RAPPORT DU COMITE NATIONAL DES ORGANISATIONS DE DROITS AYANT PARTICIPE A LA MISSION D’ENQUÊTE SUR LES EVENEMENTS DE SIDI IFNI
Organisations participantes :
Association des barreaux du Maroc
Association Marocaine des Droits Humains
Ligue Marocaine pour la Défense des Droits Humains
Forum Marocain pour la Vérité et la Justice
Observatoire Marocain des Prisons
Centre des Droits des Gens
Centre Marocain des Droits Humains
Association ADALA
Forum Al Karama pour les Droits Humains
Association Médicale pour la Réhabilitation des Victimes de la Torture
Association Tamaynoute
Réseau amazigh pour la citoyenneté
ATTAC Maroc
Association des Femmes du Sud.
Chapitre 1/
Justifications pour la création du Comité national des Organisations de [1] droits pour établir les faits concernant les événements de Sidi Ifni
Dans le cadre des missions que se sont données les organisations de droits pour la défense et la promotion des droits humains et partant de leurs responsabilité s dans l’observation et la confrontation des violations des dits droits ainsi que l’engagement de poursuites contre leurs auteurs présumés et l’action pour que justice soit rendue aux victimes, devant les événements qu’a connus la ville de Sidi Ifni le samedi 7 juin 2008 et dont les média nationaux et internationaux ont abondamment parlé alors que les autorités marocaines démentaient une grande part du contenu de cette couverture médiatique et devant les nombreux appels de la population locale aux organisations de la société civile pour enquêter sur ce qui s’est réellement passé pour établir avec précision les responsabilité s et informer l’opinion publique nationale et internationale sur les faits, 14 organisations de la société civile ont convenu de mener une mission d’établissement de faits sur les événements. Cette mission se composait des membres suivants :
Organisations | Représentée par |
---|---|
Association des barreaux du Maroc | Me Hussein BOUFIM et Me Hassan MESSOUS |
Ligue marocaine pour la défense des droits Humains | Me Mohamed ZHARI, Secrétaire général |
Association Marocaine des droits humains | Abdelilah BENABDESSLAM, Vice président |
Forum Marocain Vérité et Justice Driss | Driss OUMHAND, membre du conseil national |
Observatoire Marocain des Prisons | Jawad SKALLI, Directeur exécutif |
Centre du droit des gens | Mohamed ZEROUAL, membre du comité directeur |
Centre marocain des droits de l’Homme | Mohamed ENNOUHI, Vice président |
Association ADALA | Abdelmoula KHARCHACHE, Secrétaire général |
Forum Al Karama pour les droits humains | Abdelmalek ZAZAA, Vice président |
Association médicale pour la réhabilitation Des victimes de la torture | Mustapha ELLOUZI, Directeur exécutif |
Association Tamaynout | Mustapha OUAAZIZ |
Réseau Amazigh pour la citoyenneté | Abdallah BADDOU, Vice président |
ATTAC Maroc | Mohamed ABBOD |
Association des femmes du sud | Fatima CHAHIR et Khadija MOUNIR |
Responsabilité s et compétences du comité
– le déplacement vers la ville de Sidi Ifni pour les recherches en vue d’établir les faits et comprendre les causes et les racines des événements et des affrontements entre la population et les forces publiques ainsi que les conséquences sur la population de l’intervention des forces de sécurité
– Recueillir témoignages et documents et photos de ce qui est en rapport avec les événements de Sidi Ifni depuis leur départ
– Visiter les lieux des événements et rencontrer les victimes afin de mesurer l’ampleur des dégâts subis par les habitations et les institutions publiques et privées
– Entrer en contact avec les diverses composantes de la société civile locale concernée par les événements et écouter les représentants des différentes catégories sociales (commerçants, enseignants et enseignantes, membres des professions libérales, élèves et étudiants, retraités, chômeurs, …)
– Entrer en contact et écouter certains participants aux protestations et manifestations, y compris ceux et celles qui ont été atteints de blessures, ainsi qu’avec les familles des militants associatifs emprisonnés.
– Vérifier l’utilisation par les forces de l’ordre de la force , de la brutalité et des armes pour confronter les manifestations , les protestations, et les marches et établir dans quelle mesure elles étaient proportionnelles aux actions des protestataires ;
– Vérifier l’utilisation éventuelle de violence de la part des forces contestataires
– Organiser des séances d’audition avec les représentants des autorités ( Ministère de l’intérieur, représentants du pouvoir judiciaire, responsables d’autre secteurs tels que la santé et l’éducation, direction des hôpitaux, de la morgue, équipement et pêches maritimes.
Méthodologie de travail utilisée par le Comité
Le comité a défini sa méthode de travail en se scindant en sous comités chargés des tâches de la visite des différents théâtres et du recueil des témoignages
– des victimes, des protestataires et de leurs familles dans les différents quartiers, particulièrement ceux qui ont été touchés. Nous avons décidé de commencer par là pour être en mesure de présenter les faits recueillis lors des rencontres prévues avec les responsables.
– Les responsables administratifs des différentes autorités régionales et locales en matière de justice et de sécurité
– Les sections des partis, des syndicats et des associations
– Les représentants élus de la population au Conseil municipal
– Tout ceux dont le témoignage paraissait utile aux yeux du comité pour l’éatblissement des faits quant aux événements du 6 juin 2008.
– La visite des quartiers où a eu lieu l’intervention sécuritaire et qui en ont souffert.
Moyens d’action
1. Elaboration de questionnaires à l’intention spécifique
- des victimes
- de ceux dont les domiciles ont été occupés
- des acteurs des centres de santé et des services hospitaliers
- des acteurs de l’appareil et des établissements éducatifs
- des employés de la protection civile
- des responsables du port
- des autorités locales et sécuritaires
2. Utilisation des moyens audio visuels pour enregistrer les témoignages, les faits, les discussions et tout ce qui pouvait être utile à la mission
3. Ramassage de tous les documents potentiellement utiles au travail du comité (revue de presse, photographies, etc.)
4. Définition de la durée de la mission du 11 au 15 juillet 2008.
5. Accord sur la prise en charge des frais occasionnés par la mission par la cotisation des organisations participantes.
Principes de base du travail de la mission
Pour garantir le succès de la mission sur les plans moral et matériel les mesures suivantes ont été prises :
– Tenue de réunions préparatoires pour définir les conditions de succès de la mission
– Désignation de deux membres de la mission pour veiller aux aspects logistiques (hébergement, repas…en toute indépendance par rapport aux acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux
– Envoi de correspondances aux ministres de la santé, de la justice, de l’intérieur, des pêches maritimes, de l’éducation nationale , au directeur général de la sûreté nationale, à l’inspecteur général des forces auxiliaires, au commandant général de la gendarmerie royale pour qu’ils donnent leurs directives à leurs responsables locaux de faire tout leur possible pour faciliter le travail de la mission.
Début des travaux de la mission
Le comité a commencé ses travaux le 11 juillet, travaux qui se sont poursuivis jusqu’au 15 juillet. Il a travaillé sur la base de 14 heures par jour au cours desquelles il a recueilli les témoignages de tous les acteurs liés aux événements à l’exception des autorités sécuritaires qui, bien que certains ont accepté de nous recevoir, ont refusé de faire une quelconque déclaration relative aux événements. Il s’agit :
– Du gouverneur de la province de Tiznit
– Du Pacha de la ville de Sidi Ifni
– Du commissaire de la délégation de la sûreté nationale de Sidi Ifni
– De l’inspecteur régional des forces auxiliaires de Tiznit
– Le commandant local de la protection civile de Sidi Ifni
– Le Caïd de la deuxième circonscription municipale.
