Derrière EDVIRSP, EDVIGE 2.0 : fichez la paix aux libertés
Communiqué du Collectif « Non à EDVIGE » - 26 septembre 2008
Le Collectif « Non à EDVIGE », réuni le 25 septembre, se félicite de la mobilisation citoyenne massive qui a largement contribué à faire reculer le gouvernement sur un texte liberticide.
Il réaffirme son opposition au décret 2008-632 et en demande toujours l’abrogation. Le nouveau projet transmis à la CNIL ne précise pas s’il modifie, complète ou se substitue à celui de juillet. Il ne peut toutefois être qualifié de réel retour aux principes qui doivent régir le fonctionnement d’un Etat de droit.
En effet, après avoir poussé très loin les reculs en matière de respect des libertés publiques et d’atteintes aux droits démocratiques avec le décret 2008-632, le gouvernement s’estime dédouané quand il n’a pourtant reculé que très partiellement sur les aspects les plus controversés d’un texte inacceptable dans son intention comme dans sa forme. L’architecture du texte a changé et la disparition de la finalité du fichage des militants en tant que tels va apparemment plus loin que le texte même de 1991. Mais l’on retrouve toujours un mélange de finalités très différentes et les garanties se sont fortement dégradées par rapport au texte de 1991.
Certains reculs partiels, comme le retrait de la vie sexuelle ou de l’état de santé, sont prétexte à avancer dans des propositions qui restent très inquiétantes au regard du texte de 1991. C’est là une stratégie aussi classique que détestable, une tactique qui ne peut pas longtemps faire illusion.
Le « droit à l’oubli » pour les mineurs, par exemple, est certes une petite avancée par rapport au texte de juillet mais il ne peut faire oublier qu’il s’agit pour la première fois de ficher des mineurs et ce sur de simples soupçons, sans l’existence du moindre délit. La défenseure des enfants s’en est d’ailleurs émue : « dans la mesure où le casier judiciaire national recense l’ensemble des condamnations des mineurs selon des modalités garantissant un accès limité à ces données et des règles d’effacement pour préserver notamment leur avenir professionnel », elle « ne voit pas l’intérêt que ces informations soient reprises dans le fichier EDVIGE ».
Quant aux données elles-mêmes, si la vie sexuelle et l’état de santé ont fort heureusement été retirées, subsistent encore les origines « raciales » ou ethniques, les opinions philosophiques, politiques ou religieuses et l’appartenance syndicale bref, tout ce qui est censé avoir été retiré avec la disparition du fichage des personnes sollicitant un mandat et qui revient ainsi en catimini.
Si la traçabilité des demandes de recueil des données offre une garantie supplémentaire par rapport au décret créant EDVIGE, le droit à l’information et le droit d’opposition restent formellement exclus, ce qui n’était pas le cas dans le texte de 1991. N’oublions pas que depuis la loi de 2004, les pouvoirs et les moyens de la CNIL ont été fortement réduits. On ne peut donc que s’interroger sur la portée et la réalité du contrôle qu’elle pourra exercer.
La notion de trouble à l’ordre public, inquiétante au regard des droits démocratique, est devenue atteinte à la sécurité publique. On pourrait penser qu’il y a là un progrès. C’est oublier que dans le texte de 1991, la formulation évoquait l’atteinte à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique « par le recours ou le soutien actif apporté à la violence ». Dans sa nouvelle formulation, la première finalité ouvre un boulevard à la criminalisation du mouvement social et de l’action revendicative, tant la notion d’atteinte à la sécurité publique est floue et peut recouvrir de situations différentes. Les risques qui pèsent sur les libertés citoyennes sont réels.
Pour toutes ces raisons, le Collectif « Non à EDVIGE » appelle les citoyennes et les citoyens de ce pays, épris de liberté et attachés au respect des droits, à continuer à manifester leur attachement aux valeurs démocratiques en signant la pétition « Pour obtenir l’abandon d’EDVIGE », en organisant partout en France des collectifs locaux en vue de la mobilisation du 16 octobre prochain qui réclamera le retrait du décret EDVIGE et le refus de tout texte qui viserait à le sauvegarder sous une forme déguisée.
Le Collectif « Non à EDVIGE » appelle à l’organisation ce 16 octobre, partout en France, de rassemblements citoyens devant les préfectures pour réclamer le respect des droits démocratiques fondamentaux .
Contact Presse du Collectif : contact nonaedvige.ras.eu.org
FICHIER POLICE : Edvige bouge encore
Rebaptisé et modifié par le gouvernement, le fichier Edvige n’a rien perdu de sa nocivité. Il n’est pas amendable : il faut l’enterrer.
