Il ne fallait surtout pas se fier à son air affable, jovial, décontracté, libéral même. Pervez Musharraf était devenu au fil des années un manipulateur hors pair. Il aura tout fait, tout tenté pour se maintenir le plus longtemps possible à la magistrature suprême du Pakistan.
Si sa conquête de l’exécutif par la grâce d’un coup d’Etat en 1999 tient plutôt de l’accident, sa longévité –neuf ans !– à la tête d’un des Etats les plus turbulents de la planète n’est en rien le fruit du hasard : elle souligne un exercice machiavélique du pouvoir, le général néophyte en politique ayant vite fait ses classes. Constitution démantibulée, scrutins dévoyés, double jeu à l’égard des islamistes, duplicité vis-à-vis des Etats-Unis, régimes d’exception au gré du moment...
Après une première période de succès, les recettes n’opéraient plus depuis environ deux ans. Artilleur de formation, le général Musharraf a appris à jauger le relief avant d’amorcer le tir. Or la géographie était devenue si tourmentée ces derniers mois qu’il a préféré renoncer.
M. Musharraf était arrivé aux affaires dans un climat plutôt béni. La méthode n’était certes pas très reluisante – un putsch – mais le pouvoir civil qu’il renversait était alors si déconsidéré que l’opinion publique lui a d’emblée accordé le bénéfice du doute.
Ce chef d’état-major des armées avait une bonne tête de militaire intègre. Né en 1943, à New Delhi, il avait suivi ses parents dans l’exil au Pakistan lors de la sanglante partition de 1947. Son père était un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères qui fut rapidement envoyé en poste, sept ans, en Turquie. Le jeune Pervez y apprit la langue et le culte d’Atatürk. Signe qu’il n’a pas vraiment été éduqué à l’ombre du Coran, il fut ensuite scolarisé, de retour au pays, à l’école Saint-Patrick de Karachi puis au collège Forman de Lahore, deux établissements chrétiens où l’élite pakistanaise envoie ses rejetons.
Au sortir de la scolarité, il opte pour l’armée. Il entre à l’Académie militaire du Pakistan et en sort dans un régiment d’artillerie à la veille de la guerre contre l’Inde, en 1965. Il s’y illustre en dépit de la défaite. Il est promu capitaine.
En 1971, nouvelle épreuve du feu : il commande le bataillon d’élite Special Service Group (SSG) lors de la guerre du Bangladesh. La nouvelle capitulation face à l’Inde le laisse déprimé.
C’est donc cet officier patriote et réputé honnête qui, en octobre 1999, arrache le pouvoir des mains du premier ministre civil Nawaz Sharif, le chef de l’historique Ligue musulmane du Pakistan, celui-là même qui l’avait nommé un an plus tôt à la tête de l’armée. Depuis le revers – encore un ! – dans la crise de Kargil (Cachemire indien) d’où les troupes pakistanaises avaient dû refluer, en juillet 1999, sous pression américaine, le torchon brûle entre les deux hommes. Ils se renvoient mutuellement la responsabilité du fiasco. Nawaz Sharif veut limoger Pervez Musharraf mais l’armée, solidaire de son chef, se retourne contre le premier ministre qui est mis aux arrêts.
Le coup d’Etat est un modèle du genre. Aucune goutte sang n’est versée. Et la rue pakistanaise s’en réjouit plutôt. M.Musharraf n’a guère de mal à justifier le putsch auprès d’une population écœurée par la succession depuis 1988, date de la restauration de la démocratie au Pakistan, des gouvernements de Benazir Bhutto et de Nawaz Sharif, dont les rivalités stériles et les pratiques corrompues ont sinistré le pays. M.Musharraf promet d’assainir le Pakistan et de rétablir à terme la légalité constitutionnelle. On veut bien le croire.
Evidemment, il y a un problème. Le putsch complique la relation avec les Etats-Unis au moment précis où ces derniers amorcent leur rapprochement avec l’Inde. Les attentats du 11-Septembre vont dissiper l’inquiétude. George Bush a besoin de Pervez Musharraf dans la « guerre contre la terreur ». Le général pakistanais fait mine de jouer le jeu, gagnant là un précieux appui stratégique pour la consolidation de son pouvoir interne.
