Lutter contre le dumping salarial et la pauvreté
Depuis le début de la décennie, les salaires stagnent. En termes relatifs donc, ils reculent, compte tenu de l’élévation rapide de la productivité du travail (+ 10% de 2000 à 2007). Pour le dire autrement, la part des nouvelles richesses créées qui revient aux salarié-e-s ne cesse de diminuer, tandis que celle qui revient au capital ne cesse d’augmenter…
En Suisse, la moitié des salarié-e-s, soit 1,25 millions de personnes, gagnent moins de 5700 francs bruts par mois (salaire médian) ; 55% d’entre eux-elles touchent moins de 4500 francs ; 22% moins de 3750 francs, dont 70% de femmes. En moyenne, ces dernières disposent d’un salaire inférieur de 20% à celui des hommes…
L’envolée des cotisations du 2e pilier et de l’assurance maladie (+4% annoncés par les assureurs) - puisque ce sont les salarié-e-s qui épongent les pertes boursières des assurances privées !- pèse extrêmement lourd sur le budget des plus modestes, d’autant plus que ces hausses ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’indice du coût de la vie (+2,9% depuis un an). Il faut encore ajouter à cela le renchérissement des loyers et des frais de transport, plus rapide que celui des autres biens et services, et sur lesquels il n’est pratiquement pas possible de faire des économies...
Que faut-il attendre des négociations salariales de cet automne entre « partenaires sociaux » ? Relevons d’emblée que près de la moitié des salarié-e-s ne bénéficient toujours d’aucune forme de négociation collective ; ils-elles en sont réduits le plus souvent à se soumettre au bon vouloir de leur patron, surtout lorsque le chômage et la dérégulation du marché du travail accroissent la concurrence. Pour l’autre moitié, qui disposent de conventions collectives, il faut savoir que souvent elles ne prévoient même pas le niveau des salaires. C’est le cas de la principale convention du pays, dans l’industrie des machines. Pour ces travailleurs-euses, les négociations salariales se déroulent donc essentiellement au niveau de l’entreprise.
C’est dans ce contexte, que solidaritéS a décidé de lancer ses forces dans une bataille d’ensemble pour la reconnaissance d’un salaire minimum légal dans les cantons de Genève, Neuchâtel et Vaud. Des initiatives identiques ont été développées en parallèle par d’autres forces dans les cantons du Tessin et du Valais. Au-delà de ces propositions cantonales (voir p. 7), notre objectif vise à inscrire ce droit dans la Constitution fédérale, qui permettrait de chiffrer ce salaire minimum (nous proposons 4000 francs par mois), de prévoir son indexation à la progression du revenu national et de donner la compétence aux cantons de relever ce plancher pour tenir compte des différentiels de coûts de la vie.
L’établissement d’un salaire minimum légal garantirait une rémunération qui permette aux travailleurs-euses de vivre dignement, comme le revendique la Déclaration universelle des droits de l’homme et un certain nombre de chartes internationales signées par la Suisse. Mais il n’offrirait pas une protection suffisante aux salarié-e-s précaires, à temps partiels, intermittent-e-s, sur appel, etc., sans parler des sans-emploi, des personnes en formation, des invalides et des retraité-e-s ? Selon Caritas, un million d’habitant-e-s survivent aujourd’hui en Suisse au-dessous du seuil de pauvreté et elles appartiennent pour l’essentiel à ces catégories. C’est pourquoi, pour leur permettre de vivre dans des conditions acceptables, nous revendiquons aussi un « revenu minimum » de 3000 francs par mois, soit une sorte de « salaire social », indépendant du travail.