Seconde partie :
Le contexte général
Données confirmant l’importance géostratégique de la région
Sidi Ifni s’est libérée de l’occupation espagnole le 30 juin 1969. Sidi Ifni se trouve au Sud du Maroc et occupe une importante façade maritime sur l’Atlantique : certains la considèrent comme une véritable porte du Sahara.
Les tribus Aït Ba Amrane qui ont fondé Sidi Ifni ont rejoint dès la fin du protectorat français sur le Maroc le mouvement de la résistance au colonialisme espagnol mené par l’armée de libération nationale dans le but de libérer toutes les zones sous occupation espagnole. Ainsi commença la révolte du 23 novembre 1957 du Front Takenza et le bombardement de toutes les positions espagnoles avec l’appui des Aït Ba Amrane enrôlés contre leur gré dans l’armée franquiste lors de la guerre civile espagnole de et qui avaient fourni toutes les informations sur les plans de l’occupant.
Ce soulèvement allait persister jusqu’à l’indépendance. Aujourd’hui Sidi Ifni compte 20 051 habitants selon le recensement de 2004 alors que sa population était de 19 722 personnes lors du recensement de 1994, ce qui illustre le très faible taux d’accroissement démographique par rapport au reste du pays dont le taux d’accroissement annuel est de 2,5%.
De cette donnée il apparaît que si rien ne change, la population de Sidi Ifni est amenée à diminuer dans l’avenir, un fait unique au Maroc. Cette perspective s’est déjà confirmée dans certaines circonscriptions rurales de Sidi Ifni comme le montre le tableau ci-après :
Commune | Population en 1994 | Population en 2004 |
---|---|---|
Mesti | 4266 | 3549 |
TnaÏn Amlou | 5253 | 4534 |
Tankerfa | 6273 | 5471 |
Asbouya | 7547 | 5028 |
Foum La ville de Sidi Fasset | 2977 | 2781 |
Targa Ousay | 1403 | 1138 |
Talouine Aska | 1201 | 1020 |
Arbâa Aït Abdallah | 4396 | 3921 |
La ville de Sidi Ifni qui était le théâtre des événements du 7 Juin 2008 avait déjà connu des événements antérieurs qui constituaient autant de signes avant coureurs de nature à accumuler les frustrations et que nous résumons comme suit :
Les événements du 22 mai 2005
Ils ont suivi de peu la constitution du secrétariat local, composé des sections des partis nationaux, des centrales syndicales, des associations de droits et des associations de la société civile, le 22 avril 2005.
Le secrétariat local avait organisé une manifestation pacifique à laquelle participèrent des milliers de citoyens le 22 mai 2005. Les mots d’ordre de cette manifestation concernaient les revendications de la population et demandaient leur satisfaction.
Les événements du 7 août 2005
Devant le mutisme des autorités face aux revendications urgentes de la population relayée par le Secrétariat local, ce dernier a lancé une invitation à une manifestation de protestation pacifique le 7 août 2005. Cette manifestation a été l’occasion d’une intervention brutale des forces publiques, mais la persévérance des manifestants a obligé les dites forces à se retirer : la manifestation s’est poursuivie avec les mêmes revendications.
Les événements du 30 juin 2006
Cette journée est celle de la commémoration du retour de Sidi Ifni à la mère patrie : le Secrétariat avait convoqué une manifestation devant les portes de la bachaouiya voisine du palais des fêtes où le gouverneur de la province de Tiznit présidait un meeting tenu à l’occasion de la commémoration. Cette manifestation réitérait les revendications populaires que le secrétariat reprenait désormais dans tous ses communiqués. Elle protestait également contre une campagne massive d’appel sous les drapeaux ayant touché plus de 400 jeunes de la ville. Cette manifestation a connu des jets de pierre vers le cortège du gouverneur après que ce dernier eut bousculé l’un des porte parole du Secrétariat et adopté une attitude provocatrice à l’égard de la population manifestant. 19 arrestations de membres du Secrétariat eurent lieu et la revendication de la libération des détenus s’est ajoutée aux revendications antérieures. Le Secrétariat a organisé une conférence de presse le 23 juillet 2006 et une tournée des différents quartiers de la ville à l’intention des journalistes afin qu’ils puissent se rendre compte de la situation de la population.
Les événements du 30 mai 2008
Ces événements ont été consécutifs à l’organisation d’un tirage au sort de 8 candidats à un emploi dans les services municipaux à titre d’éboueurs parmi un total de 973 candidats au total. Le Conseil municipal avait ouvert 12 postes, 4 postes étaient réservés, avec l’accord des syndicats, aux enfants d’employés décédés ou sur le point d’être mis à la retraite.
L’ensemble des témoignages recueillis par notre mission indiquent que l’opération de tirage au sort s’est déroulée dans une grande transparence, loin de toute manipulation.
Dès la proclamation des résultats, les candidats non retenus ont décidé d’organiser une marche vers le port et la tenue d’un sit-in à l’extérieur du port, à environ 300 mètres de l’entrée. Ils ont bloqué tous les mouvements de camions à partir et vers le port empêchant ainsi l’approvisionnement des conserveries de la région (Tiznit et Agadir).
Les autorités concernées ont demandé la levée du blocus et le 2 juin une délégation composée du Wali de la région , du gouverneur de la province et de représentants des services de sécurité est venue sur les lieux et a demandé a rencontrer une délégation des protestataires. La rencontre a effectivement eu lieu, mais n’a pas donné de résultats, les protestataires décidant de maintenir le blocus devant le refus de satisfaire leurs revendications urgentes.
Le mardi 3 juin une convocation a été lancée pour une réunion au siège de la préfecture de Tiznit sous la présidence du Wali en présence des élus et des représentants des appareils sécuritaires, des représentants des partis politiques et de notables. Au cours de cette réunion, le wali a insisté sur la nécessité de mettre fin au blocus du port et de stopper le sit-in immédiatement pour éviter une catastrophe écologique et d’énormes pertes économiques.
Suite à cette réunion, les parties participantes ont entamé une série de contacts avec les protestataires pour les convaincre de lever le siège du port et d’éviter ainsi l’intervention des forces de sécurité. C’est ainsi que le membre de la chambre des conseillers Lahcen Achenkli et le parlementaire Abdel Jebbar Al Kastalani ont rendu visite aux protestataires le mercredi 4 juin, mais ne réussirent pas à les convaincre de lever le siège. Le député maire de guelmim Abdelwahab Belmlih n’a pas eu plus de succès malgré son engagement à procurer un avion spécial pour les mener à Rabat pour négocier avec les responsables nationaux à propos de leurs revendications empruntées au Secrétariat local ainsi que d’autres revendications telles que :
– la création d’une préfecture de Sidi Ifni
– L’amélioration des services médicaux et leur gratuité
– L’accélération des travaux de modernisation du port
– L’accélération des travaux de construction de la route côtière entre Sidi Ifni et Tan Tan
– Une solution aux problèmes de l’emploi
– Délivrance de cartes de la promotion nationale aux familles nécessiteuses
— Encourager les investisseurs pour créer des entreprises industrielles à même de créer des emplois
– La création d’un institut de formation aux métiers de la marine
– La délivrance aux jeunes chômeurs qui le désirent de documents leur permettant de travailler dans le domaine maritime
– Réserver un quota des permis de pêche aux jeunes de la région
– L’accélération de la réalisation des projets décidés et annoncés lors de la visite royale
Les événements du 6 juin 2008.