Mais son ralliement à la cause anti-djihadiste est foncièrement ambigu. Il a contracté une alliance avec le Muttahida Majlis-e-Amal, une coalition de partis religieux qui l’aide à légaliser, a posteriori, le coup de 1999. En échange, il renonce à ses vues libérales sur la réforme des madrasas (écoles coraniques), la loi sur le blasphème ou sur l’adultère. Il ferme aussi les yeux sur le réveil des talibans, notamment dans les zones tribales du Sud- et du Nord-Waziristan.
Les Américains ne sont pas dupes. Ils renforcent la pression sur M.Musharraf. L’armée intervient donc au Waziristan et jusqu’au cœur d’Islamabad en juillet 2007, où des talibans, retranchés dans la mosquée Rouge, lâchaient leurs brigades de mœurs. La riposte des islamistes, qui s’estiment trahis, est d’une extrême violence. Les attentats contre l’armée se multiplient à travers le pays.
Globalement modérée, l’opinion pakistanaise désavoue l’activisme islamiste mais elle ne se reconnaît pas dans cette guerre qualifiée de « guerre américaine ». Musharraf hérite d’un sobriquet : « Busharraf ». L’habile ambiguïté est devenue une contradiction insoutenable.
Comble de malchance, au défi islamiste vient s’ajouter le défi libéral. Le limogeage, en mars 2007, d’Iftikhar Chau dhry, le président de la Cour suprême dont l’indépendance d’esprit exaspérait M.Musharraf, déclenche une fronde sans précédent dans la profession des avocats, avant-garde d’une classe moyenne en plein réveil. C’est une lame de fond qui balaie tout le pays, expression d’un ras-le-bol contre la dérive autocratique de Musharraf qui continue de cumuler les deux titres de chef d’Etat et chef de l’armée. Le général a perdu la main.
Pour prévenir l’invalidation par la Cour suprême de sa réélection controversée, en octobre, à la tête de l’Etat, il décrète l’état d’urgence, un dernier raidissement qui n’empêche pas l’opposition de remporter les élections de début 2008.
Dans ses plans les plus tordus, M.Musharraf avait oublié un détail : la société pakistanaise a changé en dix ans sous l’effet de la floraison des médias, de l’essor de l’Internet et de la globalisation. Elle a gagné en maturité. L’ironie est que ces évolutions ont été confortées par les réformes économiques de M. Musharraf lui-même. Douloureuse ingratitude.
Frédéric Bobin
* LE MONDE | 19.08.08 | 10h35 • Mis à jour le 19.08.08 | 10h43.
Les Etats-Unis et l’UE veulent continuer à collaborer avec le Pakistan
Plusieurs pays ont annoncé, lundi 18 août, leur intention de soutenir le Pakistan après la démission du président Pervez Musharraf, tout en appelant Islamabad à respecter la démocratie. En tête de ces déclarations, celles des Etats-Unis, alliés du Pakistan dans la lutte contre le terrorisme. « Le président [George W.] Bush s’engage pour un Pakistan fort qui continue ses efforts pour renforcer la démocratie et le combat contre le terrorisme », a ainsi déclaré un porte-parole de la Maison Blanche, Gordon Johndroe, de Crawford, où le président américain passe ses vacances.
La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice avait auparavant assuré que les Etats-Unis continueraient « à travailler avec le gouvernement pakistanais ». Washington soutient « fortement le gouvernement civil élu démocratiquement dans son désir de moderniser le Pakistan et de bâtir des institutions démocratiques », a-t-elle ajouté, exhortant les dirigeants politiques « à redoubler d’attention sur l’avenir du Pakistan et ses besoins les plus urgents », telles la stabilité économique, la lutte contre l’extrémisme grandissant et la pénurie alimentaire et énergétique.
« UN AMI DES ÉTATS-UNIS »
C’est par l’intermédiaire d’un porte-parole du ministère des affaires étrangères, que Paris a appelé Islamabad « à respecter le cadre constitutionnel et l’Etat de droit », afin « de relever les nombreux défis que doit affronter le Pakistan ». La Grande-Bretagne a déclaré que ses relations avec le Pakistan ne « dépendaient pas d’un individu », tout en estimant que la démission de Pervez Musharraf fermait une « période cruciale » de l’histoire du pays. Le chef de la diplomatie britannique, David Miliband, a jugé « essentiel » que le Pakistan dispose d’un « gouvernement fort et démocratique ».
