Parlement européen
Chers amis,
Pour préparer notre réunion du 29 octobre prochain, à Sao Paulo, je voudrais revenir ici de façon plus précise sur la question que j’ai abordée lors du Conseil international du FSM à Bangkok.
Le Forum parlementaire mondial (FPM) a, bien évidemment, avant tout été organisé au Brésil. Mais, depuis le début, au Parlement européen, nous nous sommes beaucoup investis en ce domaine, ainsi que sur la construction du Réseau parlementaire international (RPI). Cette année-ci, le pôle européen de ce Réseau parlementaire prend effectivement forme. Il a initié une déclaration internationale sur les enjeux de la conférence de Johannesburg (Rio + 10) et il fait actuellement de même sur les négociations ouvertes dans l’OMC concernant les services (l’AGCS). Ces deux déclarations ont été diffusées ou vont l’être sur la liste e-mail que nous avons créé pour le réseau parlementaire et ses pôles régionaux.
Les 28 et 29 novembre prochains, une réunion à Bruxelles avec des parlementaires nationaux permettra d’avancer dans l’organisation du réseau à l’échelle européenne et dans la définition de ses activités.
Nous nous trouvons donc à un moment charnière. Le troisième FPM doit consolider le travail accompli dans la mise en route du Réseau parlementaire, lui donner une envergure véritablement internationale et impulser des activités pour l’année 2003. Sinon, nous risquons de perdre le bénéfice de ce qui a déjà été accompli.
Or, compte tenu des élections brésiliennes, nous n’avons pas pu dialoguer comme il l’aurait fallu avec nos partenaires parlementaires brésiliens et nous n’avons encore jamais eu vraiment l’occasion de discuter de nos projets avec vous, le secrétariat du FSM (ce qui est probablement une erreur). Le temps presse maintenant. Et il semble qu’il reste beaucoup de choses à clarifier quant à la conception même du Forum parlementaire et de son lien au Forum social. Sinon, nous risquons de nous rendre compte, en novembre ou décembre, que nous préparons chacun de notre côté le FPM de façon très différente.
La délégation européenne avait été très satisfaite du premier Forum parlementaire mondial, en 2001. Ce n’a pas été le cas pour le second, en 2002. Des problèmes d’ordre différents se sont posés. La question politique de la guerre d’Afghanistan. Des questions d’organisation : nous avons, notamment, dû consacrer beaucoup de temps à résoudre la « crise afghane » et la distribution des projets de résolutions a été très tardive. La nature des débats en plénières a aussi déçu : une ennuyeuse succession de monologues. Le second FPM a été un succès numérique, mais un avertissement politique.
Le troisième FPM doit être conçu différemment et nous pensons combiner travail en ateliers et en réunions plénières, préparation d’un calendrier d’activités et réels débats politiques, etc. Nous avons commencé à faire des propositions en ce sens. Mais il apparaît nécessaire de clarifier la conception même du Forum parlementaire.
Disons pour simplifier que deux conceptions fondamentales sont possibles. Dans le vocabulaire d’aujourd’hui : privilégier « l’événement » ou le « processus ».
Bien entendu, une réunion du FPM sera toujours un « événement », notamment dans le pays d’accueil. Mais nous partons du « processus », c’est-à-dire ici de la construction et de l’animation dans la durée du Réseau parlementaire international. C’est pour nous l’objectif premier : constituer un réseau capable de prendre des initiatives et de poursuivre une activité permanente tant sur le terrain législatif qu’en lien avec les campagnes de la société civile, en solidarité avec les mouvements sociaux. C’est, pensons-nous, l’esprit et la lettre de la résolution adoptée au premier Forum parlementaire mondial, qui initiait la constitution du Réseau dans une perspective militante. L’esprit et la lettre, aussi, de résolution adoptée au second forum, sur le fonctionnement du réseau.
Dans cette optique, le Forum parlementaire doit évoluer. Il doit exprimer de plus en plus la réalité et les perspectives du réseau. Il doit tendre à devenir, en quelque sorte, une assemblée mondiale du réseau. Ouverte certes, mais qui affiche clairement des ambitions militantes (choix de campagnes, définition d’un calendrier annuel d’activités, affirmation d’un lien solidaire avec la société civile et les mouvements sociaux). Il devrait aussi être capable d’assumer sur des questions d’actualité des débats, des échanges clairs, quitte à ne pas conclure quand des divergences sont trop manifestes.
Dans cette optique, toujours, le lien entre le Forum parlementaire et le Forum social doit être préservé. Le Forum social est évidemment « premier », et le Forum parlementaire « second ». Le FPM n’existe que parce que le FSM s’est créé ; le Forum parlementaire s’est réuni « au sein » du Forum social... Mais ce lien entre Forum parlementaire et Forum social fait partie de l’identité même du réseau parlementaire tel qu’il a été initié lors des deux premiers FPM.
Or, le lien politique (et symbolique) implique un lien physique. Ne serait-ce que pour des raisons pratiques. On ne peut pas espérer que des parlementaires vont pouvoir rester 10 jours ou plus à Porto Alegre. Si le Forum parlementaire se tient plusieurs jours avant le Forum social, il y aura des députés qui iront au premier mais ne resteront pas au second et d’autres (les plus engagés) qui laisseront tomber le premier au profit du second. Bien rares seront celles et ceux qui feront le lien entre les deux.
