TOKYO CORRESPONDANT
Le plus populaire ex-premier ministre japonais des deux dernières décennies quitte définitivement la scène politique. Il ne se représentera pas aux prochaines - et imminentes - élections législatives. Un départ qui marque, pour la vie politique japonaise, la fin d’une époque : celle de la vague réformiste.
Porté aux nues par la presse néolibérale anglo-saxonne comme « l’homme qui a changé le Japon », Junichiro Koizumi (66 ans) se retire au moment où sa politique, qui a aggravé les disparités sociales et régionales, est critiquée au sein de son propre parti (libéral démocrate, PLD) et est remise en cause par le nouveau premier ministre, Taro Aso. Selon Yoshiro Mori, cacique du PLD, « les démérites du mandat de M. Koizumi l’emportent sur les mérites ». « Sa politique a affaibli les faibles et balayé le sentiment de sécurité dans l’opinion », estime Akira Shinoda, maire (indépendant) de Niigata, grand port sur la mer du Japon, recevant un groupe de journalistes étrangers dont celui du Monde. Sur fond de crise financière, le credo du capitalisme sans entrave, perçu au Japon avec réserve, n’a guère bonne presse.
Populiste, affectionnant les formules à l’emporte-pièce, le fringant Koizumi, qui accéda au pouvoir en 2001, secoua l’opinion abattue par le marasme économique et financier de l’époque. Télégénique avec un côté jazzy et sa crinière permanentée, il enraya le naufrage du PLD en lui permettant de reconquérir une majorité des deux tiers à la Chambre basse. Le rideau était tombé en 2006 sur ce que la presse nippone avait baptisé le « théâtre Koizumi » : un style politique visant à constamment électrifier l’opinion.
PROAMÉRICANISME SANS FAILLE
D’un proaméricanisme sans faille, M. Koizumi a engagé le Japon dans la guerre en Irak et en Afghanistan et, par ses visites intempestives au sanctuaire Yasukuni, où sont honorés, parmi les morts pour la patrie, des criminels de guerre, il a envenimé les relations avec la Chine et la Corée.
Son retrait de la scène rend orphelins les « Koizumi children » : une quarantaine de jeunes parlementaires propulsés à l’attaque des caciques du PLD. Désormais sans mentor, ils devront se trouver un grand arbre à l’ombre duquel s’abriter. Yuriko Koike, candidate au poste de premier ministre, en a déjà fait l’expérience : soutenue par M. Koizumi, elle n’a reçu aucun soutien des délégués régionaux du PLD.
Le réformiste Koizumi, qui avait promis de casser le « vieux PLD » et ses réseaux d’intérêts, n’en dédaigne pas les pratiques : il entend passer le flambeau - le fief électoral familial depuis trois générations - à son fils de 27 ans.