Le vendredi 6 juin des nouvelles ont commencé à parvenir à la population à l’effet que d’importantes colonnes de diverses forces de sécurité convergeaient vers Sidi Ifni.
Dans les premières heures de la matinée du samedi 6 juin et après l’arrivée des premiers véhicules des appareils sécuritaires des groupes de jeunes ont pris l’initiative de poser des pierres sur la route à l’entrée de la ville, près du quartier de Colomina (Lalla Meryem) pour gêner le déploiement des troupes et les empêcher de se rendre au port comme les gens pensaient au début qu’ils en avaient l’intention.
Aux environs de 1 heure du matin, le Caïd de la seconde circonscription est intervenu violemment utilisant un chapelet d’insultes ordurières et dégradantes à un groupe de jeunes en colère. Le Caïd a même tenté d’user de violence physique provoquant la riposte des jeunes ; la confrontation commence alors au cours de laquelle la voiture du caïd a été atteinte de dégâts majeurs selon des témoins oculaires. La population apprit plus tard qu’elle avait été brûlée.
La commission s’est rendue aux bureaux du caïd dans la matinée du 1( juillet pour recueillir ses déclarations sur ces faits, mais il refusé de la recevoir.
Les événements du 7 juin 2008.
Des l’aube du 7 juin des convois de diverses forces de sécurité sont arrivés en ville. Aux environs de 5 heures du matin elles ont intervenu pour faire lever le blocus du port et furent surprises de ne trouver personne devant le port : les protestataires avaient déjà fui vers les montagnes avoisinantes car ils avaient appris le caractère massif de l’intervention projetée. Des témoins nous ont affirmé avoir vu des agents de la force publique sortant du port, ils avaient été amenés dans une opération militaire de débarquement maritime. Dès que la première partie de leur mission a été terminée, les agents de la force publique ont commencé à forcer les domiciles des gens en les envahissant et en arrêtant de nombreux hommes , de nombreuses femmes et des jeunes des deux sexes particulièrement dans le quartier des Brabra, de Colomina et de Boulâalam.
Des confrontations entre la population et les forces publiques ont eu lieu et ont occasionné des blessés dans les deux camps. Mais ce qui a suivi l’envahissement des maisons par les forces publiques était difficilement prévisible : atteintes à l’intégrité physique des habitants toutes catégories confondues, enfants vieillards, jeunes gens, jeunes femmes, Portes principales et fenêtres défoncées, bastonnades, séances de torture dans divers lieux de détention improvisés, beaucoup de femmes et de jeunes filles ont fait face à des tentatives de viol ou de viol selon leurs propres déclarations : Elles ont été humiliées de plusieurs manières et de nombreux attentats à la pudeur ont fait des victimes parmi les femmes et les hommes.
Les gens parlent de punition collective de la population dont le résultat a été pa perpétration de graves violations de droits humains et c’est ce que conclura ce rapport dans les parties suivantes.
Troisième partie
Visites de terrain et auditions
Conformément à ce qu’elle avit décidé, la commission a procédé à l’audition de
– Monsieur Talbi Mohamed Salem, président de l’association Mar Pequinia, président de la section locale de l’instance nationale pour la défense des fonds publics, et membre fondateur du Secrétariat dont il est question plus haut et qui est composé de treize organisations. Son témoignage s’est articulé autour des points suivants :
- Le 25 avril 2005 le Secrétariat local de Sidi Ifni a été fondé. C’était une coordination d’organisations de la société civile pour lutter contre la marginalisation, la pauvreté et l’exclusion systématique dont souffrent la ville et la région des Aït Ba Amrane en général.
- La population Aït Ba Amrane se sent victime d’une entreprise systématique d’exclusion dans tous les domaines et ce depuis l’indépendance jusqu’aujourd’ hui.
Depuis la fin de la présence espagnole en 1969, la ville qui comptait un certain nombre d’institutions importantes et compétentes garantissant un niveau de vie acceptable pour les habitants a malheureusement du faire face au laisser aller et au détournement de ses ressources halieutiques jusqu’à arriver à la situation actuelle. C’est ce qui a amené le Secrétariat local à penser à différentes formes de lutte pacifique.
Le samedi 7 juin 2008, baptisé par la population le samedi noir, les forces publiques ont envahi la ville aux environs de 7 heures du matin et des affrontements ont éclaté entre la population civile et ces forces. Ces dernières ont alors commencé à utiliser des balles en caoutchouc et à lancer des pierres à l’aide de frondes, à envahir les domiciles sous prétexte de rechercher des jeunes : les portes d’entrée des maisons ont été défoncées, des vols ont été commis à grande échelle, des citoyens ont été terrorisés, brutalisés par les forces auxiliaires, les forces d’intervention rapide, emmenés au siège de la police où ils ont subi humiliations et tortures de toutes sortes : les femmes ont été dénudées et battues et ont subi des harcèlements sexuels, parfois violées par des attouchements de leurs parties intimes (particulièrement leurs seins , leur fesses et leur vagins) alors qu’elles étaient abreuvées d’injures obscènes et de propos dégradants.
Ahmed Boufaïm et Mohames Ouahdani, membres du Secrétariat, ont été arrêtés à leurs domiciles ainsi que Mohamed Issam plus tard. Alors que nous déployions, nous membres du Secrétariat, des efforts pour faciliter le dialogue entre les protestataires du port et les autorités pour parvenir à une levée pacifique du blocus, les représentants de l’autorité nous accusaient d’avoir « vendu le match » au profit des protestataires et d’être des traîtres
Le Secrétariat est intervenu pour trouver une issue pacifique à la crise en demandant une rencontre avec le Pacha, mais ce dernier nous a déclaré que « l’Etat de droit n’écoute pas » !!
Monsieur Talbi nous a déclaré qu’il n’existait pas de preuves que des décès sont survenus suite à l’opération des forces publiques. Il a également déclaré que les services de santé étaient très insuffisants et que les équipes médicales n’avaient reçu aucun renfort de l’extérieur de la ville. Des citoyens, y compris les blessés parmi eux, ont été empêchés d’entrer dans les hôpitaux, ceux qui ont pu recevoir des soins se sont vus refuser la délivrance de certificats médicaux attestant de leur incapacité temporaire suite à leurs blessures.
Monsieur Talbi a ajouté qu’au 10 juillet, la situation était toujours tendue alors qu’un sit-in de protestation était organisé le 10 juillet pour réaffirmer les revendications sociales de la population et demander la libération des détenus, au nombre de sept (Mohamed Al Ouahdani, Ahmed Boufaïm, Zineddine Radi, Bara Brahim, Tabib Abdelkader, Mohamed Issam, Karim Chara) détenus à la prison civile d’Inzeggane et de Brahim Sebâllil détenu à Salé.
Monsieur Talbi a résumé les revendications liées aux événements dans
- l’ouverture d’une enquête impartiale et responsable pour punir tous les coupables de crimes contre les citoyens
-La libération inconditionnelle et immédiate des détenus.