Enfin, le système de retraite helvétique fondé sur trois piliers conduit à l’appauvrissement programmé de la grande majorité des aîné-e-s. Tout d’abord, parce que l’AVS - dont la droite propose aujourd’hui de relever l’âge à 67 ans - ne remplit toujours pas son mandat constitutionnel : la garantie d’un minimum vital. Ensuite, parce que l’escroquerie du 2e pilier se referme comme un piège sur les assuré-e-s, dont les rentes prévues fondent comme neige au soleil, sans parler de la petite épargne individuelle, dont la rémunération est inférieure au taux d’inflation…
Dans ces conditions, outre un salaire minimum de 4000 francs par mois et un revenu minimum de 3000 francs, indépendant du travail, nous défendons une revalorisation des rentes AVS minimales à 3000 francs, ainsi que l’intégration du 2e pilier à l’AVS, avec conservation des avantages acquis. Un tel programme politique nécessite des mobilisations sociales de grande envergure, dans les entreprises et dans la rue, qui ne se limitent pas au morne rituel des campagnes électorales et des négociations salariales autour du tapis vert. Il exige surtout la reconstruction d’une gauche de gauche, politique, syndicale et associative, qui regarde au-delà du capitalisme et ses « contraintes ».
Jean Batou (éditorial)
Constituante genevoise et bas salaires…votez « solidaritéS • gauche en mouvement » - Liste 4
L’élection à une constituante se distingue de l’élection à un parlement (municipal, cantonal ou fédéral), parce qu’elle met - en principe - prioritairement l’accent sur des options fondamentales. D’où la volonté de solidaritéS de présenter une liste anticapitaliste, féministe et écologiste défendant des objectifs clairs, ancrés dans une critique approfondie du capitalisme, producteur d’inégalités sociales, de régressions autoritaires et de destructions environnementales.
Pour cela, nous appelons à élire des constituant-e-s issus d’une gauche de gauche, attachés à une perspective de lutte collective. Nous faisons campagne pour la défense des conquêtes sociales et écologistes inscrites dans la constitution actuelle, mais aussi pour de nouvelles propositions. Parmi elles, un salaire minimum permettant de vivre décemment. Il devrait être fixé à 4000 Fr. par mois et indexé (au coût de la vie et à la propgression du revenu national). Bien entendu, les conventions collectives pourront toujours fixer des salaires plus élevés par branche. Un bon moyen de résister ensemble à la sous-enchère salariale.
A la base des autres droits
Pour nous, les droits au travail, à un salaire permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, à un revenu minimum pour toutes et tous, à des soins médicaux de qualité sans égard au revenu, sont le fondement de tous les autres droits. Nous voulons qu’ils soient garantis par la constitution.
Nous défendons la fixation d’un revenu minimum qui garantisse aux retraité-e-s, aux handicapé-e-s, aux chômeurs-euses en fin de droit… les moyens indispensables à leur autonomie financière et personnelle. Nous nous opposons donc à la privatisation des missions du service public, en particulier de l’aide sociale. Nous voulons enfin garantir un système de santé public qui assure à tous un accès égal à des soins de qualité et barre la route à une médecine à deux vitesses. Pour cela, il faut encourager la médecine sociale, préventive et du travail. De même, la constitution doit encourager des primes d’assurance maladie proportionnelles au revenu et lutter contre la hausse du prix des traitements et des médicaments.
Mais pour gagner ces batailles, celle du salaire minimum en particulier, nous savons qu’il ne suffit pas de discours ou de promesses électorales, comme ces engagements électoraux de partis gouvernementaux qui finissent aux oubliettes quand il s’agit de passer aux actes. Ce qui est incontournable, c’est une mobilisation collective, sur le terrain, sans laquelle les discours des élu-e-s, même des nôtres, ne pourront être que du vent.
Comment faire ?
C’est pourquoi nous ne nous sommes pas contentés d’inscrire la revendication du salaire minimum dans notre programme en attendant les suffrages des électeurs-trices, pour espérer en parler pendant quatre ans à la constituante. Nous avons, au contraire lancé - fin juin - une initiative populaire constitutionnelle pour un salaire minimum cantonal. Et nous sommes descendus dans la rue, pendant trois mois, pour récolter des signatures et pour discuter avec des milliers de personnes, qu’elles disposent ou non des droits politiques.
