De notre correspondant à Shanghaï
Oubliez les armées d’ouvriers bon marché : la Chine est désormais en proie à une révolution, celle de l’intelligence. Shanghaï en est tout à la fois le chantier, et le champ de bataille. C’est la plus spectaculaire des transformations du pays : on y construit des hectares de centres de recherche, de laboratoires et de parcs scientifiques. Microsoft, Novartis, ST Microelectronics, IBM… ? En à peine une année, ils y ont tous installé des centres de recherche et développement (R & D) où des centaines de cerveaux chinois vont réfléchir – certains le font déjà – à de nouvelles applications pour leurs produits. Les « nouveaux campus » de trois des grandes universités de Shanghaï sont occupés par près de 100 000 personnes.
Et il n’y a pas que les forts en maths : comme peu de multinationales ont résisté à la tentation de déplacer à Shanghaï leur quartier général asiatique, on s’y arrache les managers de talent. Les uns reviennent de l’étranger bardés de diplômes, les autres, plutôt que de s’exiler, se servent sur place dans le grand bazar de l’offre éducative venu s’installer sous leurs fenêtres : la Chine est le marché de l’éducation qui connaît l’expansion la plus rapide au monde.
Pour déterminer sa stratégie de début de carrière, Peng Minjia a ainsi eu l’embarras du choix. Avec ses longs cheveux noirs et son minois ravissant, celle-ci cache son jeu de surdouée des mathématiques. Fille d’un professeur de géographie du Hunan, au cœur de la Chine méridionale, parti s’employer dans le privé à Shenzhen, près de Canton, elle adore les chiffres depuis qu’elle est toute petite. Elle a remporté assez de concours de maths pour que l’université Tongji, à Shanghaï, l’une des plus prestigieuses de Chine pour les sciences et la technologie, l’ait pressentie avant même qu’elle ne réussisse le gaokao, l’examen national d’entrée à l’université.
Loin de sa campagne natale, elle s’est épanouie sur ce campus bigarré, où chaque faculté a été dessinée par un architecte différent, et a découvert que les prétendants académiques à son intelligence sont nombreux. Elle a d’abord examiné les possibilités de bourse qui s’offrent à elle aux Etats-Unis, en Allemagne, et en Italie – mais dans ces trois cas, il lui faudrait se destiner à la recherche. Or Minjia ne se voit pas prisonnière d’un laboratoire : « Je voulais quelque chose de plus pratique », dit-elle. Elle a découvert sur Internet que Paritech, un groupement d’écoles d’ingénieurs françaises, propose à Tongji un « master en prévention des risques industriels ». Intéressée, elle s’est portée candidate et a été choisie parmi sept postulants pour une bourse proposée par Arkema, société française de chimie implantée en Chine. Celle-ci va débourser 20 000 euros pour financer le séjour de l’étudiante chinoise à l’Ecole des mines de Paris (ENSMP) et ses stages.
Dans ce mariage de raison du temps de la globalisation, l’employeur français trouve son compte. « Notre structure se développe très vite en Chine et a besoin de gens qui savent travailler, constate Sabine de Villoutreys, la directrice des ressources humaines d’Arkema Chine. Il y a en France des ingénieurs chinois très brillants, mais leurs références de salaires sont en euros. Malgré nos besoins très spécialisés, on ne peut pas payer nos ingénieurs au-dessus des standards locaux. Notre stratégie est de ’localiser’ le personnel : on remplace les ingénieurs français par des ingénieurs locaux. Donc on sélectionne quelqu’un comme Minjia au départ de Chine, et on finance ses études dans le cadre d’un accord de formation ».
SUPERCAMPUS
Cette stratégie de recrutement des ingénieurs chinois en amont est toute nouvelle pour les entreprises. Son apparition illustre les convoitises que suscite la « matière grise » chinoise : on se l’arrache de toutes parts. Pressée par des coûts qui explosent, la Chine s’est engagée dans une formidable mise à jour technologique de son appareil de production. Le Japon ou Taïwan l’ont fait avant elle, mais pas aussi vite. Il n’y a qu’à voir le rythme avec lequel affluent à Shanghaï les investissements en neurones : au Zizhu Science Park, le dernier-né des cinq parcs high-tech de la ville, Steven Sun, vice-président de la chambre de commerce de Zizhu, fait le compte des sociétés étrangères venues s’installer depuis son ouverture en 2003 : presque soixante, pour déjà 3,5 milliards de dollars d’investissements. « 80 % des entreprises sont là pour faire de la recherche. Il y a très peu de fabrication ici », assure M. Sun. Actuellement en pleins travaux, le centre de R & D de Microsoft, qui doit accueillir 1 000 chercheurs, ouvrira fin 2008. Une centaine de laboratoires chinois d’Etat ont également élu domicile dans la zone.