La commission a procédé à l’audition des instances politiques, syndicales et associatives suivantes :
– L’Union socialiste des forces populaires : Slimane Sekkal, secrétaire de la section locale
– Parti socialiste unifié : Ahmed Zahid secrétaire de la section locale et Mohamed Marrakchi, membre du bureau de section
– Parti de l’avant-garde démocratique et sociale : Abdallah Loutouli, secrétaire de la section
– Le Congrès national Ittihadi Mohamed Fadlou, secrétaire général de la section locale
– Syndicat national des employés des communes locales : Ali Fikri secrétaire général de la section locale
– Syndicat indépendant de l’enseignement primaire : Samir Lemhandi , secrétaire général de la section locale
– Association nationale des diplômés chômeurs : Mohamed Amazouz, secrétaire général de la section locale
– Centre marocain des droits humains : Noureddine Alami, secrétaire général adjoint de la section locale
– Le comité local de soutien aux détenus et à leurs familles Mehdi Bouslam, membre du comité.
L’ensemble des témoignages recueillis lors de ces auditions nous permet de confirmer sans aucun doute
– l’envahissement des domiciles privés et la punition collective physique et psychologique de la population
– les enlèvements consécutifs au viol des domiciles et le non respect par les autorités des principes de la procédure judiciaire lors des arrestations
– Les agressions contre les citoyens et citoyennes et l’utilisation de balles en caoutchouc et de bombes lacrymogènes
– Les arrestations ont concerné des centaines de personnes parmi lesquelles on compte de nombreux militants responsables des organisations du tissu associatif. La majorité ont été libérés depuis.
– La pratique de la torture sur la voie publique et dans les commissariats de police
– L’utilisation d’injures, de grossièretés et de harcèlement sexuel contre les citoyens et citoyennes
– L’utilisation des centres d’éducation comme lieu d’hébergement des troupes (Ecoles Ibn Toufaïl et Hlima Sââdia)
– L’encerclement et le blocus de la ville
– Aucun établissement public ou privé n’a subi de dommages de la part de la population.
Exemple de déclaration de membres du comité de coordination du blocus du port
Abdallah El Hihi :
– L’occupation a commencé immédiatement après la déclaration des résultats du tirage au sort le 30 mai 2008.
– Deux grandes tentes ont été montées et la route menant au port a été bloquée
– Les camions qui se trouvaient dans l’enceinte du port ont été empêchés de partir
Le lundi 2 juin
– Visite du wali d’Agadir, du gouverneur de Tiznit, du directeur provincial de la sûreté nationale, de responsables des forces auxiliaires , de la gendarmerie royale, des forces armées royales et de la protection civile.
– Demande de dialogue
– Constitution d’une délégation des protestataires pour participer à ce dialogue. Elle était composée de Abdallaf El Hihi, Youssef Boumrah, Aboubakr Bekkar, Hassan Yassine et Mustapha El Hiba.
– Rappel des principales revendications avec à leur tête la création de deux unités de conserverie de poisson
– Le wali les aurait traités, selon le témoignage, de coupeurs de route et les aurait menacés de poursuites. Le dialogue s’est arrêté là sans aucun résultat.
– Le témoin a ensuite abordé le rôle des différents médiations qui visaient un but unique : faire cesser le blocus avant la satisfaction d’une quelconque revendication des protestataires.
– Le 7 juin 2008, les forces sont arrivées vers 5 heures du matin alors que les protestataires avaient tous décidé d’abandonner leur campagne et de se réfugier dans les montagnes avoisinantes.
– Il a confirmé l’arrivée de 14 embarcations militaires au port dans le but d’intervenir par voie de débarquement maritime, niant par ailleurs toute relation entre les auteurs du blocus et le Secrétariat.
– La distance entre le port et le quartier de Colomina est d’environ 7 kilomètres .
– Il a exprimé son étonnement devant l’envahissement des domiciles et les exactions contre la population civile de la part des forces publiques alors que la mission de ces dernières était sensée se limiter à faire lever le blocus du port.
– Il a parlé d’une étude qui avait été menée dans un passé récent par la province et à laquelle une enveloppe budgétaire avait été réservée pour créer une unité industrielle de traitement et de conserve de poisson, mais aucune suite n’avait été donnée.
Les rencontres tenues à Tiznit avec un certain nombre de responsables des autorités
Le gouverneur de Tiznit
La Commission a tenté de tenir une rencontre avec le gouverneur pour écouter son point de vue sur les événements et sa version des faits et ses explications concernant les faits recueillis lors des témoignages ci-dessus. Mais il nous a déclaré que son audition était impossible du fait qu’il avait déclaré tout ce qu’il avait à dire à la mission d’enquête parlementaire et que la loi lui interdisait de faire une quelconque déclaration à d’autres parties. Il a ajouté que notre commission ne pouvait auditionner le Pacha et le Caïd de la deuxième circonscription de Sidi Ifni.
Le délégué provincial de la sûreté nationale
La commission s’est alors déplacée vers le siège de la délégation provinciale de la sûreté nationale pour rencontrer le chef de la délégation. Un fonctionnaire se présentant comme membre du secrétariat particulier nous a affirmé qu’il était absent se trouvant en mission à la délégation régionale d’Agadir. Nous avons demandé à rencontrer son adjoint et on nous affirma qu’il était également absent.
Le délégué provincial du ministère de l’éducation nationale, de la formation des cadres et de la recherche scientifique.
Nous avons été reçus par le délégué qui nous a déclaré
– L’enceinte des établissements d’éducation n’a pas été violée par les forces publiques. L’absence des élèves s’explique selon lui par la volonté de leurs parents de les garder à la maison par peur d’être victimes d’agressions de la part des forces publiques.
– Au sujet de l’intention de plusieurs élèves de boycotter les examens régionaux du baccalauréat suite à la violence, aux bastonnades et aux poursuites dont ils ont été victimes de la part des forces publiques, le délégué nous a affirmé avoir réussi à convaincre les étudiants de ne pas boycotter l’examen précité et nous a fourni des chiffres desquels il ressort que les événements n’ont pas eu d’effets significatifs sur la vie scolaire de la ville de Sidi Ifni et que l’absence des professeurs pour la correction des épreuves a été la seule raison qui a amené à transporter les copies pour correction à Tiznit.
– Concernant les pertes encourues par les enseignants du fait des événements, il nous a déclaré qu’une enseignante a eu la porte de son domicile enfoncée et du mobilier, ainsi qu’une somme d’argent, lui ont été volés. Alors qu’elle se trouvait à l’école. Cet incident a amené 5 professeurs à tenir un sit-in de protestation contre ce qui s’était produit le 7 juin.
Le délégué du ministère de la santé publique à Tiznit.
La commission a été reçue par le délégué et elle lui a dressé nombre de questions relatives au non respect du droit à la santé et de l’arrivée de renforts médicaux et de médicaments avant l’éclatement de la crise et en prévision de cette dernière. Il a nié ce fait et a affirmé que le samedi et le dimanche les équipes médicales et infirmières ont été renforcées par des ressources locales et que les équipes en place avaient fourni un gros effort pour apporter les secours nécessaires aux victimes des événements et que des listes de personnes ayant bénéficié de ces soins étaient disponibles dans les différents hôpitaux.
A la question sur l’intervention éventuelle de personnel militaire ou lié aux forces publiques pour aider aux soins de santé ou au transport de certaines victimes pour être soignées dans les centres de police, le délégué a nié catégoriquement ce fait et affirmé que la déontologie médicale interdisait de telles interventions de personnel non médical.
Au sujet du refus par l’administration de délivrer les certificats médicaux, il a expliqué que les fin de semaine, le service des certificats médicaux et la caisse pour le paiement de ces certificats était fermée. Le lundi suivant, des certificats ont été fournis aux citoyens qui se sont présentés et que la majorité des blessés l’étaient légèrement ou moyennement.
