L’ÉPIDÉMIE de sida prend de l’ampleur et une nouvelle tournure en Chine, selon les statistiques officielles, indique une équipe sino-américaine, jeudi 2 octobre, dans l’hebdomadaire britannique Nature. Jusque-là surtout cantonnée à des groupes particuliers - usagers de drogues par voie intraveineuse et donneurs de sang dans certaines zones rurales -, elle se répand parmi les hommes ayant des rapports homosexuels et les prostituées.
Les autorités chinoises ont recensé 700 000 contaminations depuis l’apparition de l’épidémie dans le pays au milieu des années 1980. Entre 4 et 7 Chinois sur 10 000 étaient porteurs du virus du sida (VIH) à la fin 2007, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à 2006, rappellent Linqi Zhang (Centre de recherche sur le sida de l’Académie chinoise des sciences médicales, Beijing) et ses collègues.
Les relations hétérosexuelles représentent 38 % des causes de contamination, contre 11 % en 2005. La proportion de femmes infectées a doublé au cours de la dernière décennie et 90 % d’entre elles ont entre 15 et 44 ans, ce qui laisse présager de nombreux cas de transmission de mère à enfant.
Les contaminations par des rapports homosexuels passent de 0,4 % en 2005 à 3,3 % en 2007. A l’inverse, la part de la transmission du virus chez les toxicomanes diminue. L’épicentre de l’épidémie est la province du Yunnan, dans le sud de la Chine. La hausse graduelle que connaissait la province de 1989 à 2003 a laissé la place à une augmentation brutale en 2004, avec plus de 13 000 nouveaux cas d’infection par le VIH.
CHIFFRES SUJETS À CAUTION
Les chiffres officiels en Chine ont toujours été sujets à caution : ils se situeraient bien en deçà de la réalité. Le système décourage la transparence. Ainsi, la province du Henan, au centre d’un scandale du commerce de sang à la fin des années 1990, continue de tout faire pour minimiser l’ampleur de la contamination.
Au Sichuan ou à Chengdu, Médecins du monde, qui a mis en place depuis 2006 un programme d’échange de seringues, a constaté une progression spectaculaire des visites dans ses deux centres : « Nous sommes passés de 100 patients au début, à 1 500. En un mois, nous distribuons désormais 40 000 kits de seringues, contre 1 800 au début », constate Cyril Poulopoulos, le coordinateur de Médecins du monde à Chengdu.
« Cette population est largement méconnue, pour ne pas dire cachée. Pour le test VIH, l’accès à la méthadone, nous devons transférer vers d’autres services. Mais il y a encore des barrières », poursuit-il. Les toxicomanes sont souvent découragés par les procédures. Dans les centres de désintoxication, les pensionnaires sont testés, mais on ne les en informe pas. Dans les hôpitaux, tout est payant. Le Centre de prévention des maladies propose des tests gratuits, mais les gens s’y sentent mal traités. Tout cela rend la progression du VIH plus difficile à cerner.