Lové dans un coude du fleuve Huangpu, au sud de la ville, avec ses buildings de verre et d’acier et ses aménagements écologiques dernier cri (un golf, une forêt, des canaux : un paysagiste espagnol a dessiné l’ensemble), Zizhu est un parc de nouvelle génération, imaginé de telle sorte que les laboratoires ont à portée de main une réserve considérable de « cerveaux ». Les nouveaux supercampus de l’université Jiaotong et East China Normal University (ECNU) s’y font face, de part et d’autre de la grande avenue rectiligne qui fend le parc en deux. Ils accueillent à eux deux quelque 70 000 étudiants en science et technologie. Le japonais Omron, spécialiste des senseurs, s’est précisément installé à Zizhu pour puiser dans ce vivier en y externalisant sa recherche. Moins de dix employés de son centre de R & D à Zizhu sont permanents, et le reste, une centaine, est constitué des équipes d’étudiants et de professeurs recrutées dans les universités.
ans notre stratégie de développement, le gouvernement construit un théâtre. Les entreprises y montent la mise en scène et les universités fournissent les acteurs« , résume Steven Sun. Cette chorégraphie très volontariste, séduisante sur papier, est bien sûr encore loin d’être aussi harmonieuse que la partition le prévoit. »Il y a un problème de communication entre les entreprises et les facultés. Les premières veulent des résultats rapides, et des profits. Les universités ont du mal à s’entendre avec elles. Et puis il y a de la bureaucratie. Aux Etats-Unis, ce type de coopération existe depuis longtemps, ici c’est tout nouveau", estime Gao. Ce doctorant en micro-électronique à Jiaotong envisage de s’expatrier plutôt que de s’employer à Zizhu, où les compétences requises ne sont pas celles de plus haut niveau.
Cette question d’ajustement de l’offre et de la demande se pose en permanence dans ce gigantesque chantier du savoir lancé par la Chine pour rattraper l’Occident, avec plus ou moins de pertinence. « Les Chinois savent créer des infrastructures mais restent démunis au niveau des ressources humaines. La méthode pour attirer des gens n’est pas au point : les dirigeants ont une vision claire des choses, mais les courroies de transmission patinent », avance l’immunologiste français Bertrand Favreau.
Arrivé à Shanghaï il y a deux ans comme coordinateur d’un programme d’échange de chercheurs entre l’université de Compiègne et celle de Shanghaï, il a choisi, au terme de sa mission, de rester en Chine. « L’université de Shanghaï m’a proposé un contrat chinois, avec un budget qui me permet de couvrir les frais généraux et de recruter deux chercheurs. Les Chinois attendent d’un étranger comme moi que je fasse venir des gens, que je les ouvre à l’international », explique-t-il, dans le bureau où sont entreposées ses caisses de matériel, sur le nouveau campus de l’université de Shanghaï (encore un !), tout au nord de la ville. Son laboratoire sera hébergé dans un édifice tout juste construit destiné aux biotechnologies, à une centaine de mètres du campus. Déçu par le cloisonnement qui, en France, sépare l’université du monde de l’entreprise, Bertrand Favreau se sent grisé par cette aventure chinoise où tout est à faire. Il a convaincu la faculté de signer un protocole d’accord, le premier du genre, avec une start-up chinoise qui cherche à se développer dans les nouvelles molécules et est prête à financer une partie des recherches. « C’est la Chine, ils ont 300 employés pour l’instant, sont cotés au Nasdaq, disent qu’ils seront 1 000 dans un an ! Ils ont l’argent, mais manquent de savoir-faire. C’est pour ça que je peux exister et être utile », affirme le chercheur.