A la question de savoir si des cas de blessure grave avaient nécessité le transport des patients vers Tiznit ou vers une autre ville, il répondu que les seuls cas de blessures graves concernaient deux membres des forces publiques qui ont été transportés vers Agadir, l’un des deux avait été touché à l’œil, l’autre à la poitrine.
Au sujet de la présence massive des forces de sécurité dans les établissements hospitaliers, le délégué a expliqué que cela s’expliquait par les visites à leurs collègues blessés et que l’administration des hôpitaux ne leur avit lancé aucun appel.
Au sujet des décès, il a nié l’existence d’un quelconque décès lié aux événements et a arrêté à 35 le nombre de blessés des forces publiques et à 34 le nombre de blessés de la population civile.
Siège des forces auxiliaires
Lorsque la commission est arrivée au siège des forces auxiliaires à Tiznit, le responsable a refusé de la recevoir et faire une quelconque déclaration.
Témoignage d’un médecin de pratique privée le Docteur Kharroubi Omar.
Il nous a affirmé avoir délivré 100 certificats médicaux d’incapacité temporaire allant de 24 heures à 40 jours, aux victimes des agressions perpétrées par les agents des forces publiques à Sidi Ifni. La plupart de ces patients avaient leur demande de délivrance de certificats refusée par l’administration des hôpitaux publics.
Il a également vu de très nombreuses ecchymoses et blessures sur le corps des victimes qu’il a eu à examiner. Certaines de ces ecchymoses atteignaient jusqu’à 25 cm de diamètre et elles ne pouvaient être le résultat que de coups répétés pendant un long laps de temps. Il n’avait jamais rencontré auparavant de telles ecchymoses.
Il a également diagnostiqué après examen radiologique 3 cas de fractures graves, l’un des patients avait l’épaule fracturée au niveau du cou.
Il a affirmé qu’un médecin avait été agressé et que les victimes étaient battues jusqu’à l’évanouissement
Il a également affirmé que 5 jeunes filles avaient déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel, des bouteilles avaient été introduites dans l’anus de deux d’entre elles, il s’agit de Fatima Zaka, et de Meryem Outmouhine.
Il a également déclaré avoir été témoin d’une scène où un enfant refusait d’aller à l’école parce que, disait-il à sa mère, il y a la guerre.
80 % des patients qui se sont présentés à son cabinet affirmaient avoir été victimes de vols de leurs effets personnels/ bagues, bracelets, chaînes, divers bijoux , téléphones portables, argent liquide et divers autres objets.
Déclarations des responsables locaux.
Docteur Mohamed Chafik, directeur de l’hôpital local
Il a affirmé avoir reçu des directives pour se préparer à recevoir des blessés et 4 médecins, 2 ambulances, 8 infirmiers, deux anesthésistes et des aides sanitaires sont venus renforcer les effectifs. Depuis les premières heures du samedi, les victimes des événements ont commencé à arriver à l’hôpital.
Le samedi 7 juin, 20 civils et 27 agents de la force publique ont été reçus. Pour soulager les services des urgences, des patients ont été transférés vers le service de gastrologie. Il a nié qu’il y ait eu un quelconque décès.
Le dimanche 8 juin, 14 civils et 8 membres des forces publiques ont été admis. Un agent de la force publique qui avait été atteint à l’œil a été transporté par ambulance à Tiznit.
Des certificats médicaux ont commencé à être délivrés à partir du lundi 9 juin : 18 certificats ont été délivrés.
Aucun décès n’a été constaté et aucun cas de viol n’a été dénoncé.
Le patient Toufik Moutawik qui avait été atteint à la tête a été transporté aux urgences d’Agadir où il a reçu les soins appropriés de la part de spécialistes de neurochirurgie et son état est actuellement normal.
Le docteur Chafik a confirmé que la Protection Civile avait mis 8 ambulances en sevice pour le transport des blessés. Elles devaient être accompagnées de staff médical et infirmier qui sont probablement ceux qui ont prodigué des soins dans les locaux de la police et de la bachaouia.
Le directeur de l’école secondaire Moulay Abdallah, Monsieur Lahbib Kilani
Il a confirmé que les forces de sécurité avaient occupé les environs immédiats de l’école et a procédé à des interpellations de personnes conduites à l’intérieur des véhicules de la sûreté où, affirme-t-il, de la torture a été pratiquée contre eux.
Il a affirmé que lui-même avait personnellement été insulté et injurié de la part d’agents des forces de sécurité.
La même chose est arrivée à des enseignants et des membres du personnel administratif de l’école qui avaient essayé d’intervenir pour calmer le jeu. Il a ajouté que les forces publiques avaient utilisé l’infirmerie de l’école et que devant la situation, le personnel de l’école avait décidé de ne pas procéder à la correction des épreuves du baccalauréat.
Le délégué adjoint du bureau national des pêches maritimes, Monsieur Abdelaziz Lemlih.
L’administration joue un rôle technique liée aux pêches maritimes et n’a aucune relation avec les événements. Il a fourni des statistiques relatives au port et à la pêche au cours des mois d’avril, mai et juin. L’activité, particulièrement la pêche à la sardine se poursuit à l’année longue.
Le directeur adjoint du service d’exploitation du port, Hicham Hachemi.
Il a affirmé que sa fonction était purement administrative à l’intérieur du port et que ce qui se passait aux alentours de ce dernier relevait d’autres services.
Après l’intervention des forces de sécurité, les 95 camions qui étaient bloqués dans le port ont pu partir.
Le port avait été paralysé entre le 30 mai et le 7 juin.
Il a affirmé que le port n’avait pas été envahi par les forces de l’ordre et que les employés n’avaient pas été agressés
Il n’y a eu aucun dialogue engagé entre les protestataires et l’administration du port
Il n’y a eu aucun acte de vandalisme contre les installations portuaires.
Le Pacha de la ville, Noureddine Outekla.
Il a refusé de faire une quelconque déclaration à la commission sur sa vision des événements du 7 juin, arguant que la déclaration des autorités avait été présentée devant la mission d’enquête parlementaire. Mais, dans la dynamique de la conversation, il a essayé de faire passer quelques messages dont
– le caractère massif des pertes encourues à cause du blocus du port au niveau des cargaisons perdues des camions bloqués. Il a ajouté que les chauffeurs de camion dormaient dans leurs véhicules de peur que ces derniers ne soient incendiés. Il a nié que la ville soit marginalisée et a accusé « ceux qui parlent de marginalisation » d’avoir un agenda caché (« ceux là ne sont pas innocents »)
– Il a ajouté que la zone industrielle avait été équipée de la part d’un groupe d’investisseurs qui ont de nombreux projets économiques. Il a affirmé que les événements étaient exclusivement liés au port.
Le vice président du Conseil municipal, Monsieur Ibrahim Aboulhokok
– Il a déclaré que les événements du 7 juin et le blocus qui les avaient précédés ne sont pas liés à ce qui s’était produit le 30 mai au siège de la commune, mais trouve son origine en été 2005 : la région vit une marginalisation notable à plusieurs points de vue dont
. Le manque d’intérêt des responsables ministériels pour la région
. Le manque d’intérêt des nantis parmi les Aït Baamrane pour le développement local et leur préférence pour l’émigration et pour les investissements dans d’autres régions du pays,
. La responsabilité de l’Etat central et des autorités régionales provinciales locales dans les événements passés et actuels de Sidi Ifni,
. Il considère que la création du Secrétariat local constitue un acte d’hostilité vis-à-vis du Conseil municipal
. Il a condamné le rôle de l’autorité qui faisait de l’entrisme dans toutes les coalitions et sabordait toutes les tentatives d’action collective
. Le blocus du port a coïncidé avec la grève des camions de transport du sable des plages (environ 20 camions) ce qui a eu des répercussions négatives sur le secteur de la construction, le commerce et la ferronnerie. Un certain nombre de grévistes ont rejoint les protestataires qui campaient à l’entrée du port.
