Comment l’Europe et la France ont-ils pu négliger leurs relations commerciales et politiques avec l’Inde pendant si longtemps ? Ce regret a plané tout au long du sommet consacré aux relations entre l’inde et l’union européenne, organisé à marseille, lundi 29 septembre.
Avant de recevoir le premier ministre indien Manmohan Singh, à Paris, mardi, pour une rencontre bilatérale dont il espèrait beaucoup, le président français, Nicolas Sarkozy, a tenté au cours du sommet, de rattraper le temps perdu.
Pour ce faire, la rencontre de Marseille, à laquelle ont pris part le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et Javier Solana, chef de la diplomatie de l’UE, devait permettre de récolter les premiers fruits du soutien actif apporté à l’Inde, depuis un an, par l’Europe et la France dans le domaine du nucléaire civil. Le statut dérogatoire accordé, le 6 septembre, à l’Inde par le groupe de fournisseurs nucléaire (NSG), doit beaucoup à l’intense lobbying des Américains, secondés par les Français.
« Je pense que ce sommet marquera un temps fort des relations entre l’Europe et l’Inde et l’affirmation d’une relation stratégique », a assuré M. Sarkozy au terme d’une courte rencontre aux résultats modestes mais prometteurs. Les deux parties ont convenu « d’accélérer les négociations en vue de conclure, d’ici à 2009, un accord de libre échange » qui permettra, selon M. Singh, également ravi de cette rencontre, d’atteindre « les 100 milliards d’euros » de biens et de services échangés. Ils sont aujourd’hui de 60 milliards d’euros.
De quoi corriger un paradoxe. L’Europe est le premier partenaire économique de l’Inde, devant la Chine et les Etats-Unis. Mais l’Inde n’arrive qu’à la neuvième place des investisseurs étrangers sur le marché européen. De plus, Bruxelles dénonce parfois les pratiques fiscales indiennes à l’encontre des produits européens. Le 22 septembre, la Commission a ouvert une procédure contre l’Inde auprès de l’OMC pour des taxes préjudiciables aux vins et spiritueux européens.
Le sommet de Marseille a entériné le rapprochement des entreprises européennes et indiennes en décidant la création, en Inde, d’un centre d’affaires et de technologie européen. L’Europe est perçue par le patronat indien comme une terre d’investissements très diverse à la différence des Etats-Unis où l’Inde investit à 90 % dans le domaine des technologies. Les entrepreneurs indiens s’intéressent de près aux PME françaises, présentées comme sous-capitalisées. Les étudiants indiens pourront venir en plus grand nombre sur le territoire européen où ils ne sont que 15 000, contre 80 000 aux Etats-Unis.
M. Barroso s’est, enfin, réjoui de l’accord trouvé entre l’Europe et l’Inde précisant à la fois les relations de New Delhi avec Euratom, la communauté européenne de l’énergie atomique, et les modalités de sa participation au projet du réacteur expérimental Iter, à Cadarache, près de Marseille.
Dans un demi sourire, le premier ministre indien n’a pas caché que cette coopération était essentielle à l’avenir des relations avec son pays : « L’Inde cherche à coopérer avec tous les pays du monde pour développer le nucléaire civil ». Et l’Inde assure qu’elle ne sera pas ingrate. « Les Indiens nous sont extrêmement reconnaissants d’avoir fait le tour des capitales étrangères avec les Américains pour décrocher le feu vert des instances internationales, ils rejoignent la cour des grands », commente l’un des conseillers de M. Sarkozy. De plus, si l’Europe n’a jamais parlé d’une seule voix sur le nucléaire indien, les puissances européennes se sont prononcées, à titre individuel pour l’entrée de l’Inde dans ce cercle restreint.
Une proximité qui permet déjà à l’Inde et l’Europe, fortes de « valeurs démocratiques communes », de parler d’une seule voix. « Nous exprimons notre profonde préoccupation sur la question nucléaire iranienne et appelons ce pays à prendre toutes les mesures pour restaurer la confiance dans la nature de son programme nucléaire », ont ainsi déclaré, de concert, MM. Singh et Sarkozy lors de leur conférence de presse commune.
Symbole de ces nouvelles alliances diplomatico-commerciales, le groupe nucléaire français Areva et le géant américain General Electric ont annoncé, lundi, leur alliance dans le domaine des matériels et systèmes de transmission et distribution d’électricité. L’Elysée ajoutait le même jour qu’un accord cadre de coopération pourrait être signé, mardi, « ou dans les jours qui suivent » dans le nucléaire civil, ce qui ouvrirait la voie à la fourniture de réacteurs EPR par Areva.
Lundi, Greenpeace et l’association Sortir du nucléaire ont dénoncé « ces transactions injustifiables mettant en péril l’avenir de la planète et pousse l’Inde dans une impasse ».