Dans La Terre est plate (éditions Saint-Simon, 2006), le journaliste américain Thomas Friedman décrit un monde globalisé dans lequel l’intelligence circule aussi librement que les capitaux ou les marchandises. Ce best-seller mondial est particulièrement apprécié des cadres chinois les plus éclairés – et ses leçons ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. La Chine, qui a nivelé le relief industriel classique en produisant à bas prix, déboule comme un chien dans un jeu de quilles dans les industries de la matière grise – jusque dans le domaine du logiciel, symbole par excellence du leadership technologique américain : « Très peu de gens se rendent compte combien la Chine a investi dans le développement de programmes informatiques : comme c’est en chinois, on en est moins conscient que pour l’Inde, où tout est en anglais. Mais vous pouvez être sûr que dans quelques années va émerger en Chine un distributeur indépendant majeur de logiciels », explique Pierre Haren, le fondateur et président d’Ilog, numéro trois du secteur en France.
Cet ancien directeur de recherches à Sophia Antipolis, la technopole niçoise, inaugurait, il y a quelques mois à Shanghaï, un siège flambant neuf de quatre étages pour ses activités chinoises, dans une nouvelle zone dédiée aux industries du logiciel du parc Zhangjiang Gaoke (gaoke signifie high-tech). On est sur la vaste plaine qui s’étend au sud-est de Shanghaï vers une mer grise sillonnée de porte-conteneurs, à une station de métro du Maglev, le train à lévitation magnétique qui vous emmène, en sept minutes et à plus de 400 km/h, à l’aéroport international de Pudong. La « rue » dans laquelle est installé Ilog est bordée de nouveaux bâtiments à divers stades d’achèvement. Plus loin, on reconnaît le sigle de SAP, l’éditeur allemand de progiciels, qui a déjà installé ici l’un de ses cinq « focus labs » – centres de R & D spécialisés – au monde.
Ilog, qui propose à ses clients des logiciels et services pour améliorer les prises de décision et gérer des environnements en changement, rassemble dans sa nouvelle base de Pudong quelque 60 salariés chinois : « C’est de plus en plus difficile de recruter dans le monde de bons mathématiciens pour la programmation. Les jeunes en Occident craignent de plus en plus la concurrence de Chinois ou d’Indiens bon marché. L’avantage au niveau des coûts ne va pas forcément durer : par exemple, si le yuan se renchérit, les coûts s’élèveront. Mais ici, nous avons 100 réponses pour chacune de nos offres d’emploi », poursuit Pierre Haren.
CAPITAL D’INTELLIGENCE
Ce n’est pas He Jifeng qui dira le contraire : ce professeur réputé de l’ECNU, grand monsieur au visage sculpté, mi-mandarin, mi-gentleman britannique – il a passé quinze ans à Oxford, au Royaume-Uni –, dirige le Software Engineering Institute de l’ECNU. Il estime que si 20 % du PIB de Shanghaï provient désormais des technologies de l’information, c’est grâce à la progression spectaculaire de l’éducation en Chine. « Rendez-vous compte qu’en Chine le nombre d’étudiants a été multiplié par deux en cinq ans. Peu de pays dans l’histoire ont connu un tel bond. Quand vous avez de plus en plus de jeunes gens éduqués, vous vous retrouvez avec de plus grandes capacités en personnel qualifié. C’est un important capital d’intelligence », dit-il. Quelque 5,6 millions d’étudiants chinois ont été diplômés en 2008, contre un million il y a dix ans.
Cette « mise à jour » intellectuelle est indissociable d’un autre mouvement : l’envoi d’étudiants chinois à l’étranger. En 1978, le dirigeant réformateur Deng Xiaoping avait surpris son entourage quand il proposa d’en envoyer des dizaines de milliers – et non quelques dizaines comme l’imaginaient les apparatchiks soucieux de pureté idéologique. Depuis, 1,2 million de Chinois sont partis étudier à l’étranger. 144 000 l’ont fait rien qu’en 2007 – à leurs frais pour 80 % d’entre eux. Les Chinois représentaient ainsi plus de 26 % des doctorats d’ingénierie et de sciences attribués aux Etats-Unis en 2006 – soit le premier groupe national non américain et plus du double des Indiens, davantage présents dans les autres filières.