. Il a confirmé l’envahissement des domiciles et le fait qu’un grand nombre de vols y aient été commis.
. Il a confirmé que les opérations ne faisaient pas de différence entre jeunes et vieux, hommes et femmes, adultes adolescents et enfants.
. Il a rendu visite au Pacha le 7 juin 2008 en compagnie de trois conseillers municipaux pour exprimer les protestations des représentants de la population sur ce qui se passait, mais le Pacha a répondu que la situation le dépassait.
. Il a confirmé que les maisons particulières avaient subi des dégâts suite à leur envahissement par les forces publiques (portes défoncées, mobilier et équipement ménager brisé ou volé, compteurs d’eau et d’électricité brisés…)
Le vice président du Conseil municipal a ensuite fait quelques propositions dont
– La nécessité d’une intervention des appareils de l’Etat pour une réconciliation avec la population.
– L’élaboration et le renforcement d’un plan de développement de la région pour tourner la page des événements du 7 juin.
Audition des familles des détenus.
Famille de Zinelabidine Radi
Le détenu est né en 1983 et est le père d’un enfant de deux ans prénommé Abdelhadi. Il est membre de l’Association nationale des diplômés chômeurs, section de Sidi Ifni et pu par l’intermédiaire de la dite association trouver un travail.
– Déclaration de la mère du détenu.
Le 7 juin, mon fils faisait partie des jeunes qui avaient fui dans les montagnes. Il est retourné à la maison le lundi 9 juin. Il a été arrêté à son travail, au bureau de développent te d’exploitation des ports et conduit à la bachaouia, puis au commissariat de police où il a passé deux jours avant d’être conduit à Tiznit, puis à la prison d’Inzeggane. Des représailles contre les membres de sa famille ont alors eu lieu : c’est ainsi que la voiture que son frère, Mohamed, utilisait dans son travail a été saisie par le directeur du port. Devant ses protestations et ses demandes pour la restitution de son véhicule, il a été menacé d’emprisonnement par le Caïd.
Famille de Mohamed El Ouahdani
Né en 1970, marié, père de deux enfants, il est membre du Secrétariat. Il n’a aucune affiliation partisane, est membre du Conseil d’administration de la Maison des jeunes, Secrétaire général de l’Association Aït Baamrane et vice président de la section locale du Centre marocain de droits humains.
– Déclaration du père du détenu
Le samedi 7 juin, à partir de 5 heures trente du matin, la maison familiale a été envahie et la fouille des chambres a commencé. Les envahisseurs ont commencé à demander après Mohamed, l’ont arrêté et conduit dans une estafette de la police et conseillé à sa mère (malade) de faire ses adieux à son fils car, selon eux, il en aurait pour plus de 20 ans à passer en prison. La maison a été fouillée de fond en comble et les frères de Mohamed, Jamal, Aziz et Youssef ont été arrêtés à leur tour. Aux questions du père sur l’arrestation de son plus jeune fils, Youssef, l’un des assaillants lui a répondu que s’il ne se taisait pas, lui-même connaîtrait le même sort que ses fils. Ils sont alors partis mais ils revinrent une nouvelle fois vers 9 heures 45 et demandèrent le téléphone portable de Mohamed et malgré le fait que nous le leur ayons remis, ils se remirent à me menacer après avoir de nouveau pénétré dans la maison. Après leur départ, le père a été surpris de voir surgir de l’une des chambres deux individus encagoulés.
Vers 10 heures 30, le Pacha s’est présenté en compagnie des trois caïds et ont demandé de nouveau le téléphone portable de Mohamed. 10 minutes plus tard, il recevait un appel provoquant et menaçant du chef de district de la police/ « Ecoute, nous avons arrêté tes 4 fils et ton tour ne saurait tarder »
Le père du détenu a affirmé que les agents de la force publique avaient volé 13 000 dirhams qui étaient dans la possession de Jamal et que des effets vestimentaires et des accessoires ménagers avaient également disparu. Il a affirmé que lors de la visite de son fils Mohamed en prison, il avait constaté que ce dernier portait des traces de coups et de violence. Dans tous les cas, l’ensemble de la famille avait été insultée et subi des violences au cours de l’opération.
Famille de Ibrahim Bara (Arrêté le 18 juin)
Né en 1968, marié, père d’un enfant de trois ans. Son épouse affirme qu’Ibrahim avait été dans le passé membre du Secrétariat et qu’il est actuellement Secrétaire général de la section d’ATTAC Maroc et qu’il est membre de la section de l’Association nationale des diplômés chômeurs qu’il avait présidée dans le passé.
– Déclaration de son épouse, Malika Lebchina
Environ 80 membres des forces publiques ont envahi la maison vers 8 heures du matin et se sont mis à la fouiller à la recherche d’Ibrahim. Son frère Ali a alors été arrêté alors qu’il était encore en pyjama. Deux ordinateurs appartenant à Ibrahim et à son frère ont été saisis. Ils ont de nouveau envahi la maison vers 10 heures du matin et l’opération de fouille s’est répétée plus de cinq fois, la dernière de ce 7 juin vers 16 heures avec une dizaine d’hommes habillés en civil qui ont envahi la maison, pénétré dans la chambre à coucher et demandé sous la menace d’une arme à feu posée sur sa tempe, et avec des propos obscènes (« nous allons te faire asseoir sur une bouteille ») d’appeler au téléphone un ami de son mari, Husseïn Agharbi et de demander après mon mari et essayer de lui faire dire où se trouvait ce dernier. Toute la scène se passe sous les yeux de son enfant qui en a subi un traumatise psychologique dont il souffre encore. Ibrahim, a-t-elle ajouté à participé dans le cadre d’un soutien moral apporté aux protestataires du port au piquet tenu à l’entrée. Tant l’épouse que le frère du détenu ont affirmé que les agents des forces publiques avaient volé dans la boutique tenue par Ali et attenante à la maison la somme de 45 000 dirhams et saisi la carte d’identité, des photographies personnelles et divers objets appartenant à Ibrahim. Elle nous a informé que son mari souffrait d’une maladie rénale et qu’il était dépendant d’un traitement à l’insuline.
Famille du détenu Abdelkader Tabib
Né en 1987, il n’appartient à aucune organisation.
– Témoignage de Zahra Tabib, sœur du détenu.
Il a été arrêté le dimanche 8 juin vers midi en compagnie de son ami Hicham Karbaoui, alors qu’il se trouvait à l’extérieur de la maison. Une autre maison du voisinage, appartenant à la famille mais alors inoccupée a été envahie et pillée de son contenu après que la porte d’entrée ait été défoncée. Zahra affirme que son frère n’avait aucune relation d’un quelconque ordre avec les organisateurs du blocus du port, de même que Hicham lui aurait affirmé après sa libération que le détenu avait subi des coups et des violences au poste de police et au centre de sécurité de Tiznit, et qu’il a été contraint par la torture de signer un PV d’interrogatoire en blanc. Il est poursuivi pour agression contre le Caïd.
Famille du détenu Mohamed Issam.