Cet effort à eu trois résultats :
• Nous avons fait aboutir l’initiative, mettant ainsi tous les partis du Grand Conseil au pied du mur. Ils devront sous peu dire OUI ou NON à l’idée simple que chaque travailleur-euse à droit « à un salaire garantissant des conditions de vie décente », mais surtout, d’ici un an ou deux au maximum, c’est le peuple qui aura directement, dans les urnes, son mot à dire sur la question.
• Ensuite, grâce à cette campagne, nous savons maintenant que cette revendication n’est pas seulement la nôtre, mais qu’elle est largement partagée par la majorité de la population. Aujourd’hui, nos élu-e-s à la constituante pourront sur cette question parler, non pas au nom de notre seul mouvement, mais au nom des milliers de signataires de cette initiative, qu’ils-elles ont rencontré ces derniers mois.
• En outre, nous avons fait la démonstration qu’en votant pour les 22 hommes et 22 femmes de la liste N° 4 « solidaritéS - gauche en mouvement » à la constituante, vous appuyez une force politique organisée démocratiquement, dont les paroles et les actes coïncident, qui s’organise pour faire les choses et pas seulement les dire... au service du bien commun.
Qui défend les salarié-e-s ?
En mars dernier, dans la Tribune de Genève, le porte-parole de la liste « patronale » à la constituante jouait cartes sur table. Défendant le dépôt de cette liste il affirmait : « Il faudra éviter que nos adversaires imposent de nouveaux droits, comme le salaire minimum… » Et bien, ce défi-là, nous avons - avec vous - d’ores et déjà commencé à le relever avec cette initiative aboutie, sans attendre le scrutin du 19 octobre.
Par ailleurs, il vaut la peine de signaler, parlant de l’exercice des droits démocratiques, que les partis de droite, notamment les libéraux et les radicaux, défendent des mesures qui impliquent, par la hausse du nombre de signatures requis et la réduction de la période de récolte des signatures, la suppression de facto du droit d’initiative et de référendum… A Genève, solidaritéS est sans conteste la force politique qui a le plus contribué, au cours de ces dernières années, à l’aboutissement de nombre de référendums et d’initiatives progressistes. Nous sommes donc attachés à ces droits, non seulement en principe, mais parce que nous les pratiquons au quotidien.
Pierre Vanek
Les salaires sont-ils plus élevés en Suisse qu’ailleurs ?
Contrairement à une idée reçue, les salaires suisses ne sont pas parmi les plus élevés d’Europe. En effet, pour les comparer à ceux des pays voisins, il faut tenir compte de quatre éléments.
1 Le niveau des prix. Ce qui compte pour les salarié-e-s, c’est le pouvoir d’achat de leurs salaires. Or, à parité de pouvoir d’achat (en supposant un niveau des prix équivalent), le salaire moyen en Suisse s’établit à la 7e position européenne, derrière l’Angleterre, l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg, la Hollande et la Belgique. Il est de 14,1% inférieur à celui des Anglais-e-s et de 12,4% inférieur à celui des Allemand-e-s.
Du point de vue patronal, le niveau élevé des prix en Suisse, aggravé par un franc relativement fort, est souvent présenté comme un sérieux handicap à l’exportation. En réalité, le franc n’est pas surévalué par rapport à la zone euro, principale cliente de la Suisse, tandis que la faiblesse du billet vert contribue à alléger la facture en énergie, matières premières et produits semi-finis importés par la Suisse, souvent libellée en dollars. Enfin, la Suisse est spécialisée sur des types de produits de haute qualité pour lesquels le prix n’est pas l’argument concurrentiel décisif.
