● Quelle est la situation de Marina Petrella aujourd’hui ?
Linda Scalzone – Depuis que Fillon a signé le décret d’extradition, le 8 juin, Marina a « abandonné la vie », incapable d’envisager de continuer à vivre avec pour seule perspective la prison à perpétuité. Sa santé est tellement dégradée qu’elle est hospitalisée de nouveau depuis le 22 juillet. Mais le service de l’hôpital Sainte-Anne avait accepté de la prendre en charge une fois libérée, et non détenue. L’équipe de Sainte-Anne a visiblement des réticences à travailler dans les conditions qui lui sont imposées aujourd’hui, notamment sous le contrôle de la police, d’autant que l’emprisonnement de Marina est l’une des causes principales de sa pathologie. Si Marina est encore à Sainte-Anne, c’est en raison de la gravité de son état, qui rend hasardeux un nouveau transfert. Il y a donc urgence à obtenir la levée d’écrou, comme le réclame une mise en garde de plusieurs médecins.
● Comment en est-on arrivé là ?
L. Scalzone – Sarkozy a demandé au président italien (un ex-membre du Parti communiste italien, PCI) de gracier Marina « au regard du temps écoulé (près de 30 ans) depuis les faits pour lesquels elle a été condamnée ». Mais ce temps passé joue aussi contre Marina. C’est parce qu’autant d’années se sont écoulées que le cas de Marina peut être ainsi abusivement isolé de son contexte historique, illustrant l’offensive actuelle qui transforme toute opposition radicale à ce monde en monstruosité « terroriste » qu’il faut détruire. Le temps passé a fait disparaître des mémoires ce qu’a été la situation sociale et politique italienne des années 1970 et la répression acharnée qui s’ensuivit : les lois d’exceptions comme celle portant sur les « repentis », qui offrait l’impunité à ceux qui dénonçaient leurs camarades ; les condamnations quatre à cinq fois plus lourdes que d’ordinaire, si les faits reprochés comportaient un caractère politique ; la responsabilité particulière du PCI, qui menait l’offensive idéologique contre les « terroristes », tandis que les magistrats qui lui étaient liés constituaient le fer de lance de la répression ; le rapport d’Amnesty International dénonçant les cas de torture de prisonniers politiques. Des centaines de ces militants ont fui et cherché refuge en France, où Mitterrand faisait le pari de les accueillir et de leur permettre de vivre au grand jour.
● Quel est l’état de la mobilisation et les perspectives ?
L. Scalzone – Les collectifs de solidarité existent depuis un an, leurs initiatives et leur présence dans toutes les manifestations ont permis d’élargir la mobilisation et de lancer le débat sur l’extradition de Marina. Il y a aussi l’engagement d’associations, d’organisations syndicales, d’élus et de partis politiques n’acceptant pas le reniement de la politique d’accueil de Mitterrand qui, à leurs yeux, engageait la France. D’autant que la vie de ces réfugiés en a été changée : si Marina était restée en Italie, elle aurait, comme la plupart de ses coinculpés, enduré de nombreuses années de prison, mais elle serait aujourd’hui en semi-liberté. Si Marina est extradée, ce sera un retour en arrière et la négation de quinze années de vie, pour elle et pour ceux qui l’ont partagée. L’extradition de Marina serait dramatique pour sa famille, mais aussi pour les autres réfugiés italiens.
Tout en réitérant sa volonté d’extrader Marina, Sarkozy demande au président italien de lui accorder une grâce : cette position est parfaitement contradictoire. C’est la France qui est responsable de la situation actuelle de Marina. C’est au président français de prendre les décisions nécessaires afin de sauver Marina : la levée d’écrou immédiate, l’application de la clause humanitaire que la France avait insérée dans la convention d’extradition de 1957, et l’abrogation du décret d’extradition signé par Fillon. Cela a déjà été fait dans le cas de deux autres réfugiés italiens…