Enfin ! La politique de destruction de l’Éducation nationale a provoqué une réaction à la mesure de l’attaque. Après l’absence de mobilisation à la rentrée et une grève manquée, le 7 octobre (pas unitaire et peu claire sur les objectifs), il était temps ! C’est bien ce que pensaient les 80 000 manifestants qui ont battu le pavé parisien, le dimanche 19 octobre, de la place d’Italie à celle de la Bastille. Il s’agit sans nul doute de la plus forte démonstration dans l’Éducation depuis 2003 : les parents d’élèves et les étudiants s’y sont associés. Les mots d’ordre attestaient qu’il ne s’agissait pas là d’une protestation rituelle, mais bien du début d’une mobilisation.
La détermination des manifestants est à la mesure des attaques subies. Dans le premier degré, la suppression des Rased (instituteurs chargés d’aller dans les classes aider les élèves qui en ont besoin) est un scandale, alors que le ministère parle d’aider les élèves en difficulté ! Les provocations de Darcos, estimant qu’il n’est pas utile d’avoir bac + 5 pour changer les couches en maternelle, donnent la mesure de l’agression mise en œuvre contre le service public d’éducation. Dans le second degré, la contre-réforme du lycée laisse apparaître une volonté de réduire considérablement l’offre éducative : en seconde, il est question de retirer les sciences et l’économie des enseignements fondamentaux ; en première, l’histoire-géographie ! Les déclarations contradictoires se multiplient à ce sujet, le ministère cherchant à embrouiller le plus longtemps possible l’opinion publique.
Les inquiétudes des personnels se sont donc exprimées fortement le 19 octobre. Mais chacun sait que cette manifestation ne peut suffire à faire reculer un pouvoir aussi déterminé. Les organisations syndicales devaient se réunir le mercredi 22 octobre. Pour le Snes, « cette mobilisation ne restera donc pas sans suite ». Très bien, mais encore convient-il de dire très vite que la suite sera, dès la rentrée des vacances de la Toussaint, une grève unitaire de toute l’Éducation nationale, et non une grève de simple protestation. L’arrêt de travail indispensable doit prendre place dans un plan de mobilisation pour gagner. Il convient de lancer un ultimatum à ce gouvernement, en le mettant sous la pression d’un nouvel arrêt de travail si rien ne bouge et sous la menace d’un blocage du système éducatif. C’est un mouvement d’ampleur qu’il faut préparer, avec les jeunes et leurs parents, un mouvement aussi déterminé à défendre le service public que ce gouvernement est acharné à le détruire.
Robert Noirel
* Paru dans Rouge n° 2271, 23/10/2008.
Succès de la grève parisienne du 16 octobre
La grève parisienne, jeudi 16 octobre, a été suivie par 60 % des enseignants du premier degré et jusqu’à 80 % dans des circonscriptions de l’Est parisien. Ce succès s’explique par le refus des enseignants de mettre en œuvre la contre-réforme de l’école primaire (qui démantèle le service public d’éducation, creuse les inégalités entre élèves, touche au statut des personnels) et par le refus du service minimum d’accueil (SMA), restreignant le droit de grève. Ces mesures sont mises en œuvre, de manière très zélée, par un inspecteur d’académie qui est allé jusqu’à interdire la tenue des demi-journées d’information déposées par les syndicats…
Ce succès s’explique également par l’unité syndicale assez exceptionnelle qui s’est construite autour de cet appel, qui a réuni la quasi-totalité des syndicats du premier degré, répondant à une demande depuis longtemps formulée dans les écoles. L’unité s’est faite au-delà des personnels enseignants. Les syndicats des personnels de la Ville de Paris appelaient également les animateurs à faire grève, afin de ne pas assurer le service minimum d’accueil. L’assemblée générale, qui s’est tenue l’après-midi, a voté à la quasi-unanimité le refus d’appliquer dans les écoles les 60 heures d’aide individualisée et l’exigence du maintien des postes d’enseignants spécialisés dans les réseaux d’aide (Rased).
Première victoire de cette grève, le vendredi 17 octobre, la Ville de Paris annonçait refuser l’application du SMA lors des prochains mouvements de grève, parce qu’il « ne peut pas être mis en œuvre dans des conditions maîtrisées et dans un cadre assurant strictement la sécurité des enfants ».
Les enseignants parisiens souhaitent à présent que la motion votée lors de l’assemblée générale soit connue des autres départements pour qu’ils se prononcent sur des motions identiques permettant d’organiser un front de résistance face aux contre-réformes de Darcos. Cela suppose également que les directions syndicales appellent à l’organisation d’un « tous ensemble ». Le succès de la grève parisienne et de la manifestation du 19 octobre doit servir de levier à la construction d’un mouvement de grève dans l’Éducation.
Nina Lehair
* Paru dans Rouge n° 2271, 23/10/2008.
ÉDUCATION : Dans la rue, dimanche 19 octobre
Devant l’attitude intransigeante du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, et les remontées très critiques exprimées lors de la journée de grève du 7 octobre, le Snes, syndicat du second degré de la FSU, a décidé de quitter les discussions sur la contre-réforme des lycées. Il n’aurait sans doute pas dû les commencer…
Cette volte-face illustre les difficultés des personnels de l’Éducation à construire une mobilisation digne de ce nom en cette rentrée. Depuis maintenant plus d’un an, Sarkozy et Darcos avancent à marche forcée, afin de transformer le système éducatif sous l’égide des règles libérales. Tout y passe… De l’école maternelle au lycée, chaque secteur subit les effets d’une contre-réforme tournant le dos au droit à l’éducation pour tous. Sous tant de coups, les personnels sont sonnés.
Depuis plusieurs mois, tout le monde savait que le budget 2009 verrait une nouvelle amputation de 13 500 postes (dont, pour la première fois, 6 000 dans le primaire). Comment ne pas regretter alors l’absence d’appel unitaire à la grève de toute l’Éducation ? Sans analyse globale, empêtrées, chacune dans son coin, dans la négociation de mesurettes, les directions syndicales ont laissé les personnels démunis et la voie libre à Darcos.
Des volontés de résistance existent pourtant. Quand une initiative dynamique est proposée aux personnels, dans un cadre syndical ou non, elle est généralement investie et réussie. Cela s’est vu le 7 octobre, et cela va aussi être le cas de la manifestation nationale du dimanche 19 octobre. Son caractère unitaire (des dizaines de syndicats, associations y appellent) et national (montée à Paris) va faire que des dizaines de milliers de manifestants vont enfin pouvoir exprimer leur colère.
La force de cette manifestation, associant enseignants, usagers et parents, devra être un point d’appui pour que soient enfin posées les conditions d’une véritable riposte gréviste, forçant Darcos à arrêter son entreprise de casse de l’Éducation.
Pierre Vendôme
* Paru dans Rouge n° 2270, 16/10/2008.