2 Le montant des cotisations sociales patronales. Il serait trompeur de ne comparer que le niveau des salaires directs, même à parité de pouvoir d’achat. En effet, le montant des cotisations sociales patronales pèse aussi directement sur les coûts du travail. Mais surtout, il détermine le volume et la qualité des prestations sociales garanties à la population. Or, sous ce rapport, la Suisse arrive en queue de peloton avec des charges sociales patronales correspondant à 13% du salaire moyen, contre 47% en Belgique, 45% en Suède et en France, 42% en Italie, 26% en Allemagne, 25% au Japon, 20% en Angleterre, et 16% aux Etats-Unis. Ces différences ont une incidence déterminante sur le niveau de vie des salarié-e-s les plus modestes : par ex., en Suisse, les primes d’assurance maladie représentent plus du quart du revenu net hors impôts des ménages les plus défavorisés !
3 Les charges fiscales des entreprises. Hormis les différences au niveau des salaires et des cotisations patronales (coûts du travail), les variations de la charge fiscale des entreprises a aussi un impact sur le niveau de vie des salarié-e-s. En effet, la redistribution sous forme de prestations sociales d’une partie des taxes prélevées sur le capital peut être considérée comme un complément au salaire. A ce niveau, la Suisse fait encore une fois figure de lanterne rouge du monde industrialisé, puisque la fiscalité y est parmi les plus favorables aux investisseurs et aux spéculateurs.
4 La productivité du travail. Ce qui importe le plus pour les patrons, ce sont les coûts unitaires salariaux (coûts du travail par unité produite). Or, ceux-ci ne sont pas seulement fonction des coûts du travail, mais dépendent tout autant de sa productivité. Ainsi, bien qu’aux Etats-Unis, les coûts du travail soient 32 fois supérieurs à ce qu’ils sont en Inde, les coûts unitaires salariaux y sont inférieurs de 7%, parce que la productivité y est 34 fois plus élevée ! Sous ce même rapport, les entreprises suisses disposent d’un avantage sur leurs concurrentes européennes : en effet, au cours de la dernière décennie, les coûts unitaires salariaux ont augmenté moins rapidement en Suisse qu’aux Etats-Unis - malgré l’affaiblissement relatif du dollar - et dans le reste de l’Europe.
Exiger un salaire minimum
Au cours de ces dernières années, la plupart des pays industrialisés ont connu un accroissement significatif des écarts salariaux et du nombre de working poor. En Suisse, les conséquences de ces évolutions ont été ressenties d’autant plus brutalement que les mécanismes de redistribution des revenus par le biais des assurances sociales et de l’impôt sont particulièrement limités. Ainsi, en 2002, l’Office fédéral de statistique révélait que la moitié des ménages disposait d’un « revenu d’équivalence » (revenu pondéré selon la taille du ménage, après déduction des impôts et des cotisations sociales obligatoires) inférieur ou égal à 2452 francs par mois !
Ceci a relancé le débat sur l’importance du salaire minimum. Dans les 25 pays de l’Union Européenne, 18 prévoient des salaires minimaux nationaux fixés par la loi. Cet objectif est même explicitement repris par plusieurs documents fondateurs de l’UE. Même les Etats-Unis, disposent d’un salaire minimum fédéral - très faible, il est vrai - majoré par certains Etats. Pour les quelques pays qui ignorent encore un salaire minimum interprofessionnel légal, comme l’Allemagne, l’Italie ou les pays scandinaves, des conventions collectives de travail couvrent la majorité des emplois. Elles contiennent aussi des dispositions précises en termes de salaires.
Pendant ce temps… le principe même du salaire minimum n’a toujours pas le moindre fondement dans la législation helvétique. De surcroît, les conventions collectives de travail couvrent moins de la moitié des travailleurs-euses, et la plus grande partie d’entre elles ne contiennent aucune disposition concernant les salaires. Résultat : la Suisse ne connaît pratiquement aucun mécanisme institutionnel pour faire face au dumping salarial. C’est pourquoi il est grand temps de se battre pour l’introduction de salaires minimaux en Suisse.