La Chine s’est également exprimée, formant le souhait que le Pakistan, un allié traditionnel, puisse maintenir sa stabilité politique et son développement économique. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a salué le rôle important joué par le général dans le développement des liens avec la Chine, ajoutant que cette dernière comptait maintenir sa coopération avec le Pakistan. Le ministère afghan des affaires étrangères a soutenu « le principe d’un Pakistan stable et démocratique, fondé sur le règne de la loi ».
Plusieurs pays ont rendu hommage au président Musharraf, « un ami des Etats-Unis et l’un des partenaires du monde les plus engagés dans la guerre contre le terrorisme et l’extrémisme », selon Condoleezza Rice. David Miliband a lui salué le combat de l’ancien général dans sa lutte contre le terrorisme, la corruption, tout en soulignant que le Pakistan avait besoin « d’institutions fortes plutôt que d’individus forts ».
En revanche, voisine et éternelle rivale du Pakistan, l’Inde a pris ses distances avec l’événement, estimant que la démission du président pakistanais constituait une « affaire intérieure » au pays.
* LEMONDE.FR avec AFP | 19.08.08 | 09h22 • Mis à jour le 19.08.08 | 10h52.
Washington et Londres saluent le rôle joué par Musharraf contre le terrorisme
L’annonce du départ de Pervez Musharraf, lundi 18 août, a été accueillie avec froideur par Washington. Après avoir salué le « combat dans la guerre contre le terrorisme » du président du Pakistan, la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, a précisé que les Etats-Unis continueraient « à travailler avec le gouvernement pakistanais ».
Depuis le 11-Septembre, l’administration Bush avait fait d’Islamabad l’un de ses alliés-clés dans la guerre contre les talibans en Afghanistan et dans les zones tribales. Même si M. Musharraf était loin d’être exemplaire aux yeux des Américains, le prochain pouvoir en place au Pakistan pourrait être moins conciliant avec Washington.
Si la coalition au pouvoir maintient la lutte contre les talibans et Al-Qaida, les relations entre les deux pays pourraient rester bonnes.
Mais si le nouveau pouvoir tente de signer des trêves avec les leaders radicaux dans les zones tribales, l’administration américaine pourrait durcir le ton à l’encontre d’Islamabad. Et la stabilité de la région pourrait en être affectée. Washington conserve toutefois de bonnes relations aves le chef des armées, le général Kayani, nommé à la fin de l’année 2007.
INQUIÉTUDE À MOSCOU
La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a également rendu hommage au président pakistanais. « Sous le mandat du président Musharraf, nous avons vu les relations entre le Royaume-Uni et le Pakistan se renforcer », a déclaré un porte-parole de Gordon Brown. Mais Londres précise également que « les relations entre le Royaume-Uni et le Pakistan ne dépendent pas des individus ». Et promet de soutenir les « mesures qui favoriseront des institutions démocratiques solides, menant à une plus grande stabilité, à la démocratie et au respect de la règle de droit au Pakistan. »
L’inquiétude prévaut à Moscou. « La Russie espère que la démission du président du Pakistan, Pervez Musharraf, n’aura pas de conséquences négatives pour la stabilité politique de ce grand Etat asiatique. (...) Nous espérons que la situation au Pakistan ne sortira pas des limites du cadre constitutionnel et restera dans le cadre de la légalité et du respect de l’ordre », a déclaré lundi le ministère des affaires étrangères russe dans un communiqué.
A l’inverse, l’Afghanistan voisin s’est félicité, en termes diplomatiques, de ce départ. « Nous espérons que la démission du président Musharraf va renforcer la démocratie et le gouvernement civil au Pakistan », a déclaré à l’AFP le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Sultan Ahmad Baheen. « L’Afghanistan soutient le principe d’un Pakistan stable et démocratique, fondé sur le règne de la loi », a-t-il ajouté.
Le départ de Pervez Musharraf intervient dans une période de tensions entre les deux Etats limitrophes. Les autorités afghanes accusent Islamabad de ne pas faire suffisamment d’efforts pour empêcher des talibans afghans et des combattants d’Al-Qaida de pénétrer en Afghanistan. Le Pakistan, de son côté, estime que Kaboul et les forces internationales, incapables de vaincre les talibans en Afghanistan, sont à l’origine de leur repli en territoire pakistanais et des violences qui ensanglantent le Pakistan.