Si l’ampleur des réactions de rejet du fichier Edvige a obligé le gouvernement à le remettre en question, le nouveau décret, envoyé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), le 19 septembre, garde des dispositions problématiques. Il ne peut en être autrement, puisque la finalité du fichage de la population, ou d’une partie de celle-ci, constitue en soi une atteinte aux libertés fondamentales. Le fichier, qu’il s’appelle Edvige ou porte le nouveau nom d’Edvirsp [1] est encore là.
Certes, un certain nombre de dispositions, concernant l’orientation sexuelle ou la santé, disparaissent du projet de décret. Mais le fichage des personnalités, des élus, se fera dorénavant dans « un répertoire administratif » géré par les préfectures, dans un deuxième fichier en quelque sorte. En revanche, les personnes « dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à l’ordre public », et celles « faisant l’objet d’enquêtes administratives […] pour déterminer si leur comportement est compatible avec l’exercice des fonctions envisagées » figureront dans ce nouveau fichier. Par dérogation, les données sur les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques, religieuses ou l’appartenance syndicale sont autorisées, comme dans l’ancien fichier.
Comme Sarkozy l’avait annoncé, la disposition tout aussi scandaleuse du fichage des mineurs à partir de 13 ans, simplement suspectés de pouvoir troubler l’ordre public, est maintenue. On connaît sa volonté d’en finir avec la spécificité de la justice de mineurs et de transformer la jeunesse en classe dangereuse. On peut regretter que cette disposition ne soit pas aussi contestée que les autres. La défenseure des enfants, Dominique Versini, tire pourtant la sonnette d’alarme sur la multiplication des fichiers concernant les mineurs, rappelant les différentes conventions internationales sur les droits de l’enfant.
Le droit à ne pas être espionné, ausculté, surveillé, ne se divise pas. Il est valable aussi bien pour les personnalités et les élus que pour les mineurs visés par le gouvernement. Le « droit à l’oubli », invoqué par la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, n’est jamais respecté. L’opacité qui entoure la gestion, la consultation, la vérification des fichiers, est suffisamment grande pour que ce genre de promesse reste lettre morte. C’est pourquoi la LCR continue d’exiger le retrait et le non-remplacement du fichier Edvige, ainsi que de toutes les dispositions qu’il contient, aussi bien pour les mineurs que pour les personnalités et les élus. Elle devait rappeler cette position lors de la réunion unitaire du 25 septembre, et elle participera, le 16 octobre, à la journée de mobilisation contre le fichier Edvige.
Anne Leclerc
* Paru dans Rouge n° 2267, 25/09/2008 .
EDVIGE bouge encore, amplifions la mobilisation !
Communiqué du Collectif « Non à EDVIGE » - 19 septembre 2008
A la lecture des informations qui circulent dans la presse, le collectif « non à EDVIGE » souhaite prendre acte du recul du gouvernement sur plusieurs points importants du décret « EDVIGE ». Ces reculs légitiment la mobilisation citoyenne sans précédent, entamée depuis le début du mois de juillet et qu’il convient de poursuivre.
En effet, de nombreuses inquiétudes demeurent :
le fichage des « personnes ou des groupements qui, par leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique » demeure potentiellement très large et repose sur la théorie du soupçon en violation directe du principe constitutionnel de présomption d’innocence inscrite à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Il pourrait par exemple concerner des militants, des jeunes lycéens participant à une manifestation de rue ;
le fichage politique et social est renvoyé au plan départemental mais il continue d’exister contrairement à ce qui se passe dans la plupart des démocraties ;
le fichage, à partir de 13 ans, d’enfants qui, contrairement à ce que soutient la ministre de l’Intérieur, n’ont commis aucune infraction est inacceptable et risque de stigmatiser des catégories bien précises de la jeunesse (celle des banlieues et des quartiers populaires) considérée systématiquement comme potentiellement dangereuse. La défenseure des enfants vient de s’en inquiéter au regard du respect par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant. L’hypothétique « droit à l’oubli » … s’agissant de faits n’ayant jamais eu lieu frise l’absurdité.
La commission des lois de l’Assemblée nationale, à travers des recommandations formulées à l’unanimité, a reconnu que le fichier « EDVIGE » recèle de graves dangers. Sur des points cruciaux (pouvoir de contrôle renforcé de la CNIL, droit de rectification de leur fiche par les citoyens, traçabilité de l’accès au fichier par les policiers), les députés exigent des garanties renforcées. Le gouvernement est resté sourd à ces recommandations sur tous ces points.
Le collectif « Non à EDVIGE » ne se satisfait pas des modifications annoncées par le gouvernement et continue d’exiger le retrait du décret « EDVIGE ».
Le collectif maintient sa demande d’un débat public sur les fichiers et appelle le Parlement à se saisir véritablement de ce sujet.
Le collectif appelle les citoyens à poursuivre la mobilisation en signant l ‘appel contre « EDVIGE » et en démultipliant les collectifs locaux pour réussir la journée d’action du 16 octobre à l’occasion de la sainte-Edwige.