Jean Batou
Réponses à quelques questions concernant nos initiatives pour le droit à un salaire minimum
1 Pourquoi ne pas avoir indiqué le montant du « salaire minimum » dans l’initiative ?
• L’initiative vise à construire un rapport de forces pour fixer, dans un premier temps, le principe constitutionnel d’un salaire minimum qui garantisse des conditions de vies décentes. Imposer la reconnaissance de ce principe d’abord est à nos yeux la meilleure base pour discuter et faire adopter ensuite des lois d’application plus précises qui en fixeront le montant et les mécanismes de mise à jour en fonction de différents éléments, notamment le « coût de la vie ». A terme, la bataille lancée aujourd’hui dans plusieurs cantons (TI, VD, GE, VS, NE…) devrait aussi être relayée au niveau suisse par des mobilisations et une initiative fédérale…
2 Quel sera le montant du salaire minimum ?
• Comme l’indique le libellé de l’initiative, toute personne exerçant une activité salariée doit disposer d’un salaire lui garantissant des conditions de vie décentes. La déclaration universelle des Droits de l’Homme énonce le même principe depuis plus de 60 ans. Avec cette définition, le salaire minimum devrait se situer aux environs de 4000 Fr. bruts par mois. Aujourd’hui, 1 salarié-e sur 8 ne les gagne pas ! Et pourtant, un salaire inférieur ne permet pas de jouir de vivre dignement. Rappelons encore une fois que le montant du salaire minimum devra être fixé dans une loi d’application et que son niveau dépendra de la capacité de mobilisation des salarié-e-s et de leurs organisations au moment de la discussion de cette loi.
3 L’existence d’un « salaire minimum » ne risque-t-elle pas de tirer l’ensemble des salaires vers le bas ?
• Cette idée a été défendue longtemps par les syndicats allemands et par leurs cousins suisses. Mais les expériences d’autres pays ont montré que cela n’était pas le cas, bien au contraire : en Angleterre, après l’introduction du salaire minimum en 1999, la tendance a été l’inverse… C’est pourquoi, aujourd’hui, les syndicats allemands ont changé d’avis et réclament un salaire minimum légal. D’ailleurs, 18 pays de l’UE sur 25 disposent déjà un salaire minimum légal. Avec l’introduction d’un salaire minimum légal en Suisse, les syndicats seraient aussi encouragés à négocier des salaires minimaux dans les conventions collectives, ce qui n’est souvent pas le cas, et à prévoir des montants supérieurs au minimum légal.
4 Le salaire minimum concerne-t-il tous les gens quel que soit leur lieu de résidence ?
• Le salaire est lié au travail. Il rétribue une prestation et ne se préoccupe pas du lieu de domicile. Ainsi, tout travail sur le territoire du canton ou pour une de ses entreprises pourra prétendre à un salaire au moins égal au salaire minimum. C’est pourquoi, cette initiative concerne tous les salarié-e-s, autant les Suisses que les étrangers-ères, les résident-e-s que les frontaliers-ères, les travailleurs-euses « en règle » que les sans papiers… Elle permet à l’ensemble des salarié-e-s de combattre ensemble le dumping salarial.
5 Le salaire minimum a-t-il une influence quelconque pour le revenu des chômeurs-euses ?
• Comme son nom l’indique le salaire minimum concerne celles et ceux qui ont un emploi, puisqu’il s’agit d’un salaire. Cependant, il est clair que le salaire minimum aura aussi une influence sur les indemnités chômage qui sont calculées à partir du montant du salaire. Par ailleurs, il donnerait également des indications pour fixer des seuils décents pour les mesures cantonales en matière de chômage, comme les rétributions de l’économie « sociale et solidaire » et les autres revenus de réinsertion.
