De notre correspondant à New Delhi.
Environ 30 000 écoles catholiques ont fermé leurs portes, vendredi, à travers toute l’Inde, pour protester contre la flambée de violences antichrétiennes qui secouent depuis le début de la semaine l’Etat d’Orissa, dans l’est du pays. Au moins treize personnes ont été tuées et des centaines de maisons et d’églises incendiées dans cette région reculée.
Terrorisés, des milliers de villageois ont fui leurs habitations pour se réfugier dans les forêts environnantes ou devant les commissariats, de peur d’être pris pour cible par des foules d’hindous déchaînés. D’après les autorités locales, près de 5 000 personnes auraient également trouvé un abri précaire dans des camps de réfugiés improvisés à la hâte.
« Reconversion ». C’est l’assassinat de Swami Laxmanananda Saraswati, un dignitaire local hindou, il y a une semaine, qui a provoqué le début des violences. Bien que la police ait attribué l’attaque à la guérilla maoïste, très active dans la région, les partisans du leader hindou s’en sont immédiatement pris à la minorité chrétienne. Swami Laxmanananda était connu pour sa campagne de « reconversion » des chrétiens - d’origine tribale ou intouchable - à l’hindouisme, un sujet qui fait depuis longtemps l’objet de vives tensions entre les deux communautés dans cette région. Bien que les chrétiens ne représentent que 2,3 % des 1,1 milliard d’Indiens, ils constituent en Orissa 20 % de la population, notamment en raison des conversions opérées par les missionnaires au sein des populations tribales. Les hindous les accusent de duper, voire d’acheter les plus démunis pour qu’ils embrassent le christianisme. Les chrétiens rétorquent que les candidats se convertissent volontairement afin d’échapper à la discrimination du système des castes.
Les partisans de Swami Laxmanananda sont persuadés que des chrétiens ont perpétré son assassinat. Lundi dernier, les nationalistes hindous ont appelé à un mouvement de protestation. Depuis, malgré le déploiement de milliers de policiers et l’imposition d’un couvre-feu total dans une dizaine de villes, les affrontements n’ont cessé de s’étendre. Vendredi, ce couvre-feu a cependant été suspendu pendant dix heures, les autorités locales affirmant que la situation était désormais « sous contrôle ». Les informations précises en provenance de cette zone difficile d’accès sont cependant rares, d’autant que les émeutiers hindous ont par endroit bloqué les routes.
« La violence dans les villes semble être terminée, mais les villages sont toujours sous la menace de nouvelles attaques car les forces de sécurité y sont rares », affirmait vendredi le révérend P.R. Paricha, président du Conseil chrétien de l’Inde pour l’Orissa, réclamant une « intervention militaire ». Le pape Benoît XVI avait lui-même condamné les violences « avec fermeté », mercredi. De son côté, le ministère italien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur indien à Rome dès lundi. Le Premier ministre, Manmohan Singh, a pour sa part évoqué une « honte nationale ».
Brûlé vif. Ces violences interconfessionnelles ne sont pas nouvelles en Orissa : en 1999, des extrémistes hindous avaient brûlé vif un pasteur australien et ses deux fils de 8 et 10 ans dans leur voiture. Le soir de Noël, l’année dernière, une dizaine d’églises avaient été attaquées dans le district de Kandhamal, là même où ont éclaté les violences des derniers jours.