« Ils [les trois juges du TAP] ont estimé sans motivation qu’il y avait lieu de révoquer la semi-liberté », a déclaré Me Jean-Louis Chalanset.
« Pourtant, Jean-Marc Rouillan leur a expliqué clairement le pourquoi de l’interview. Il a déclaré également que, pour la première fois de sa vie, il annonçait dans cette interview qu’il voulait faire de la politique légalement [au NPA d’Olivier Besancenot], et c’est pour cela qu’il retourne en prison », a ajouté Me Chalanset.
« Pour Jean-Marc Rouillan, c’est une lettre de cachet destinée à l’empêcher de faire de la politique. »
Jean-Marc Rouillan paye donc au prix lourd ses déclarations à L’Express du 2 octobre, interprétées comme un refus d’exprimer des regrets sur ses actes passés, notamment les deux complicités d’assassinat pour lesquels il a été condamné à perpétuité, avec dix-huit ans de sûreté.
« Je n’ai pas le droit de m’exprimer là-dessus, indiquait Jean-Marc Rouillan. Mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique. »
Ces déclarations « ont profondément troublé l’ordre public », selon le juge d’application des peines, qui avait, dans un premier temps, provisoirement suspendu sa semi-liberté dès le lendemain de leur publication, afin « d’éviter tout nouveau contact avec les médias ».
Pour le parquet, Jean-Marc Rouillan a « enfreint une des obligations qui pesaient sur lui, celle de s’abstenir de toute intervention publique relative aux infractions pour lesquelles il a été condamné ».
Cet après-midi, le TAP a siégé à la prison des Baumettes, et a donné gain de cause au Parquet, qui réclamait la révocation du régime d’aménagement de peine. Rouillan se retrouve à nouveau en prison 24h sur 24.
Depuis décembre dernier, après vingt ans en détention, il sortait la journée, en semaine, pour travailler comme éditeur aux éditions Agone, puis dormait le soir et le week-end en cellule.
Pour son avocat, il n’y avait pourtant « pas d’infraction ». « Il a commenté le silence qui lui était imposé, affirmait Me Chalanset. Ensuite, il y a eu une interprétation, une déformation. » Et un emballement médiatique, alors que l’exigence de repentir, « non mentionnée dans l’arrêt de semi-liberté », ne constitue pas « une notion juridique, mais morale et théologique ».
« Il a simplement commenté une interdiction, et rien n’interdisait de commenter une interdiction », explique l’avocat.
Le TAP en a décidé autrement.
« C’est dramatique pour lui », affirme Me Chalanset, qui va faire appel.
Mais son espoir d’obtenir une libération conditionnelle en décembre s’éteint : « Il faut, auparavant, avoir fait un an en semi-liberté », rappelle l’avocat.
M.H.
* Paru sur le site Internet de Libération.
Le comité de soutien à Rouillan dénonce « l’acharnement » de la justice
SOCIÉTÉ. Le collectif de soutien aux prisonniers d’Action Directe (AD) installe ses banderoles devant le Palais de justice de Toulouse, sous les yeux d’une escouade de CRS de permanence.
Comme dans une vingtaine de villes en France, ils sont venus, ce mercredi après-midi, demander la libération de Jean-Marc Rouillan dont le régime de semi-liberté a été suspendu le 2 octobre à la suite d’une interview de sa personne parue le jour même dans l’Express.
Le cofondateur d’AD y expliquait les raisons de son adhésion au Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Il s’y exprimait aussi sur ses éventuels regrets quant à l’assassinat du patron de Renault Georges Besse. Sa réponse, jugée contraire à l’obligation de se taire sur les faits pour lesquels il a été condamné, lui a valu un retour immédiat à la prison des Baumettes à Marseille.
L’affaire sera jugée sur le fond demain jeudi 16 octobre. En attendant, le collectif de soutien à Rouillan dénonce « un prétexte pour le remettre en taule ».
« C’est lamentable. On cherche la moindre occasion pour le briser », explique Marie. Thomas a connu « Jean-Marc » à la fin des années 70 : « Il a fait vingt ans de prison dont plusieurs années à l’isolement total. Il a purgé sa peine », dit-il.
« On agite l’épouvantail Rouillan. Pendant ce temps, on oublie le reste », renchérit Mathieu qui se demande « si ce n’est pas une manip pour déstabiliser le Nouveau Parti Anticapitaliste au moment où la crise financière démontre qu’il faut se débarrasser des financiers qui se gavent sans vergogne ».
Par la voix de Myriam Martin, le comité d’animation du NPA juge lui aussi que « l’acharnement sur Rouillan est une façon de s’en prendre » à ce parti.
De son côté, le comité de soutien insiste sur le fait que deux anciens d’AD toujours incarcérés, Régis Schleicher et Georges Cipriani, sont « en attente d’une remise en semi-liberté ».
J-M.E
* Paru sur le site Internet de Libération Toulouse.
Acharnement judiciaire
Communiqué LCR
La LCR proteste contre la décision de maintenir en prison Jean-Marc Rouillan qui avait pourtant bénéficié d’un régime de semi-liberté. Ayant accompli sa peine, Rouillan a utilisé son droit de citoyen pour s’exprimer dans l’Express. Pour pouvoir le réincarcérer le juge a du se livrer à un exercice d’interprétation.
La LCR, qui a toujours condamné sans hésitation les méthodes et la politique du groupe Action Directe, exige que Rouillan puisse retrouver la liberté et puisse bénéficier des droits de tout prisonnier bénéficiant d’un régime de semi-liberté.
Montreuil, le 16 Octobre 2008
Jean-Marc Rouillan retourne en prison
Jean-Marc Rouillan, cofondateur du groupe armé d’extrême gauche Action directe, a vu son régime de semi-liberté révoqué par le tribunal d’application des peines qui siégait à la prison des Baumettes à Marseille, jeudi 16 octobre. « C’est une décision judiciaire qui masque une décision politique. C’est une lettre de cachet », a déclaré son avocat, Me Jean-Louis Chalanset, qui a par ailleurs annoncé son intention de faire appel.
Au lendemain de la diffusion d’une interview controversée à L’Express, son régime d’aménagement de peine avait été suspendu le 2 octobre par le juge d’application des peines, dans l’attente de l’audience sur le fond. Dans son entretien, Jean-Marc Rouillan, laissait entendre qu’il ne nourrissait aucun regret pour l’assassinat du patron de Renault, Georges Besse, le 17 novembre 1986. « Je n’ai pas le droit de m’exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse. Car il est évident que, si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique ».
« Comme leur a dit Jean-Marc Rouillan, c’est la première fois de sa vie qu’il donne une interview où il estime qu’il y a lieu de s’engager dans un parti politique légaliste, et c’est pour cela qu’il retourne en prison », a déclaré jeudi Me Chalanset. Condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 18 ans, pour les assassinats du PDG de Renault, Georges Besse, en 1986, et de l’ingénieur général de l’armement René Audran, en 1985, Jean-Marc Rouillan, 55 ans, avait bénéficié d’un régime de semi-liberté en décembre 2007, après vingt ans de prison. Dans ce cadre, il travaillait pour l’éditeur marseillais Agone la journée, mais passait ses nuits et fins de semaine à la prison des Baumettes.
LEMONDE.FR avec AFP | 16.10.08 | 17h31 • Mis à jour le 16.10.08 | 19h58