Les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP), chargés de faire toute la lumière sur l’affaire d’espionnage d’Olivier Besancenot, qui a fait l’objet de filatures et dont les comptes bancaires ont été épluchés, s’intéressent à une association d’anciens policiers baptisée Perspective 21.
Née en 1996 à l’initiative de retraités de la police judiciaire (PJ), cette amicale réservée aux seuls officiers, transformée en association en 2007, se présente comme un lieu de convivialité mais aussi un réseau d’entraide à la reconversion dans le secteur privé. Parmi ses 120 membres revendiqués, on trouve ainsi 60 % d’actifs, employés dans le domaine de la sécurité des entreprises ou des agents privés de renseignement - des détectives privés. Deux des responsables de son bureau ont par ailleurs une activité militante reconnue, à l’UMP, dans les Hauts-de-Seine.
Son président, Guy Le Grandic, est lui-même un ancien de la brigade financière. Mais n’entre pas qui veut : pour faire partie de Perspective 21, hormis la modique somme de 30 euros, il faut être parrainé. En juillet 2008, dans le magazine Le Trait d’union, du syndicat de police Synergie-officiers, l’association insistait sur son utilité « en l’absence de toute assistance ou aide publique dans le domaine de la reconversion ».
DEUX POLICIERS MIS EN EXAMEN MEMBRES DE L’ASSOCIATION
En y regardant de plus près, il apparait que Gérard Dussaucy, patron d’une petite société d’intelligence économique, soupçonné d’être l’auteur du rapport de surveillance, mis en examen le 16 octobre en même temps que le commanditaire présumé, Antoine di Zazzo, patron de Taser France, était le vice-président de Perspective 21. Intrigués, les policiers de la BRDP ont découvert qu’au moins un des deux autres policiers mis en examen pour les mêmes motifs, « violation du secret professionnel », « divulgation de données confidentielles » et « accès frauduleux » à des fichiers, Gilles P., retraité, faisait lui aussi partie de l’association.
Le nom de Gérard Dussaucy, ancien policier de la PJ et des renseignements généraux, a en tous cas prestement disparu de la liste des membres du bureau de Perspective 21 établie depuis l’assemblée générale du 14 janvier et disponible sur son site Internet : en face du poste de vice-président, on ne trouve plus qu’un blanc. A la sortie de sa garde à vue, le 17 octobre, le détective privé, présenté comme un « historique » de l’association, a démissionné sur un simple coup de téléphone à la direction. Qui n’a pas cru bon devoir informer ses adhérents de la nouvelle et se dit abasourdie.
« Pour nous, Gérard, c’est une caution morale », assure Yves Peuziat, secrétaire de Perspective 21, un ancien de la PJ passé par les cabinets de Claude Guéant et Michel Gaudin à la direction générale de la police nationale. « Maintenant, ajoute-t-il, on sait bien que le métier d’agent privé de renseignement peut amener à des situations telles que celle-là... » Aujourd’hui dans le privé, ce responsable se refuse à commenter l’implication d’un deuxième membre de l’association dans l’espionnage d’Olivier Besancenot. Les enquêteurs, qui n’ont pas mis au jour encore toute la chaîne de « sous-traitants » ayant participé à l’enquête sur le leader de la LCR, devront déterminer si l’amicale a servi de cadre à un réseau.
Isabelle Mandraud
* LE MONDE | 28.10.08 | 09h01 • Mis à jour le 28.10.08 | 09h49
Taser-France perd une première manche contre ses détracteurs
Sale temps pour SMP Technologies, le distributeur français du Taser, le pistolet à impulsion électrique qui équipe policiers et gendarmes. Moins de deux semaines après la mise en examen de son patron, Antoine di Zazzo, soupçonné d’avoir commandité l’espionnage d’Olivier Besancenot, un des détracteurs du Taser. SMP Technologies vient de subir un revers dans l’une des multiples procédures qu’elle a initiées en justice contre ses contradicteurs.
