Un an après son lancement ultramédiatisé, le Grenelle de l’environnement se traduit par une proposition de loi devant être adoptée en octobre. Le cours des événements, et en particulier les péripéties autour de la loi OGM, finalement en faveur des semenciers, avait fini par dessiller les yeux de bon nombre d’écologistes sur les prétendues vertus d’un sarkozysme vert. Le texte de loi Grenelle 1 le confirme.
Lamentable écologie gouvernementale que celle qui se chamaille sur la taxe pique-nique et la fiscalité verte, alors que le logement, les transports, l’énergie ou l’aménagement du territoire nécessitent des mesures d’ampleur, en rupture avec le modèle actuel de développement fondé sur l’utilisation massive des énergies fossiles et du nucléaire. Les promesses les plus ambitieuses du Grenelle ont été réduites comme peau de chagrin car, bien souvent, aucun budget conséquent n’a été prévu pour les financer.
Dès lors, comment envisager un plan de rénovation et de construction de logements avec de hautes qualités environnementales ? Faut-il faire reposer la responsabilité des travaux et des budgets sur les propriétaires individuels et les locataires ? Comment prévoir le transfert de la route vers le rail, quand le plan fret de la SNCF ferme 260 gares et que les 80 projets autoroutiers actuels correspondent à une augmentation de 40 % des capacités autoroutières de la France ? Faut-il attendre les catastrophes climatiques pour envisager une mutation, une décarbonisation, de l’économie ? Comment envisager un développement massif et harmonieux des énergies renouvelables, si aucun service public rénové n’est là pour assurer la nécessaire planification des investissements et des installations ?
À ces questions, le gouvernement n’apporte aucune réponse. Rien d’étonnant à cela, puisqu’elles entrent en contradiction avec la nature même du capitalisme, fondé sur le gaspillage, la course à la consommation et le mépris des équilibres naturels. Les prochaines mobilisations, notamment en faveur de la justice face aux changements climatiques, doivent mettre en lumière la responsabilité de ce système, dont le Grenelle n’est finalement qu’un avatar.
Vincent Gay
* Paru dans Rouge n° 2267, 25/09/2008 (Editorial).
Comment les riches détruisent la planète
Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 148 pages, 14 euros.
Paru il y a déjà un an et demi, ce livre écrit par le spécialiste de l’environnement du Monde est court, clair et stimulant. Il décrit d’abord l’accélération des dérèglements écologiques, puis il montre comment la classe des capitalistes bloque tout changement réel. Là où la plupart des auteurs en vue en restent aux appels au bon sens des puissants au nom des intérêts communs de l’humanité, il met en cause « la secte des hyperriches », leurs revenus inouïs et leur mode de consommation aussi extravagant que somptuaire.
Cette « oligarchie prédatrice » diffuse, dans la classe bourgeoise et de proche en proche jusqu’au bas de la société, un désir d’imitation qui déclenche un torrent de gaspillage, et aussi une frustration généralisée, de plus en plus insupportable à mesure que l’on rejoint la masse en expansion des pauvres. Pour aller vers la « décroissance matérielle », il faut d’abord réduire la consommation et donc le revenu des riches.
Mais ils ne se laisseront pas faire et s’organisent déjà pour défendre leurs privilèges, car « le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie ». Les vingt pages de description du renforcement de l’arsenal répressif des États ne sont pas les moins impressionnantes. Le réveil du mouvement social depuis Seattle en 1999, le refus de l’invasion de l’Irak en 2003, le « non » au traité constitutionnel européen en 2005 incitent cependant l’auteur à l’optimisme.
Pierre Vandevoorde
* Paru dans Rouge n° 2260, 10/07/2008 (Les essais de la semaine).