Cette migration des cerveaux, là aussi l’une des plus prodigieuses de l’histoire moderne, a longtemps laissé croire que la Chine accusait un « déficit » en intelligence : les statistiques officielles montrent en effet que seul le quart de ces « cerveaux » est revenu en Chine. Avec l’avènement de la globalisation, l’équation n’est plus si simple : elle doit intégrer de multiples composantes, et la Chine est loin d’y être perdante. « On ne parle plus de migration des cerveaux, mais de circulation des cerveaux, avec beaucoup d’allers et retours. Au départ, ceux qui ne revenaient pas étaient considérés comme des traîtres . Ensuite, vous avez eu toutes sortes d’incitations au retour, mises en place par les autorités, comme à Shanghaï : on offre des bourses pour les scientifiques, des avantages matériels. C’est encore vrai, mais le ton a aussi complètement changé : le gouvernement dit : Restez à l’étranger si vous voulez, grâce à vos réseaux sur place, vous êtes pour nous des atouts là-bas », explique Shen Wei, un Shanghaïen qui enseigne à l’ESSCA, l’une des écoles de commerce d’Angers, et rédige sa thèse de doctorat pour l’université de Loughborough, au Royaume-Uni, sur les hai gui – les « tortues de mer », comme on appelle en Chine ceux qui « reviennent d’outre-mer ».
SIRÈNES DE LA MÈRE PATRIE
La nouvelle passion des multinationales pour les cerveaux chinois attire désormais des pointures : ainsi, En Li, un Shanghaïen docteur en biologie du MIT (Massachusetts Institute of Technology), est-il revenu diriger le nouvel Institut Novartis pour la recherche biomédicale tout juste créé à Shanghaï. D’autres retournent en Chine faire fortune : Shi Zhengrong, Pdg de Suntech Power, est parti en Australie en 1988 avec une bourse. Il y obtint son doctorat sous la direction d’un spécialiste de l’énergie solaire, avant de revenir presque par hasard, en Chine, en 2000, mettre en pratique ses connaissances : c’est aujourd’hui le roi de la cellule photovoltaïque et la septième fortune de Chine. Isabelle Shi, une biologiste partie à Grenoble faire sa thèse en 1989, avec son mari chimiste, est revenue monter une start-up dans l’un des 35 incubateurs de Shanghaï, où elle a mis au point un procédé d’application du carbonate de calcium qui rend le papier plus blanc et plus facilement imprimable. Partie d’un bureau avec une comptable, elle emploie aujourd’hui 60 chercheurs, et près de 600 ouvriers dans quatre usines. « On a travaillé jour et nuit. Il ne suffit pas de rentrer de l’étranger : beaucoup ne réussissent pas, car la concurrence est féroce. Mais le rythme de développement est tel en Chine qu’il y a plein d’opportunités quand on trouve la bonne niche », nous assure-t-elle.
Ces cadences qui s’accélèrent ont fait évoluer les comportements : « Le citoyen-consommateur chinois est de plus en plus mature, il sait qu’il a le choix. L’obtention d’un passeport n’est plus aussi déterminante qu’avant : ils sont nombreux à préférer garder leur nationalité chinoise. Beaucoup veulent partir à l’étranger pour un temps court, car ils craignent de rater des occasions en Chine. D’autres se demandent même pourquoi partir, car ils peuvent obtenir en Chine leur MBA, que toutes sortes d’institutions étrangères offrent », poursuit Shen Wei, le spécialiste des hai gui.
Avec la globalisation de l’offre éducative, des campus entiers délocalisent en Chine : l’université de Nottingham a ouvert un campus à Ningbo, en joint-venture avec un opérateur privé. Près de 3 000 étudiants y sont inscrits. Celle de Liverpool a fait de même à Suzhou. Tous deux sont à moins de 100 km de Shanghaï. Une formule dont la pertinence reste toutefois à prouver. « Les étudiants chinois qui en ont le niveau préféreront toujours une grande université chinoise, qui leur permettra d’ailleurs de partir ensuite à l’étranger, à une université étrangère en Chine », estime un spécialiste de l’éducation.
Pour ceux qui se sont installés de longues années à l’étranger, les sirènes de la mère patrie sont d’autant plus séduisantes que le « rêve américain » – ou australien, ou français – a perdu, à l’épreuve du temps, de ses couleurs. « Les étudiants chinois partis faire leur vie depuis plus de dix ans à l’étranger se mettent à douter. Ils ont un peu de nostalgie et, surtout, se rendent compte que ceux qui étaient restés en Chine font plus d’argent qu’eux. On reçoit sans arrêt des courriels, des coups de fil de Chinois à l’étranger qui disent : Voilà, j’ai vendu ma maison, ma voiture, je suis prêt à revenir », rapporte George Li, directeur de Bole, un cabinet de chasseurs de têtes qui s’est fait une spécialité de dénicher les meilleurs gestionnaires chinois pour multinationales. George Li estime que son cabinet a accumulé une connaissance très fine de ce segment : souvent, il coiffe au poteau les filiales locales des « Top 5 » du recrutement international. A Shanghaï, ils sont près de 2 000 à faire profession de chasseurs de têtes – 200 « sérieux », d’après M. Li, et une foule de francs-tireurs cherchant à réussir un coup sur ce marché hypermobile, où les cadres chinois les plus cotés changent d’employeur tous les un ou deux ans : « Un client vient de m’appeler pour me dire : George, on a encore perdu notre directeur général ! C’est pas toi qui nous l’as pris ? En tout cas, veinard, c’est bon pour tes affaires… », sourit George Li, de son bureau qui domine le parc de la place du Peuple, au 25e étage du Lippo Plazza.