Gégène. L’importateur français du pistolet à impulsions électriques a en effet été débouté de l’action en « dénigrement » qu’il avait engagée devant le tribunal de Paris contre le Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme (Raid-H). Au printemps 2007, cette association avait mis en ligne sur son site Internet un texte intitulé « Taser, dernière gégène au pays des droits de l’homme ? » dans lequel il était écrit que « l’usage du Taser présente un risque très important pour la santé et la vie des personnes » et que cette « arme […] peut avoir des conséquences mortelles tout en laissant croire qu’elle est inoffensive ». L’importateur français du Taser poursuivait également l’association pour avoir diffusé un flyer intitulé « Electrochoc », appelant à une soirée anti-Taser le 21 avril 2007. On pouvait y voir un robot tenant un pistolet Taser et arborant sur son torse une cible, dans laquelle était dessiné le corps d’un homme mort.
Jugée « irrecevable à agir en dénigrement de marque », puisqu’elle ne détient « aucun droit sur la marque Taser », déposée aux Etats-Unis en 2003, SMP Technologies a en outre été déboutée de son action en « dénigrement de produit ». Alors qu’elle réclamait 50 000 euros de dommages et intérêts, c’est à elle qu’il reviendra de verser 2 000 euros au titre des frais de justice. En dépit des « formules choc utilisées », l’association Raid-H, qui œuvre « dans un but d’intérêt général et de santé publique, à l’occasion d’un débat qui dépasse les frontières nationales », n’a pas « abusé de la liberté d’expression », a jugé le tribunal, soulignant le caractère bien « documenté » de ses propos. Lors de l’audience du 15 septembre, l’association avait rappelé les avertissements émis contre le Taser par Amnesty International et le comité de l’ONU contre la torture. L’avocate de SMP Technologies, Me Florence Gladel, avait regretté que l’association ne puisse fournir « aucune preuve médicale ou scientifique » pour étayer ses critiques.
Décharge. Hier après-midi, Raid-H ne cachait pas sa satisfaction. « Nous accueillons très positivement ce jugement en faveur de la liberté d’expression qui va nous permettre de poursuivre notre campagne pour la régulation de cette arme qui administre une décharge de 50 000 volts », indiquait Fabrice Ferrier. Le porte-parole s’interrogeait également sur « ces entreprises qui saisissent la justice pour tuer un débat public en attaquant des mouvements sociaux. Ce sera l’objet de notre prochaine campagne. »
D’autres décisions judiciaires sont attendues dans le débat sur le fait que le Taser soit une arme létale ou non. Le 20 octobre, cette question a été au centre du procès opposant Olivier Besancenot et SMP Technologies. L’importateur du Taser reproche au dirigeant trotskiste d’avoir affirmé, en 2007, que ce pistolet à impulsions électriques aurait « probablement déjà fait taire plus de 150 personnes aux Etats-Unis » , des chiffres tirés d’un rapport d’Amnesty International. Olivier Besancenot a confirmé ses allégations devant les magistrats après avoir souhaité que ce procès serve « au moins à obtenir le moratoire nécessaire », « le temps de déterminer si cette arme est ou non dangereuse ». Le jugement est attendu le 24 novembre.
JACKY DURAND
* Libération du 28 octobre 2008.
Taser France débouté après sa plainte pour « dénigrement »
La société Taser France, qui depuis des mois multiplie les procédures à l’encontre des détracteurs du Taser, a subi, lundi 27 octobre, son premier revers en justice, face au Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme (RAID-H).
SMP Technologies, qui distribue en France le pistolet électrique, avait attaqué l’association RAID-H, lui reprochant d’avoir, en avril 2007, « dénigré » la marque et le nom commercial Taser, sur son site Internet. L’association qualifiait notamment le Taser de « dernière gégène au pays des droits de l’homme » et diffusait un flyer intitulé « Electrochoc », appelant à une soirée anti-Taser le 21 avril 2007.
Jugée « irrecevable à agir en dénigrement de marque », puisqu’elle ne détient « aucun droit sur la marque Taser », déposée aux Etats-Unis en 2003, SMP Technologies a en outre été déboutée de son action en « dénigrement de produit ». Alors qu’elle réclamait 50 000 euros de dommages et intérêts, c’est à elle qu’il reviendra de verser 2 000 euros à l’association au titre des frais de justice.
Cette décision est la première rendue par la justice concernant Taser France. Deux autres sont attendues : la société a également assigné en diffamation Olivier Besancenot et l’hebdomadaire L’Express.
* LEMONDE.FR avec AFP | 27.10.08 | 15h56 • Mis à jour le 28.10.08 | 09h22.