Contribution des Amis de la Terre – septembre 2008
Le contexte
Le groupe pétrolier français Total est présent en Birmanie depuis 1992 et l’ouverture (très relative) de l’économie du pays aux investissements étrangers, après les sanctions internationales qui ont suivi les événements tragiques de 1988 et l’absence de prise en compte par la junte des résultats des élections de 1990, pourtant massivement remportées par l’opposition démocratique. Il y exploite le gisement gazier offshore Yadana en tant qu’opérateur et partenaire principal (avec plus de 31 % des parts), dans le cadre du contrat qui le lie, entre autres, aux militaires birmans. Cette présence est très loin d’être stratégique pour le groupe qui n’y a produit en 2007 que 0,7 % de sa production mondiale d’hydrocarbures, et que les réserves de gaz en Birmanie sont faibles.
Depuis la Révolution Safran de septembre 2007, Total persévère à nier l’évidence
Très critiquée depuis plus de quinze ans par les ONG du monde entier, la présence de Total en Birmanie a de nouveau été pointée du doigt en 2007. Malgré les discours schizophrènes des dirigeants du groupe, qui jouent à la fois la carte de l’entreprise « citoyenne » et de l’irresponsabilité juridique selon leurs intérêts, cette présence, qui constitue un soutien financier indispensable pour la junte, reste moralement inadmissible. Depuis les événements de 2007, l’attitude de Total n’a d’ailleurs fait que renforcer cet état de fait :
– Alors que le Directeur général du groupe Christophe de Margerie admettait dans une interview au journal le Monde en octobre 2007 que le projet Yadana rapportait 350 millions d’euros par an à la junte, il n’a finalement parlé « que » de 125 millions d’euros en mai 2008 lors de l’assemblée générale annuelle du groupe. Un tel manque de transparence ne peut qu’alimenter les soupçons quant à l’ampleur de la contribution réelle du groupe au budget de la junte, alors que la quasi-totalité de la population birmane survit dans la misère.
– Contrairement à ce que le groupe a annoncé dans les jours suivants le cyclone Nargis en mai 2008, qui a résulté en une véritable catastrophe humanitaire, il n’a pas mis à disposition ses hélicoptères pour venir en aide aux sinistrés et aux ONG, la filiale locale craignant de passer aux yeux de la junte pour complice d’un quelconque « interventionnisme » dans les affaires intérieures d’un pays qui figure parmi les plus fermés au monde.
– Alors que le Président de la République française avait demandé officiellement à Total en octobre 2007 de cesser tout nouvel investissement en Birmanie, les ONG ont appris quelques mois plus tard que le groupe s’apprêtait à installer une nouvelle plate-forme de compression sur les infrastructures d’exploitation du gisement Yadana. Interrogé à ce sujet, le groupe a répondu qu’il en s’agissait pas d’un investissement « nouveau », mais prévu de longue date. Outre que cette information est invérifiable, elle constitue dans tous les cas une véritable provocation, en contradiction flagrante avec les engagements du Directeur général du groupe.
– Enfin, contrairement à ce que le Directeur général de Total a répété plusieurs fois, l’opposition démocratique birmane en exil a officiellement maintenu et renouvelé sa demande au groupe de quitter la Birmanie en octobre 2007, en tant que premier soutien financier de la junte.
Les Amis de la Terre, Info Birmanie et la FIDH renouvellent donc leurs demandes au groupe Total de cesser ses activités en Birmanie, et à la communauté internationale de décider de sanctions économiques ciblées sur le secteur du gaz en Birmanie. Cette dernière demande concerne notamment l’Union européenne, dans le cadre de sa position commune sur la Birmanie. De plus, contrairement à l’idée véhiculée entre autres par Total, une telle mesure n’aurait aucune conséquence négative sur la population civile birmane, et n’aboutirait pas non plus forcément au remplacement du groupe par un autre partenaire encore moins soucieux de l’éthique pour de multiples raisons.
Pour aller plus loin :
Les Amis de la Terre « TOTAL aggrave son cas » (chapitre II.4 sur la Birmanie) :
http://www.amisdelaterre.org/Rapport-Total-la-mise-en-examen.html