L’enjeu des services publics pour une Autre Europe
Les services publics, comme biens sociaux communs, sont un enjeu politique et social central dans la lutte contre le néo-libéralisme. Cela touche aux questions d’égalité des droits et de partage des richesses. C’est aussi un enjeu démocratique : la capacité des citoyens et des gouvernements à définir des priorités sociales et des politiques publiques pour répondre aux besoins de tous et toutes.
Les attaques contre les services publics dans toute l’Europe
Les privatisations et le démantèlement des services publics s’organisent dans tous les pays européens depuis près de 20 ans. Mais c’est avec la mise en œuvre du principe de concurrence généralisée que ces processus s’accélèrent. Le projet de Traité constitutionnel européen ne reconnaît pas la notion de “ services publics ”, mais celle de “ services économique d’intérêt général ” ( qui est réductrice) et il prévoyait la mise en concurrence de toutes les activités et leur ouverture aux lois du marché.
Les services publics, malgré la différence dans leurs formes d’organisation dans les différents pays, ont en commun des particularités qui sont insupportables pour les défenseurs des politiques libérales.
Ils constituent une propriété publique : c’est un système de gestion publique mis en place pour répondre aux besoins des populations et non pas à la recherche de profit.
Ils échappent à la logique du profit et à l’objectif de toujours rémunérer davantage les actionnaires.
Ils offrent, en règle générale, des garanties sociales statutaires fortes pour les salariés de ces services publics.
Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que les services publics, tels qu’ils sont aujourd’hui, sont parfaits et répondent à l’ensemble des besoins des populations. Certains services publics fonctionnent mal ; les choix de leur organisation ou des services rendus ne sont pas démocratiques et souvent ils sont dirigés par des technocrates très éloignés des besoins des populations ; les usagers n’ont pas leur mot à dire dans ce choix.
Les raisons de ces attaques
Les multinationales exigent de faire baisser les coûts des services fournis par les entreprises de réseaux qu’ils utilisent comme l’énergie, les communications ou les transports... Ils exigent de payer moins que les usagers particuliers, les ménages. Ils exigent d’avoir des tarifs préférentiels et poussent ainsi à la remise en cause des péréquations tarifaires sociales et géographiques.
Les idéologues libéraux mènent une offensive depuis des années pour faire baisser les prélèvements fiscaux. Ils obtiennent la baisse du taux d’imposition sur les sociétés , sur les richesses et les profits ; la concurrence fiscale se généralise au sein de l’Europe : cela conduit à une baisse des recettes publiques et donc une diminution des dépenses affectées aux besoins collectifs ( diminution des moyens affectés à l’éducation, la santé, la culture, la protection sociale...).
Il s’agit aussi, pour les multinationales, de ne plus laisser des pans entiers de l’activité économique échapper à la logique du profit. Ces activités, comme par exemple, la santé et l’éducation, représentent des sommes considérable : les grandes firmes exigent maintenant que ces activités deviennent des activités comme les autres et soient source de profit pour les actionnaires, alors que ces activités relèvent encore pour beaucoup de “ bien publics ”.
L’objectif des libéraux est de réduire l’espace public pour développer l’espace privé.
Des luttes pour la défense des services publics
Face à cela, des mobilisations et des résistances se sont développés ces dernières années. Mais ces résistances sont restées dispersées secteur après secteur, pays par pays. Il est difficile de construire une mobilisation globale alors même que les attaques se font de façon décalée dans le temps. Il y a des exemples positifs : les journées de grèves européennes dans le secteur du chemin de fer ou la manifestation nationale du 19 novembre en France sur la défense globale des services publics.
Nous devrons œuvrer à la construction de mobilisations européennes sur cette question des biens communs que sont les services publics.
Des principes pour défendre et améliorer les services publics en Europe
La défense des services publics doit être inscrite au cœur des propositions pour une autre Europe. C’est un des moyens essentiels pour concrétiser notre idée d’une autre Europe.
Nous devons affirmer la priorité donnée aux droits fondamentaux et à leur effectivité : éducation, santé, culture, énergie, transports, communication, eau, logement, protection sociale... Ces droits doivent s’articuler à des politiques d’aménagement du territoire équilibré et à des politiques environnementales qui garantiront les droits des générations futures.
Ces droits doivent primer sur le droit des affaires, sur le droit à la concurrence, sur le droit des capitaux à circuler librement, sur le libre-échange.
Les services publics, à travers leurs missions, sont le moyen de rendre effectif l’accès aux droits fondamentaux. Les services publics doivent être régis par des principes d’universalité (partout , pour toutes et tous), d’égalité d’accès (ce qui signifie l’égalité de traitement des tous les usagers), de continuité et d’adaptabilité (de nouveaux services publics doivent être créés pour répondre à de nouveaux besoins sociaux).
Les services publics doivent être organisés par des structures publiques, propriétés publiques, qui échappent à la loi du profit, aux règles du droit privé, du commerce , du droit de la concurrence ; ces principes sont valables quelque soit le niveau d’organisation et d’intervention : local, régional, national ou européen.
Cela suppose de refuser toute participation de capitaux privés dans le fonctionnement des entreprises publiques.
La mise en œuvre des biens communs suppose la mise en œuvre de forme de propriété sociale. Il s’agit d’inventer une nouvelle forme de socialisation, différente des nationalisations ou de la propriété étatique, qui permette aux populations et aux salariés de participer aux choix d’organisation, de fonctionnement ou de définition des missions des services publics.
Cela suppose aussi de refuser que les entreprises publiques se comportent en prédateur, comme les grandes multinationales, dans les autres pays, en particulier les pays du sud et de l’Est.
Pour rendre des missions de service publics de qualité, il faut des personnels avec des statuts garantis qui sont contradictoire avec le développement de la précarité.
Il faut des moyens pour garantir et développer les services publics au niveau européen.
– Cela suppose d’engager un processus d’harmonisation fiscale en contradiction au processus actuel de mise en concurrence fiscale.
– Cela suppose de dégager des budgets européens, discutés et contrôlés démocratiquement, pour garantir des droits européens de haut niveau pour tous les habitants de l’Europe.
– Cela passe par des processus de coopération entre les opérateurs publics, mais on peut aussi imaginer la mise en place se services publics européens, par exemple sur les services publics de réseaux comme l’énergie ou la communication.
Les services publics doivent donner lieu à un processus de réapropriation social. Leur objectif doit être celui de la satisfaction de tous les besoins sociaux avec la mise en œuvre d’un processus de définition de ces besoins par les citoyens et d’un processus de contrôle citoyen, à tous les niveaux où s’exercent les missions de services publics.