De son côté, l’Europe reste pour l’instant très prudente. « Il n’y a pas beaucoup à dire. La Commission européenne considère la démission du président Musharraf comme étant essentiellement une affaire de politique intérieure au Pakistan », a réagi un de ses porte-parole. La France a « pris note » de ce départ, en appelant toutes les forces politiques du pays « à respecter le cadre constitutionnel et l’Etat de droit ».
* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 18.08.08 | 13h15 • Mis à jour le 18.08.08 | 15h59.
« La relation entre les Etats-Unis et le Pakistan ne va pas beaucoup changer »
Interview : Mariam Abou Zahab, chercheur rattachée au CERI-Sciences Po, spécialiste du Pakistan
Avec le départ du président pakistanais, les relations du Pakistan avec les Etats-Unis vont-elles changer ?
Mariam Abou Zahab : La démission de Pervez Musharraf ne va pas changer grand-chose. Ce qui intéresse les Etats-Unis et l’OTAN, c’est la guerre contre le terrorisme, et c’est l’armée qui est l’acteur principal dans ce domaine. Les Etats-Unis ont lâché Musharraf en disant que c’était une « affaire intérieure pakistanaise », et qu’ils ne voulaient pas s’en mêler. Cependant, ils ne vont pas abandonner le Pakistan. Pour l’instant, le gouvernement civil est acceptable pour les Etats-Unis, et il le restera tant qu’il donnera l’impression qu’il est suffisamment actif pour faire la chasse aux extrémistes. Les liens entre l’armée pakistanaise et le Pentagone sont toujours très solides.
Les deux pays ont besoin l’un de l’autre. Tant que les Américains seront en Afghanistan, ils auront besoin du Pakistan. Et le Pakistan, lui, a besoin des Etats-Unis pour sortir de la crise économique. Washington a compris que Pervez Musharraf était une partie du problème, et qu’il n’était pas indispensable. Il y avait aussi des liens très personnalisés entre les présidents Bush et Musharraf. Les Etats-Unis sont aujourd’hui en situation de fin de règne et il n’y a pas d’unanimité sur la position à adopter face au Pakistan.
Le gouvernement va-t-il poursuivre la lutte contre le terrorisme de la même manière que Musharraf ?
Un des grands échecs de Musharraf est qu’il n’a pas réussi à convaincre sa population que la guerre contre le terrorisme n’est pas une guerre pour le compte des Américains, mais qu’elle est dans l’intérêt national pakistanais. Beaucoup de gens au Pakistan considèrent aujourd’hui que c’est la politique de Musharraf qui a amené toute cette insécurité, cette « talibanisation ». C’est un défi pour le gouvernement de convaincre la population que c’est « sa » guerre et pour changer l’image de ses soldats, considérés comme des mercenaires, et faire comprendre qu’ils luttent pour l’intégrité et la souveraineté du pays.
Cette démission pourrait-elle affecter les relations avec l’Inde ?
Pervez Musharraf avait relancé depuis 2004 un processus de paix, des mesures de confiance, mais l’Inde avait toujours fait preuve d’intransigeance. Depuis l’attentat contre l’ambassade de l’Inde à Kaboul début juillet, les rapports sont très mauvais. [New Delhi et Kaboul avait accusé les services secrets pakistanais d’être liés aux talibans] Les relations entre les deux pays connaissent des hauts et des bas et, là encore, elles ne devraient pas être affectées dans l’immédiat par le départ de Musharraf.
La population s’est réjouie de la démission de son président. Que va-t-il se passer dans le pays ?
Sur le plan institutionnel, le Parlement doit élire un nouveau président de la République dans un délai de trente jours. Mais le départ de Pervez Musharraf ne va pas résoudre les problèmes du Pakistan par miracle. La question est de savoir si la coalition va tenir : les partis avaient une cause commune qui était le départ du général, mais maintenant, ils vont se retrouver en conflit sur la réintégration des juges de la Cour suprême.
Surtout, les membres de la coalition ont-ils la capacité de s’attaquer à la crise économique très grave, principale préoccupation des Pakistanais ? La population attendait beaucoup de ce gouvernement, mais en six mois, ils n’ont vu que des luttes de pouvoir, et ont eu l’impression que personne ne se souciait de leurs problèmes quotidiens.
Enfin, il y a les questions de sécurité. Ce n’est pas parce que Pervez Musharraf est parti que les attentats-suicides vont miraculeusement cesser.
