De prime abord, son nom semble banal : « Mouvement citoyen pro Cologne ». Cologne étant la plus grande ville de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, il y a aussi un pendant régional, le « Mouvement citoyen pro RNW ». Mais le thème du congrès que ce mouvement organise dans cette ville du 19 au 21 septembre n’a rien de banal : « contre l’islamisation et l’altération étrangère de nos villes européennes et contre la grande mosquée de Cologne. » Les orateurs de ce congrès ont été recrutés parmi le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite européenne, Le Pen en tête. Mais aussi ses petits camarades du Vlams Belang flamand et de la Lega Nord italienne. Sans compter les néo-nazis et autres « suprématistes de la race blanche », par l’odeur du racisme alléchés.
Le thème de la lutte contre l’islamisation, autrement dit l’islamophobie, est un thème largement fédérateur. Il est d’abord fédérateur des différents courants xénophobes, réactionnaires et nationalistes entre eux (Front National, Vlams Belang, Lega Nord, FPö et BZö autrichiens, p. ex.), mais aussi de ces mouvements institutionnalisés avec des groupements à l’idéologie clairement néonazie ou fasciste, qui gravitent autour d’eux. Parmi les orateurs officiels de cette manifestation, on trouve ainsi un ancien membre du Parti chrétien-démocrate allemand (CDU), Henry Nitzsche, qui a lancé une alliance appelée « Bündnis Arbeit, Famille, Vaterland ». Les trois termes « travail, famille, patrie » font non seulement clairement référence au régime de Vichy du maréchal Pétain, mais ont déjà été utilisé par le NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschland), première formation électorale allemande à revendiquer l’héritage du nazisme. Un des membres d’honneur du « Bündnis Arbeit, Famille, Vaterland », Martin Hohmann, a été exclu de la CDU à cause de ses déclarations antisémites. Autre orateur officiel, Harald Neubauer est l’éditeur d’une revue, « Nation & Europa », fondée par deux officiers de la SS et de la SA (dont le chef de la lutte antipartisans au Quartier Général du Führer). Le NPD a appelé à manifester à Essen aux cris de « Non à la mosquée à Essen » et le groupe d’action néonazi « Ruhr-Mitte » a lancé une campagne dans la ville de Gladbeck sous le slogan « Récupère ta ville ! Manifestons contre la construction de mosquées, le droit de vote des étrangers et la multiculture ».
Le fonds de commerce de l’islamophobie
Habilement utilisée, l’islamophobie peut être très porteuse électoralement et pas seulement en Suisse. Depuis 2002, des sondages menés chaque année font apparaître qu’un tiers des citoyens et citoyennes allemands se sentent « comme des étrangers dans leur propre pays » à cause de la présence des musulmans. Selon un autre sondage réalisé en 2006, plus de la moitié des personnes interrogées se prononçaient pour l’interdiction de construire des mosquées « parce que dans nombre de pays islamiques, les églises sont interdites » ; en outre, 56% jugeaient qu’il y avait « actuellement une guerre des cultures ».
L’islamophobie se construit à travers une série d’amalgames : le premier consiste à assimiler toute pratique religieuse musulmane à un islam violent, archaïque et conquérant ; le deuxième identifie l’islam à une religion étrangère, culturellement incapable de s’intégrer en Europe chrétienne ; et le troisième permet d’ajouter la guerre sainte et la menace sécuritaire à l’islam. Par connotation, « islam » devient ainsi équivalent de rétrograde, d’envahisseurs doublement étrangers et de terrorisme potentiel. On le voit clairement dans les déclarations du secrétaire général de Pro NRW : « Pas de construction de mosquées, pas de minarets et pas d’appels du muezzin : ces revendications peuvent parfaitement être partagées par la majorité de la population autochtone ! Avec raison, les gens sont préoccupés par l’islamisation rampante et le danger terroriste islamiste imminent en Rhénanie-du-Nord-Westphalie ».
L’UDC suisse comme précurseur
Pour tous ces mouvements, l’exemple à suivre est celui de l’UDC et de son initiative fédérale « contre la construction de minarets ». Des passages entiers de sa propagande ont été repris par les deux partis d’extrême droite autrichiens, le Parti autrichien de la liberté (FPö) et sa scission autour de son fondateur contesté, Jürg Haider, dénommée Alliance Avenir de l’Autriche (BZö). Pro NRW a aussi repris cette campagne grâce à une pétition adressée au parlement régional disant « Non à la grande mosquée, aux minarets et à l’appel du muezzin ! ». L’extrême droite populiste suit ainsi fidèlement les recettes helvétiques en matière de « business avec la peur », selon l’expression cynique d’Eduard Mainoni, responsable du BZö autrichien. L’UDC devient donc le père spirituel d’un mouvement qui n’hésite pas à inviter officiellement à son congrès des organisations comme les Jeunesses identitaires Risjel de Lille (qui ont succédé à « Unité radicale », interdite après l’attentat raté contre Jacques Chirac) ou encore les hyperracistes et antisémites de la « National Alliance » américaine.
No pasaran !
Devant cette véritable provocation, une alliance composée de plus d’une centaine d’organisations diverses (www.hingesetzt.mobi/cms-/) a décidé de lancer un appel pour bloquer l’accès au lieu du congrès, largement relayé internationalement :
« Par l’organisation de ce congrès de la haine, les néo-fascistes de “Pro Cologne” poursuivent deux buts : 1) consolider et étendre la coopération entre partis d’extrême droite en Europe ; 2) ouvrir la campagne pour les élections communales qui auront lieu en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en 2009.
Nous ne sommes pas enclins à tolérer un tel rassemblement international de racistes et nous n’accepterons jamais que “Pro Cologne” puisse diffuser sa propagande raciste lors de la campagne électorale. Nous appelons à empêcher la tenue de ce congrès !
Ceci ne peut réussir que si beaucoup de monde bloque massivement l’accès au lieu du congrès. Malgré des divergences politiques, nous partageons néanmoins cet objectif commun. Nous allons leur opposer notre détermination et nous serons déconcertants par notre unité et notre diversité.
En recourant à l’insoumission civile, nous allons renvoyer « Pro Cologne » & Co d’où ils viennent.Participez massivement au blocage de leur rassemblement ! »