Si le Forum parlementaire est détaché du Forum social, il va se vider de sa substance militante et se réduire à « l’événement » médiatique, au détriment du « processus » militant : il ne sera plus l’occasion de renforcer le Réseau parlementaire international et sa capacité d’action dans la durée. Il perdrait alors beaucoup de son intérêt à nos yeux. Et sans l’appui de « l’événement » FPM, nous risquerions d’échouer dans la construction du RPI.
Dans la lignée des résolutions adoptées lors des deux premiers FPM, nous soulignons donc le lien directe qui existe entre le Forum parlementaire mondial et la construction du Réseau parlementaire international, ainsi que le lien solidaire entre ce réseau et les combats de la société civile, des mouvements sociaux.
Pour résumer, à nos yeux :
1. L’objectif est la construction du Réseau parlementaire international agissant dans la durée sur le terrain parlementaire et en lien avec la société civile, en solidarité avec les mouvements sociaux. Après avoir initié le RPI (en 2001) puis avoir discuté de son mode d’organisation par pôles régionaux (en 2002), le Forum parlementaire mondial doit évoluer pour répondre mieux aux besoins et activités du réseau. Il doit devenir le forum du réseau.
2. Nous sommes dans une phase de transition. Les décisions de principes concernant le réseau ont été prises en 2001 et 2002. Le pôle européen du réseau prend forme et a commencé à agir. Ces activités ont un répondant international (voir la Déclaration Rio + 10). Mais le secrétariat international ne fonctionne pas encore et les autres pôles régionaux sont largement virtuels. En Amérique latine, il s’agit pour l’essentiel d’impulsion initiale : les parlementaires sont connus et se sont rencontrés à Porto Alegre. Dans les autres parties du monde, il faudra probablement encore du temps pour constituer des pôles régionaux. Le prochain Forum parlementaire doit aider à « internationaliser » le réseau et ses pôles régionaux.
3. Le prochain Forum parlementaire peut et doit commencer à refléter l’acivité et les perspectives du réseau. Pour cela, il ne suffit plus d’adopter quelques résolutions sur des questions d’acutalité. Le forum doit aussi consacrer une partie notable du temps a discuter (en atelier et plénières) d’initiatives, de campagnes et d’un calendrier pour 2003. Il faut, par ailleurs, repenser les débats politiques sur les questions d’actualité pour éviter la succession des monologues et permettre de véritables échanges.
4. Le RPI, réseau progressiste de parlementaires, a pour originalité sa volonté de tisser des liens solidaires avec la société civile et les mouvements sociaux. Il souhaite articuler son action parlementaire avec leurs combats, favoriser des convergences. En conséquence, le Forum parlementaire ne doit pas être déconnecté du Forum social mondial. C’est pourquoi nous apprécions la formule utilisée en 2001 et 2002 : il se réunit « en son sein ». Ce qui implique évidemment que le FPM et le RPI acceptent l’esprit de la Charte des principes du FSM, ne portent pas atteinte à se visibilité et respectent dans les faits l’autenticité de l’espace « société civile » ouvert par le forum social.
Une fois ces questions fondamentales clarifiées, beaucoup reste évidemment à discuter. Nous devons notamment répondre à deux exigences en partie contradictoires : réunir le FPM « au sein » du FSM et laisser le temps aux élus de s’immerger dans le FSM, de sortir de la « bulle » parlementaire. Plusieurs possibilités sont envisagées. Nous pensons par exemple à tenir le FPM la veille de l’ouverture du FSM, le jour de l’ouverture et l’après-midi du second jour, en alternant des travaux en ateliers (centrés sur des campagnes et le calendrier d’activités) et des débats en plénières (synthèses des ateliers et grandes questions d’actualité). Ou tenter des formules plus originales.
L’ordre du jour du FPM découlerait pour une part de cette conception de base. Il refléterait notamment les campagnes en cours (par exemple, l’AGCS) et tiendrait compte tant du calendrier d’activités « parlementaires » que de celui de la société civile. Il permettrait un débat avec la société civile sur l’articulation des initiatives réciproques (c’est déjà le cas en Europe avec l’AGCS, précisément). Et des débats entre parlementaires sur les questions d’actualité, conclus ou pas par le vote de résolutions.
Nous apporterons des propositions en ce qui concerne l’ordre du jour possible du prochain FPM à notre réunion de Sao Paulo. Mais il nous semble important de commencer par clarifier ce que nous attendons au fond du Forum parlementaire, en relation avec la construction du Réseau international.
Nous pensons aussi que la réunion de Sao Paulo doit nous permettre de faire le point, après les élections brésiliennes, pour envisager les problèmes auxquels nous pouvons avoir à nous préparer, et pour localiser les dynamiques sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.
Enfin, nous espérons que cette réunion nous permettra de voir comment préparer ensemble et au mieux Porto Alegre-3, dès le mois de novembre. Il nous restera en effet très peu de temps pour ce faire ! La date du FPM n’étant pas encore fixé, nous ne pouvons même pas lancer les invitations. Nous avons besoin d’interlocuteurs brésiliens !
Si vous avez des questions qui mériteraient d’être posées avant notre rencontre, n’hésitez pas à nous écrire.
En espérant que cette missive vous sera utile...
En solidarité,