Marié, père deux enfants (un garçon et une fille), chauffeur de petit taxi, secrétaire général du syndicat local des chauffeurs de taxi, membre du Secrétariat, membre du Centre marocain des droits humains.
– Témoignage de sa sœur
Il se trouvait à la maison le dimanche 8 juin jusqu’à 21 heures., le lendemain, par peur de l’arrestation comme beaucoup d’autre jeunes, il est allé se réfugier dans les montagnes. Le 30 juin une marche a été organisée et un sit-in a eu lieu dans le quartier de Boulââlam. Ce sit-in a été dispersé par la force le 1er juillet et des confrontations ont suivi. La famille a ppris que Issam était recherché et que des agents s’étaient présentés pour l’arrêter dans la maison que la famille possède à dans la région de Id Bouhiya le 2 juillet 2008. Cette maison a été forcée ainsi que d’autres maisons voisines. Issam s’est livré à la police de Guelmim le 7 juillet après avoir appris qu’il était recherché.
Famille de Ibrahim Sebââllil
Président de la section de Sidi Ifni du Centre marocain des droits humains, membre du Secrétariat.
– Témoignage du père du détenu, monsieur Mohamed Sebââllil
Ibrahim n’était pas présent lors des événements. Lui-même n’était pas là et n’était de retour que le 16 juin. Leur maison n’a pas été envahie.
Famille du détenu Ahmed Boufaïm
– Témoignage de sa sœur Naïma Boufaïm
Le 7 juin vers 8 heures du matin des agents de la force publique, accompagnés de l’officier Aziz Aktin de la délégation de la police de Sidi Ifni, ont violé notre domicile et l’ont envahi. L’un des agents a poussé violemment ma mère vers l’escalier. Ils m’ont ensuite arrêtée en même temps que ma sœur Safia et mon frère Ahmed. Ils nous ont jeté dans une estafette où se trouvaient déjà les quatre fils El Ouahdani. Ils nous ont bandé les yeux et menottés pendant les trois heures que nous avons passées dans l’estafette qui circulait sans interruption avant de s’arrêter devant le poste de police. Ma sœur a attrapé à ce moment une crise respiratoire car elle souffrait d’un mal de tête. Ils lui ont alors enlevé les menottes, alors que ses yeux restaient bandés et l’ont jetée dans la rue. Je les ai entendus s’appeler Alaoui, El Gharbaoui, El Hadj, Kamar. J’ai été poussée dans le poste de police, ils m’ont retiré mon melhaf (habit traditionnel des femmes de la région) et m’ont ordonné de retirer mes autres vêtements, mais j’ai résisté. Ils m’ont abandonnée une dizaine de minutes puis m’ont libérée. Lors de mon arrestation les forces publiques avaient envahi les deux étages de notre domicile après avoir défoncé la porte du premier étage qui ne comprend qu’une pièce unique et des toilettes. Ils sont entrés dans la pièce et ont volé une somme de 4 millions de centimes qui était cachée là dans un coffret blanc caché lui aussi sous le poste de télévision. Ils ont également volé trois téléphones portables de marque Nokia, une caméra vidéo et un appareil photographique. Après ça ils sont montés à l’étage où ils ont volé un ordinateur.
Quatrième partie
Les violations
Suite aux témoignages de nombreux citoyens et citoyennes recueillis par la commission qu’il s’agisse de victimes ou de témoins oculaires et suite aux visites de terrain dans les quartiers touchés, la commission a pu arriver aux conclusions suivantes
Un exercice de punition collective de la population de Sidi Ifni
Dans les quartiers de Colomina, de boulââlam et de Brabra, la conviction des membres de la commission, faite sur la base des constations et des contacts avec la population, à l’effet
– qu’il n’existe aucun lien entre ce qui se passait aux alentours du port et du blocus de ce dernier d’une part et les événements qu’ont connus ces quartiers éloignées de plusieurs kilomètres.
– Les violations de domicile par leur envahissement et l’enfoncement de leurs portes et fenêtres, y compris pour des domiciles inoccupés, propriétés d’émigrants, le saccage des maisons par la destruction des téléviseurs, des pendules muraux, des frigidaires, bibliothèques, motocyclettes, bris des pare brise des véhicules automobiles …etc. A noter que l’office national de l’électricité a imposé aux citoyens de payer 1000 dirhams pour réparer les compteurs brisés par les forces publiques.
– Le vol et le pillage par les agents de la force publique de sommes d’argent liquide, de chèques, de bijoux, de téléphones portables, d’ordinateurs
– La création d’un climat de terreur chez la population en particulier chez les enfants, les personnes âgées et les femmes
– Les agressions commises sur la voie publique par les agents des forces publiques contre les citoyens sans aucun lien avec les événements du port et qui étaient sortis soit pour faire leurs courses ou pour vaquer à leurs occupations.
La pratique de la torture par les forces publiques
Passages à tabac et bastonnades ayant entraîné de graves séquelles physiques chez les victimes (voir photos) allant jusqu’à des fractures (cas de Lhoussine Semoual et d’autres victimes), ainsi que toutes sortes de brutalités dégradantes pour la dignité humaine telle que l’introduction de matraques dans l’anus de certaines personnes interpellées lors des événements aussi bien dans les centres de police que sur la voie publique.
Viols, harcèlement sexuel et attentats à la pudeur
Des informations recueillies par la commission via les témoignages des victimes, elle a été convaincue de ce qui suit
– Des personnes hommes et femmes arrêtées lors des événements ont été dénudées et battues alors qu’elles étaient nues.
– Des attouchements indus étaient pratiqués sur les parties intimes des femmes et des jeunes filles et l’introduction de matraques dans l’anus des hommes et dans le vagin des femmes. Alors qu’elles résistaient certaines femmes ont subi des blessures dans leurs organes sexuels ou dans d’autres parties de leur anatomie (cas de Khadija jbabdi et de Meryem Outmouhine).
Violation du droit de manifester pacifiquement et de se regrouper
Des informations recueillies sur place par la commission il lui est apparu clairement que les autorités locales faisaient de l’obstruction à l’exercice de la liberté de manifester pacifiquement ceci en dépit du fait qu’au cours des nombreuses manifestations publiques et malgré les interventions brutales des forces de l’ordre à certaines occasions, les manifestants ne se sont jamais livrés à l’attaque des institutions publiques et privées et n’ ont jamais commis de pillage des commerces ou des biens publics.
Jusqu’aux événements du7 juin, nous n’avons reçu aucun indice de la part tant des citoyens que des autorités publiques indiquant que des commerces ou des banques aient fait l’objet de tentative d’incendie ou d’actes de vandalisme ni que des véhicules privés ou des institutions aient été attaqués de quelque manière que ce soit à l’exception du véhicule du Caïd dont il est question plus haut dont le véhicule aurait été incendié selon les informations officielles et qui aurait été agressé, mais qui a refusé de nous recevoir et de nous donner sa version des faits. De nombreux points d’interrogation subsistent à propos de cet incident en l’absence d’explications de la part de l’intéressé.
L’interdiction récente des activités prévues par le Forum marocain Vérité et justice, par l’Association marocaine des droits humains et par le Centre marocain des droits humains est là pour prouver encore une fois les entraves des autorités au libre exercice des libertés publiques.
Violation de l’enceinte des établissements scolaires.
