soit par la participation à un gouvernement porteur d’une politique de renoncement ou par une attitude de repli contestataire ». Elle propose ainsi d’ouvrir partout des débats à la base. Enfin, elle tranche la question du dépassement du parti, en estimant que c’est le PCF « qui peut devenir le parti de cette ambition », à condition d’être « démocrate, efficace et ouvert », mais « sans structuration de courants organisés ».
Ainsi donc, Marie-George Buffet se lance dans la bagarre avec l’objectif de marginaliser les refondateurs qui, comme elle, souhaitent une majorité dans les institutions mais réclament la création d’une force plus large à la gauche de la gauche pour y arriver. On se souvient que certains en avaient fait, à un moment, la candidate unitaire des « antilibéraux ». En revanche, la secrétaire du PCF tend la main à ceux pour qui le maintien du PCF est essentiel, en tout cas pour le moment, que ce soient les partisans de Robert Hue ou les anciens amis de Georges Marchais, mettant les nostalgiques (Pas-de-Calais, Vénissieux…) dans une situation embarrassante.
En fait, le débat dans le PCF ne porte pas sur le fait d’aller au pouvoir par des majorités électorales et dans le cadre des institutions, mais sur le degré d’autonomie par rapport au PS, sur le rôle du mouvement social, et sur le type d’alliances capables de peser sur le PS. Il est d’ailleurs caractéristique que, dans son texte, Marie-George Buffet ne cite quasiment jamais le PS et la LCR en tant que tels, alors qu’ils sont présents dans toutes les têtes. Un débat à suivre qui nous concerne tous.
Alain Krivine
DÉRIVE SANS RIVAGES
Le PCF a fait le choix de signer un texte, concernant la présidence française de l’Union européenne, fait de vagues déclarations générales n’engageant à rien, avec le MRC, le PS et le PRG. Pourtant, ces deux derniers partis ont joué un rôle déterminant dans l’adoption, par voie parlementaire, du traité de Lisbonne, frère jumeau du traité constitutionnel que les électrices et électeurs ont massivement rejeté le 29 mai 2005.
Ce choix est d’autant plus contestable et inquiétant que, dans le même temps, le PCF a refusé de signer un appel porté par le Collectif pour une autre Europe, qui s’est constitué ce printemps, avec pour objectif, face à la politique de régression sociale menée par l’Union européenne, « de mettre en avant la primauté des droits, notamment sociaux, pour toutes et tous, face à la concurrence. Il s’agit de nous opposer et de construire des alternatives sociales, écologiques, féministes et démocratiques qui rompent avec les politiques néolibérales actuelles ».
Ce collectif regroupe, entre autres, l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, la CGT-Finances, l’Union syndicale Solidaires, la FSU, la Confédération paysanne, Attac, la Fondation Copernic, les Marches européennes contre le chômage, ainsi que l’ensemble des forces politiques qui a mené la campagne du « non » de gauche contre le traité constitutionnel européen… à l’exception du seul PCF ! Une telle volte-face est difficilement compréhensible, sauf à penser qu’elle présage de possibles alliances contre-nature lors des prochaines élections européennes.
Léonce Aguirre