Taro Aso va devenir le premier ministre du Japon
Tokyo, correspondant
Elu, lundi 22 septembre, président du Parti libéral démocrate (PLD) avec les deux tiers des voix des parlementaires et des représentants des instances régionales, Taro Aso devrait devenir, mercredi, le nouveau premier ministre du Japon après un vote sans surprise au Parlement où sa formation détient la majorité.
Le renouvellement de l’équipe dirigeante intervient alors que l’archipel connaît une quasi-paralysie de sa vie parlementaire en raison de la tactique d’obstruction du parti démocrate du Japon (PDJ) dont le président, le pugnace Ichiro Ozawa, a été reconduit dimanche dans ses fonctions.
La campagne pour désigner le successeur du premier ministre Yasuo Fukuda, – qui a brusquement démissionné début septembre-, s’est voulue ouverte avec cinq postulants en lice dont une femme candidate pour la première fois de l’histoire du PLD. Mme Yuriko Koike, ancienne ministre de l’environnement et brièvement de la défense, arrive en troisième position loin derrière le vainqueur.
D’entrée de jeu, M. Aso était donné gagnant et la campagne pour la présidence du PLD a surtout visé à rehausser la figure de populiste de droite du futur premier ministre et à montrer à l’opinion que le PLD était un parti du changement. Les brefs mandats - un an- des deux prédécesseurs de M. Aso, Shinzo Abe et Yasuo Fukuda, dont la cote de popularité avait rapidement chuté, ont endommagé l’image du PLD qui avait été galvanisée par le « théâtre » de Junichiro Koizumi (2001-2006). M. Aso entend jouer sur le même registre : celui du « communicant » parlant clair.
Disposant d’une confortable majorité à la chambre basse, le PLD au pouvoir presque sans interruption depuis 1955, a en revanche perdu le contrôle du Sénat en juillet 2007 au profit des démocrates. Vote sanction plus que mandat populaire en faveur d’une opposition qui n’est pas prête à l’alternance, la perte de sa majorité au Sénat par le PLD s’est traduite par un blocage de la vie parlementaire.
ÉLECTORAT FLOTTANT DES VILLES
A plus ou moins brève échéance, Taro Aso devrait procéder à des élections anticipées. Aussi, la campagne pour sa nomination à la tête du PLD a -t-elle été une sorte de « primaire » à la japonaise. Destinée à mobiliser le soutien de l’opinion en vue des législatives par un « grand kabuki » politique, fortement médiatisé, à la fois des vétérans du parti, tels que Kaoru Yosano, ministre sortant de la politique économique et budgétaire, et de nouveaux visages : Yuriko Koike, Nobuteru Ishihara (fils du gouverneur de Tokyo) et le « faucon » Shigeru Ishiba, ancien ministre de la défense.
Le PLD doit ramener à lui un électorat flottant des villes malmené par les réformes néo-libérales du premier ministre Junichiro Koizumi (2001-2006), qui ont accentué les inégalités sociales, et reconquérir les régions, sa base électorale traditionnelle. Ce qui suppose un accroissement des dépenses publiques en dépit de la dette colossale de l’Etat.
M. Aso est favorable aux réformes structurelles amorcées par M. Koizumi mais il entend les mener graduellement afin de pallier les disparités qu’elles ont engendrées (« nouveaux pauvres » et accroissement du travail précaire). Dans le climat d’inquiétude pour l’avenir économique , l’interventionnisme prôné par M. Aso peut rassurer l’opinion. Plus populaire que ses adversaires, il lui restera à démontrer qu’il est capable de répondre aux attentes des électeurs.
Taro Aso, populiste de droite et « ministre du manga »
Tokyo, correspondant
Taro Aso se considère comme un « faucon » en matière de politique étrangère et de sécurité nationale. « Je suis un »faucon« si vous entendez par là quelqu’un de déterminé à sacrifier sa vie pour défendre la paix du monde et l’intérêt national », a-t-il récemment déclaré devant le Club de la Presse étrangère à Tokyo. Figure controversée en raison de son franc parler, M. Aso prône un rôle prépondérant pour le Japon face à une Chine qu’il considère comme une « menace » et un renforcement de l’alliance avec les Etats-Unis.
Héritier d’une « dynastie politique » de trois générations, il a d’abord été à la tête de l’empire familial, Aso Cement, avant de devenir député en 1979. Grand amateur de bandes dessinées, il a créé un Prix international du manga et il entend faire de la « Pop culture » nippone un outil diplomatique. Ce qui lui a valu le sobriquet de « ministre du manga ».
C’était la quatrième fois que M. Aso briguait le poste de premier ministre après avoir perdu face à Junichiro Koizumi en 2001, puis face aux successeurs de celui-ci, Shinzo Abe en 2006 et Yasuo Fukuda en 2007. Impulsif et gouailleur, Taro Aso, ancré à droite, en reprend les leitmotivs telle que l’homogénéité de la nation japonaise, « pays d’une seule race et d’une seule langue ».