Lui qui fit partie de la dernière vague de jeunes envoyés à la campagne à la fin de la Révolution culturelle, et a bâti tout seul son « rêve chinois » à Shanghaï (grande villa, vaste jardin et berger allemand…) sans jamais quitter la Chine, arpente virtuellement la planète en quête du bon spécimen parmi les « tortues de mer » tentées par le retour au bercail. « Mais attention, on préfère ceux qui ont fait leurs preuves, qui ont dû se battre à l’étranger. Depuis peu, on trouve beaucoup de jeunes de familles riches – les parents leur ont payé des études à l’étranger, leur ont offert un appartement en Chine – mais ils ont rarement de bonnes capacités de survie et abandonnent à la moindre difficulté », ajoute le chasseur de têtes. Cette clientèle fortunée, ou naïve, fait les beaux jours de toutes sortes de marchands d’éducation : écoles et facs étrangères – en premier lieu britanniques – qui vendent aux plus offrants (et souvent aux moins bons élèves) des séjours et diplômes pas toujours bien cotés. Mais la guerre des cerveaux est impitoyable : les « rapatriés » qui sont revenus trop vite, manquent d’expérience ou de relations, restent en rade sur le marché de l’emploi : les Chinois leur ont trouvé un nom, les hai dai, c’est-à-dire les « algues ».
DES SALAIRES EN HAUSSE
L’échelle des salaires est extrêmement variable en Chine selon les qualifications de la personne, son âge, son expérience et sa nationalité. Le coût prohibitif des expatriations profite aux locaux qui sont passés par l’étranger.
« On raisonne de moins en moins en termes de local et d’ expatrié . Les salaires des dirigeants locaux ont dû augmenter de manière spectaculaire : de plus en plus de gens sont bien éduqués, intégrés au marché et ont eu une expérience à l’étranger. Il est très fréquent que les managers chinois reçoivent des allocations logement – de 30 % au départ, puis de 15 à 20 %. En fait, ça leur sert à payer le prêt de l’appartement qu’ils ont acheté », explique Jie Tang. Cette manager de choc de l’industrie du cosmétique a obtenu un MBA à HEC il y a sept ans pour « élargir ses horizons ». Elle a jugé qu’elle trouverait plus facilement du travail en Chine qu’en France. Rentrée à Shanghaï, elle est passée par Givenchy, puis Sephora, avant de rejoindre le groupe hongkongais Dickson. Selon le chasseur de têtes George Li, ce sont les jeunes cadres intermédiaires de bon niveau qui sont les plus durs à dénicher : « Ceux qui ont de 3 à 5 ans d’expérience, un très bon anglais et des diplômes, gagnent facilement de 1 500 à 2 000 euros par mois, contre de 500 à 800 euros par mois en moyenne. »
LA MATIÈRE GRISE CHINOISE EN CHIFFRES
Nombre de diplômés en Chine
1,8 million en 1998.
4,13 millions en 2006.
5,59 millions en 2008.
L’expansion de l’éducation supérieure est jugée trop rapide par les autorités, qui souhaitent restreindre l’augmentation du nombre annuel d’étudiants, selon la presse chinoise : 60 % des nouveaux diplômés auraient des difficultés à trouver un emploi.
Départs à l’étranger
144 000 Chinois sont partis étudier à l’étranger en 2007.
44 000 chinois ayant étudié à l’étranger sont revenus en Chine en 2007.
1,21 million de Chinois ont étudié à l’étranger entre 1978 et 2007.
319 700 sont revenus en Chine.
657 200 étudiants chinois sont inscrits dans des universités à l’étranger en 2008.
source : ministère chinois de l’éducation