Que va devenir Pervez Musharraf ?
C’est difficile à dire. Il est certain qu’il n’a pas démissionné sans avoir une contrepartie. Il devrait certainement obtenir l’immunité. L’ancien premier ministre Nawaz Sharif, l’un des leaders de la coalition au pouvoir, voudrait aller au bout de sa vengeance et le faire juger, voire le faire pendre. Mais cette hypothèse n’est pas très crédible : cela enfoncerait le pays dans la crise politique.
La question qui pose problème aujourd’hui est de savoir où il va s’installer. Lui souhaite rester au Pakistan, mais cette possiblité ne ravit pas la coalition gouvernementale.
Propos recueillis par Laura Marzouk
* LEMONDE.FR | 18.08.08 | 18h21 • Mis à jour le 18.08.08 | 19h42.
Tractations au Pakistan pour une démission du président Musharraf
Au Pakistan, des tractations étaient en cours, vendredi 15 août, sur une démission du président Pervez Musharraf, afin de lui épargner l’humiliante procédure de destitution lancée par le gouvernement, voire des poursuites ultérieures. « Beaucoup de gens ont intérêt à ce que cette question soit réglée de manière amicale sans aller jusqu’à la destitution du président Pervez Musharraf », a révélé à l’AFP Tariq Azim, ancien ministre adjoint de l’Information dans le précédent gouvernement pro-Musharraf.
Une autre option qui s’offrirait au chef de l’Etat serait de « réduire le statut du président à celui d’une figure de premier plan » aux pouvoirs honorifiques, dépouillée des droits de dissolution du Parlement et de nominations des chefs des armées, a détaillé M. Azim. Deux responsables de la coalition gouvernementale, mise sur pied en mars et hostile au chef de l’Etat, ont confirmé à l’AFP des pourparlers avec le camp présidentiel. M. Musharraf partirait en échange de l’assurance de ne pas être poursuivi pour avoir imposé l’état d’urgence le 3 novembre 2007, un mois après avoir été réélu de manière controversée, a expliqué l’une de ces sources. « Il a été clairement dit à ses conseillers que la seule façon d’échapper à la destitution, c’est de démissionner. Le gouvernement ne veut pas qu’il reste à la présidence », a prévenu ce responsable. Mais Musharraf reste « un élément instable », a averti une seconde source de la coalition, laissant entendre que rien n’était joué.
RUMEURS
D’autant que le premier porte-parole de la présidence a démenti toutes « ces rumeurs de démission du président Musharraf » pour échapper à la procédure de destitution annoncée le 7 août par la coalition au pouvoir, comme l’affirment plusieurs journaux anglo-saxons. « Je ne sais pas où ils ont obtenu de telles informations sans fondement (et) malveillantes », a ainsi dénoncé auprès de l’AFP le général en retraite Rashid Qureshi. M. Musharraf, jusqu’à présent l’allié-clef des Etats-Unis dans leur « guerre contre le terrorisme » islamiste, avait fait savoir lundi n’avoir nullement l’intention de lâcher les commandes de cette puissance nucléaire militaire musulmane.
La coalition gouvernementale, dirigée par le Parti du peuple pakistanais (PPP) de la défunte Benazir Bhutto, allié à la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l’ex-Premier ministre Nawaz Sharif, s’était engagée jeudi à destituer coûte que coûte M. Musharraf. Mercredi soir, ce dernier avait lancé un ultime appel à « la réconciliation » alors que jamais, dans l’histoire du Pakistan, un président n’a été destitué.La presse locale spécule ces jours-ci sur une porte de sortie pour l’ex-général. Selon le PPP, l’acte d’accusation est quasiment bouclé. Une résolution en vue d’une destitution serait soumise lundi à l’assemblée nationale. Le président de cette chambre basse du Parlement aurait ensuite trois jours pour transmettre ce document à M. Musharraf, lequel disposerait d’une à deux semaines pour éventuellement répondre et se défendre devant le Parlement. Le PPP, la PML-N et des petits partis alliés ont besoin des deux-tiers des voix de l’assemblée nationale et du Sénat réunis en Parlement pour évincer le président. Il leur en manque une petite trentaine.
* LEMONDE.FR avec AFP | 15.08.08 | 13h45 • Mis à jour le 15.08.08 | 14h04.