Si le délégué de l’éducation nationale nous a affirmé que de telles violations ne s’étaient pas produites et que les établissements n’avaient pas servi à l’hébergement des troupes, de nombreux témoignages sont venus contredire cette affirmation et confirmer que les les écoles Ibnou Toufaïl et Hlima Sâadia ont servi de gîte aux troupes ce qui a porté préjudice à la mission éducative de ces établissements et d’autres établissements similaires.
Violation du droit à la sécurité physique et à la sûreté publique.
De par les agressions dont ont été victimes les citoyens et citoyennes sur la voie publique et dans leurs domiciles la commission est arrivée à la conclusion suite à de très nombreux témoignages que la population n’était pas rassurée quant à sa sécurité comme le démontre
– le fait que de nombreuses familles ont quitté Sidi Ifni vers d’autres villes ou pour certaines vers les montagnes avoisinantes
– Le fait que de nombreuses familles aient fait installer des portes métalliques à l’entrée de leurs domiciles et dans leurs fenêtres par crainte de la répétition de ce qui est arrivé.
– Un ferronnier a informé la commission que son carnet de commandes était plein et que dans le seul quartier de Boulam, elles atteignaient le chiffre de 24.
Violations des droits des femmes
Au cours de sa mission la commission a établi que les femmes avaient été brimées de nombreux droits et qu’elles avaient subi de nombreuses violations parmi lesquelles des viol, de la violence, du mépris ce qui constitue une violation de la convention internationale contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de touts les traités relatifs aux droits des femmes.
Violation des droits des enfants
Les témoignages recueillis que les événements et l’intervention brutale de la force publique à laquelle ils ont donné lieu a laissé des séquelles psychologiques chez les enfants. Les cas cités lors des témoignages permettent d’illustrer ces séquelles
– le refus d’un enfant de se rendre à l’école car « c’est la guerre » et que « des voleurs ont investi les rues » après que des vols se soient produits au domicile de ses parents et dans les domiciles voisins
– Les séquelles psychologiques chez les enfants qui avaient fait l’objet de violence physique de la part des agents de la force publique que ce soit dans la rue lors de leur retour de l’école ou à leurs domiciles où ils ont été témoins des sévices infligés à leurs frères plus âgés et à leurs parents parfois même de leurs grand parents
– Les menaces proférées contre la mère de jeunes enfants de lui retirer ses enfants et de les placer dans des orphelinats
– Les jeux des enfants ont évolué et reprennent désormais le scénario de l’intervention des forces de l’ordre
Les atteintes au droit à la vie.
Des informations recueillies par la commission sur l’existence éventuelle de décès lors des événements, elle n’a pu établir ce fait avec certitude mais reste avec de nombreux points d’interrogation dont
– Pourquoi les autorités se sont-elles obstinées à refuser l’entrée des hôpitaux à de nombreuses instances de droits humains ?
– Y a-t-il des disparus parmi les sans abri qui fréquentent habituellement le port ?
– Les autorités ont-elles ouvert une enquête sur les allégations que la mer aurait rejeté des corps dans les jours qui ont suivi les événements ?
Conclusions et recommandations
Les conclusions
Au cours de son enquête la commission nationale des organismes de droits humains participants a conclu ce qui suit
1. Les événements qu’a connus Sidi Ifni sont essentiellement liés au non respect par l’Etat marocain des droits civils et politiques, des droits économiques sociaux et culturels et a failli à ses engagements internationaux à cet égard de garantir à la population de la ville les droits prévus dans la charte universelle, en particulier le droit à la dignité.
2. La commission souligne la disproportion des forces engagées par rapport à l’objectif affiché de faire lever le blocus du port.
3. La situation à laquelle était parvenue la crise du blocus du port pose de nombreuses questions sur la manière de traiter cette question par les autorités : pourquoi avoir laissé pourrir la situation à ce point alors qu’il était possible de trouver des solutions avant d’en arriver là.
4. L’inexistence de liens entre la levée du siège du port et les attaques contre les quartiers d’habitation ainsi que les agressions contre la population sur la voie publique et dans les domiciles privés agressions ayant laissé des blessures chez la population et qui mettront beaucoup de temps à se cicatriser.
5. La commission a noté le caractère extrêmement brutal de l’intervention des différentes forces publiques engagées et la gravité des atteintes infligées à la sécurité physique, à la dignité et aux biens des citoyens et citoyennes aussi bien dans leurs domiciles que dans des centres de police et des lieux spécialement aménager pour détenir et terroriser des citoyens. La commission a également noté le caractère ordurier des propos tenus pas les agents de la force publique à l’égard de la population locale.
6. La commission a acquis la conviction que l’autorité avait choisi la voie de la punition collective contre les citoyens et citoyennes, y compris les enfants, les personnes âgées et les malades et, de manière systématique en utilisant des matraques en plastique , en piétinant et en donnant des coups de pied en menaçant à l’aide d’armes à feu (voir le cas de l’épouse de Bara plus haut), en utilisant des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes contre les citoyens qui tentaient de photographier ou de filmer ce qui se passait. Ceci constitue une grave violation du droit à l’intégrité physique et du droit à la sécurité personnelle et viole les règles d’intervention des forces chargées de l’application de la loi adoptées par l’assemblée générale des Nations Unies le 17-12- 1999.
7. La commission souligne que la détention des militants des droits humains et des militants associatifs est arbitraire dans la mesure où leur arrestation s’est déroulée loin du lieu de la tenue du blocus et ne pouvait être interprétée comme des flagrant délits et que par conséquent leur incarcération est contraire aux conditions juridiques et légales. La commission craint que les procès à venir, engagés dans ces conditions, ne soient pas équitables selon les stipulations de l’article 14 du traité international sur les droits civils et politiques surtout après que l’ensemble des observateurs du procès de Sbââllil eut statué qu’il s’agissait d’un procès inéquitable.
Les recommandations
A partir de ses conclusions et suite à ses auditions et ses visites de terrain, la commission recommande ce qui suit :
# D’agir en vue de faire cesser la tension qui sévit toujours à Sidi Ifni, tout d’abord en libérant l’ensemble des détenus liés aux événements et de faire cesser les poursuites à leur endroit.
# Œuvrer à l’ouverture d’un dialogue avec la population de Sidi Ifni et ses représentants pour répondre à leurs revendications légitimes conformément aux engagements de l’Etat en matière de développement.
# Ouvrir une enquête judiciaire sur ce que ce rapport signale comme violations graves des droits humains à l’encontre de la population de Sidi Ifni et qui représentent une punition collective accompagnée de tortures , de brutalité, de viols et de toutes sortes de traitements inhumains et dégradants et prendre des mesures énergiques pour que de telles violations ne se produisent plus.
# Compenser les pertes matérielles et morales encourues par la population et lui présenter des excuses officielles.
# La constitutionnalisat ion et la légalisation du principe de l’abolition de l’impunité.
# La mise en pratique de la loi criminalisant la torture.
# Demander des comptes aux responsables qui ont donné les ordres et les directives concernant l’intervention des forces publiques et de commettre le crime de la punition collective de la population de Sidi Ifni.
# Rééduquer les membres des forces de sécurité en matière de droits humains et d’ouvrir les portes de leurs centres de formation aux organisations de droits humains.
# Promouvoir le développement économique de la ville et de la région de Sidi Ifni pour cicatriser les blessures dont elle souffre, conséquence de sa marginalisation, d’autant plus inacceptable que la ville possède un important potentiel dans plusieurs domaines et qui ne demande qu’à être exploité.
# Dédommager l’ensemble des citoyens et citoyennes ayant subi un préjudice suite à l’intervention de la force publique et restituer les biens volés lors de cette intervention.