De notre correspondante à Pékin,
Déguster un canard laqué avec Hu Jintao, George Bush et Vladimir Poutine, l’occasion ne se représentera pas de sitôt. Nicolas Sarkozy n’est pas venu pour rien. L’effervescence de vendredi, avec l’agenda minuté des dirigeants chinois, autour desquels valsaient 80 dignitaires étrangers, n’était pas pour lui déplaire. Il ne comptait pas s’attarder. Il n’a passé qu’une journée à Pékin. Le temps de s’entretenir « longuement » avec le président, Hu Jintao, et le Premier ministre, Wen Jiabao, de leur remettre une liste de dissidents, de donner une claque dans le dos des athlètes français et d’applaudir la puissance chinoise célébrée dans le stade.
Veste. Assez pour remonter la pente des relations franco-chinoises dévissée en quatre mois ? « La page du malentendu est terminée », a assuré l’entourage de Sarkozy. C’était un jour de fête et de réconciliation. Un jour à tomber la veste, toute chiffonnée d’avoir été trop retournée. Le 10 juillet, le président de la République et du Conseil européen était plus cravaté : « Ce n’est pas à la Chine de fixer mon agenda et mes rendez-vous », disait-il à Strasbourg, laissant planer le doute sur son entrevue avec le dalaï-lama pendant les JO. Tout ce qui déplaît à Pékin. Qu’Angela Merkel décline l’invitation aux Jeux sans explications, passe. Que George Bush reçoive des dissidents chinois à quelques jours des JO et exprime ses « profondes inquiétudes » sur la liberté d’expression en Chine, passe encore. Avec ses premiers partenaires économiques, le mécontentement de la Chine est passager. La France, malgré Areva, c’est une autre histoire, écrite sur un tapis rouge depuis 1964 avec De Gaulle. Une relation « romantique » (l’adjectif souvent accolé à l’Hexagone en Chine), aujourd’hui saccagée.
Depuis le début, le courant passe mal. Le ton familier du Président lors de sa visite en novembre 2007, si loin de l’éternelle déférence chiraquienne, a surpris. Le printemps n’a apporté que des orages : passage chaotique de la flamme à Paris, couacs diplomatiques de Bernard Kouchner et Rama Yade, fanfaronnades de suspense sur la venue de Sarkozy à Pékin, et surtout ambiguïtés sur son entrevue avec le dalaï-lama… tout cela a déplu. En juillet, l’ambassadeur chinois à Paris l’a fait savoir : une entrevue avec le dalaï-lama aurait des « conséquences graves » sur les relations bilatérales. Mercredi, l’Elysée a mis sa pendule à l’heure de Pékin. La rencontre n’aura pas lieu. « Il ne demandait pas à me voir pendant les Jeux, a expliqué Sarkozy à la presse vendredi, ne soyez pas plus dalaï-lama que le dalaï-lama, j’aurai l’occasion de le rencontrer. » Le Président « n’a pas changé », explique son entourage, il « maintient la même position ». Seul le ton varie, à lire une interview reprise dans la presse chinoise. Sarkozy ne ménage pas ses compliments sur la Chine « ambitieuse, dynamique, vibrante, résolue… qui a désormais la capacité d’apporter une contribution décisive à l’émergence d’un monde de développement et de paix », sans aborder aucun sujet qui fâche. Hu Jintao l’en a remercié.
Gala. Devant les athlètes français, après le déjeuner de gala, Sarkozy a continué : « C’était une décision intelligente de donner les JO à la Chine. Il faut l’accompagner vers l’ouverture, la tolérance, vers le progrès, vers le respect des valeurs qui sont les nôtres. » Seul le champion de canoë Tony Estanguet, qui allait porter le drapeau français lors de la cérémonie d’ouverture, était absent. « Il voulait éviter toute forme de récupération », selon un proche. A 8 h 08, la fête commençait au stade du nid d’oiseau. Il y a eu des sifflets lors du passage de la délégation tricolore. A minuit, Sarkozy espérait s’être envolé pour la France.