Volontiers provocant, il est coutumier des dérapages verbaux. En 2003, M. Aso suscita la colère des Coréens lorsqu’il déclara que du temps de la colonisation japonaise (1910-1945), ceux-ci avaient adopté volontairement des noms nippons. En 2006, il avait ulcéré les Chinois en suggérant que l’empereur devrait se rendre au sanctuaire Yasukuni où sont vénérées les âmes des morts pour la patrie, si étaient retirés des registres de celui-ci les noms des criminels de guerre.
L’année suivante, il avait à nouveau courroucé les Coréens en déclarant que les critiques adressées au Japon à propos des « femmes de réconfort » - 200 000 Asiatiques contraintes à se prostituer pour l’armée impériale - étaient « sans fondement ».
Des déclarations qui ne l’ont pas rendu sympathique à Pékin et à Séoul mais nourrissent, dans certaines couches de la population nippone, un nationalisme diffus à l’égard d’une Chine dont les ambitions géopolitiques inquiètent et d’une Corée au ressentiment tenace envers l’ancien colonisateur. Un populisme de droite que des politologues mettent au compte du souci de ce descendant d’une famille patricienne, de confession catholique, de paraître proche du peuple.
* LE MONDE | 22.09.08 | 09h23 • Mis à jour le 22.09.08 | 14h02.
Taro Aso a été élu premier ministre du Japon
A l’issue d’un vote sans surprise, le conservateur Taro Aso, 68 ans, a été élu, mercredi 24 septembre, au poste de premier ministre et succède ainsi à Yasuo Fukuda, qui avait démissionné à l’issue d’un an de pouvoir, après avoir atteint un sommet d’impopularité.
Ancien ministre des affaires étrangères, issu du Parti libéral-démocrate, M. Aso a rassemblé à la Chambre basse, où son parti détient la majorité, 337 voix contre 117 pour le chef de l’opposition, Ichiro Ozawa. Le Sénat, contrôlé par l’opposition, devait à son tour passer au vote, mais en cas de désaccord, c’est la Chambre basse qui l’emporte, selon les termes de la Constitution.
Taro Aso est partisan d’une réduction des impôts et d’une hausse des dépenses publiques pour relancer l’économie. Ancien membre de l’équipe japonaise de tir à la fosse olympique (tir au fusil) aux Jeux de Montréal en 1976, il avait déjà tenté trois fois de prendre la tête du premier parti japonais mais avait échoué.
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 24.09.08 | 08h05 • Mis à jour le 24.09.08 | 08h39
Un nouveau gouvernement japonais pour préparer les élections législatives
TOKYO CORRESPONDANT
Elu sans surprise premier ministre par le Parlement nippon, mercredi 24 septembre, Taro Aso a formé un cabinet homogène, composé de personnalités qui lui sont proches, dont la tâche sera de placer le parti gouvernemental en bonne position pour affronter des élections législatives qui pourraient avoir lieu très rapidement afin de profiter de l’effet créé par sa désignation.
Présentant lui-même la composition de son cabinet, M. Aso a déclaré qu’il entendait faire du Japon « un pays lumineux et fort » et que sa priorité était le « bien-être de ses concitoyens ». Un début de récession et la dégradation des conditions de vie de beaucoup de personnes, victimes des réformes néolibérales de ces dernières années, sont la préoccupation majeure des Japonais.
« Assainir les finances publiques est une nécessité mais cela n’empêche pas auparavant d’améliorer le niveau de vie », a déclaré dans la foulée son nouveau ministre des finances, Shoichi Nakagawa, partisan comme M. Aso d’une relance des dépenses de l’Etat en dépit de la colossale dette publique (180 % du PIB). Un interventionnisme que M. Nakagawa, connu pour ses propos provocateurs et son langage parfois peu châtié, entend mener tambour battant contre son collègue Kaoru Yosano, qui conserve le portefeuille de la politique économique et budgétaire : partisan de l’austérité, ce dernier est ainsi favorable à un relèvement de la taxe sur la consommation qui est, au Japon, la plus faible des pays industrialisés (5 %).
Depuis qu’il a perdu la majorité à la Chambre basse en juillet 2007, le parti gouvernemental, Parti libéral-démocrate (PLD), a des difficultés à faire passer les lois. En misant sur l’espoir que suscite l’arrivée au pouvoir d’un homme qui passe pour être à poigne, comparé par des politologues japonais à George Bush, le PLD peut espérer, sinon de conserver la majorité des deux tiers à la Chambre basse, du moins de se prévaloir d’un renouveau de confiance.
Le cabinet Aso comporte deux femmes dont Yuko Obuchi, 34 ans, chargée des affaires sociales, qui est la fille d’un ancien premier ministre. Tout comme le ministre des affaires étrangères, Hirofumi Nakasone. Sur les dix-sept membres du cabinet, sept sont d’ailleurs des enfants de caciques de la politique.
* Article paru dans le Monde, édition du 26.09.08.
LE MONDE | 25.09.08 | 13h42 • Mis à jour le 25.09.08 | 13h42