6 Et les gens qui sont dépendants de l’aide sociale ?
• Comme l’initiative le définit, tout-e salarié-e doit pouvoir jouir de conditions de vie décentes. Pour celles et ceux qui ne peuvent travailler ou qui ont épuisé leurs droits à des prestations de sécurité sociale, il devrait en être de même, par le biais d’un revenu minimum garanti. En fait, dans la majorité des cas, l’aide sociale est inférieure aux montants nécessaires à la couverture des besoins sociaux. Elle se cantonne à la satisfaction du strict minimum vital. Il est donc impératif de combattre la dynamique actuelle qui consiste à réduire les prestations d’aide sociale en défendant le principe d’un revenu minimum d’aide sociale qui permette de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Enfin, le premier effet, de l’introduction d’un salaire minimum garanti sera de faire sortir de l’aide sociale une fraction – certes limitée – des dossiers qui en dépendent aujourd’hui pour cause de bas salaire. et de permettre aux familles à faibles ressources de mieux « joindre les deux bouts ».
7 Si je gagne plus que le « salaire minimum », quel sera l’effet de l’introduction d’un salaire minimum sur mon salaire ?
• Dans l’immédiat aucun. Il faut cependant considérer que la présence d’un salaire minimum va entraver la sous-enchère salariale que pratique la majorité des entreprises. Or, cette sous-enchère affecte l’ensemble des salaires. Plus concrètement, si vous tombez au chômage, vous pouvez être contraint à accepter un emploi moins bien rétribué. Dans ce cas, le salaire minimum fixe une limite inférieure au dumping salarial. Enfin, la fixation d’un salaire minimum concerne aussi l’ensemble des contribuables, qui doivent actuellement financer des compléments d’aide sociale pour les working poor, en majorité des femmes, qui ne peuvent tourner avec le salaire dont ils-elles disposent. Est-il normal que nous subventionnions ainsi indirectement les entreprises qui sous-payent leur personnel ?
8 Quel salaire minimum pour les personnes qui travaillent à temps partiel ?
• Ce point doit être négocié dans les lois d’application. Le plus simple consiste à fixer le salaire minimum au pro rata du temps travaillé. Ainsi, un travail à 50% devrait être payé au minimum à 50% du salaire minimum d’un temps complet.
Jacques François
Le salaire minimum fait son chemin dans les cantons
Dans cinq cantons (Vaud, Neuchâtel, Genève, Tessin, Valais), la lutte pour l’instauration d’un salaire minimum gagne progressivement du terrain. Qu’elle ait été initiée par solidaritéS seul, comme à Genève ou par des alliances plus larges, ces batailles cantonales jettent des bases pour une mobilisation nationale indispensable. Ce numéro spécial de notre journal est l’occasion de faire le point sur l’avancement des projets dans ces cinq cantons.
Tessin. Le Mouvement pour le Socialisme tessinois a fait aboutir avec succès la première initiative pour un salaire minimum cantonal en septembre 2007. C’était une initiative législative, dont le texte fixait un montant de 4000 francs brut par mois. Malgré des risques d’invalidation non négligeables, pour des raisons juridiques, elle a permis de mener une campagne politique contre le dumping salarial et la mise en concurrence des salarié-e-s, thèmes instrumentalisés par la droite populiste (UDC, Lega). En réaffirmant que l’extension des droits des travailleurs-euses passe par une lutte commune de tous les salarié-e-s, quels que soient leur nationalité, leur statut ou leur lieu de résidence, cette initiative appelle à une mobilisation unitaire du monde du travail.
Actuellement discutée par le parlement cantonal tessinois, elle ne devrait pas être soumise au vote avant plusieurs mois, le délai légal maximal étant de 18 mois. Mais le gouvernement ne semble pas pressé de la soumettre aux électeurs-trices…
Hadrien Buclin
Vaud. Dans le Canton de Vaud, l’initiative pour l’inscription d’un droit à un salaire minimum garantissant des « conditions de vie décentes » dans la constitution cantonale a été déposée le 27 août dernier. Dans son argumentaire, elle défendait la fixation d’un salaire minimum de 3500 francs, 13 fois par an (soit 3800 francs sur 12 mois). Initiée par solidaritéS et le POP, elle a été soutenue par des syndicats (Comedia, SSP-Lausanne et environs, SUD, L’autre syndicat) et par ATTAC-Vaud.
Ce texte a bénéficié d’une excellente réception auprès de la population, ce qui a permis sans trop de peine à solidaritéS et au POP de récolter respectivement 6500 et 8200 signatures. En tout, 14 732 signatures ont été validées par la chancellerie, sur les 16 651 recueillies : 5434 à Lausanne (8.8% du corps électoral), 662 à Renens (8.9%), 464 à Vevey (5.7%) et 743 à Yverdon (5.4%).
L’écho reçu par cette initiative témoigne de l’exaspération populaire par rapport aux bas salaires qui ne permettent plus de vivre et à l’érosion du pouvoir d’achat. Il est de bon augure pour la future campagne de votations, qui s’annonce difficile, puisqu’il faudra faire face à la propagande de la droite et du patronat, qui saura faire bloc et mobiliser d’importantes ressources financières pour appeler à voter non.
Hadrien Buclin
Genève. A Genève, solidaritéS a lancé l’initiative pour le droit à un salaire minimum le 21 juin, trois mois plus tard, ce 22 septembre, notre mouvement déposait 12 300 signatures, soit près d’un quart de plus, que le seuil légal des 10 000 signatures nécessaires. Ces signatures ont été récoltées en trois mois seulement, un mois entier de moins que le délai légal. Ceci de manière entièrement militante, pas d’encarts dans la presse, pas de tous-ménages, pas de « tables vides » dans la rue, pas d’effet d’annonce médiatique... Même pas de carte-réponse dans le journal de solidaritéS ! Ainsi, cette récolte, représente vraiment un dialogue « sur le terrain » avec des milliers d’habitant-e-s du canton, sur ce sujet et les problèmes qu’il soulève...
Et le résutat atteste que l’initiative a « fait un tabac » à Genève, pour reprendre les termes des médias. Ce dépôt anticipé est bien sûr une « performance » remarquable attestant de la capacité militante de solidaritéS, mais aussi et surtout du très bon accueil reçu de la part de nos concitoyen-ne-s et de tous les salarié-e-s interpellés sur le terrain cet été.
Les signatures seront validées par le service des votations dans un délai de l’ordre de deux à quatre semaines et le Conseil d’Etat constatera l’aboutissement de l’initiative, qui doit être mise à l’ordre du jour du parlement dans les trois mois... C’est au plus tard 18 mois après le l’aboutissement de l’initiative, que le parlement devra se prononcer, pour qu’ensuite l’initiative soit soumise au vote populaire.
Pierre Vanek
Valais. En Valais, c’est la Gauche alternative valaisanne (GAV) qui est à l’initiative. Elle vient tout juste d’engager la bataille pour un salaire minimum légal de 3500 francs brut 13 fois par an. A noter que l’initiative valaisanne fixe aussi des conditions précises pour les salaires des apprenti-e-s, en pourcentage du salaire minimum, pourcentage qui croît en fonction du nombre d’années d’apprentissage. La Gauche alternative valaisanne a fait le choix de ne pas s’engager dans la campagne pour les élections communales qui actuellement bat son plein en Valais, afin de se consacrer la tlotalité de ses forces dans la récolte de signatures pour cette initiative.
Hadrien Buclin
Neuchâtel. Pour assurer aux salarié-e-s vivant dans le canton de Neuchâtel le droit à un salaire minimum, solidaritéS a déposé un projet de décret au Parlement portant modification à la constitution cantonale. La commission législative (majoritairement « à gauche ») se prononcera sur l’entrée en matière sur celui-ci le 28 novembre prochain.
Le parlement en débattra dans un deuxième temps. Si la proposition est acceptée, elle sera soumise au peuple (un vote obligatoire, puisqu’il s’agit d’une modification de la constitution). Si les opposant-e-s devaient l’emporter, il resterait la possibilité de lancer une initiative cantonale. En cas d’acceptation de cette modification de la constitution par le corps électoral, une loi d’application devrait encore être élaborée.
Marianne Ebel