Miriam du secrétariat de la Marche mondiale des femmes
* solidaritéS : Au terme de cette rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes, quel est ton bilan en tant que secrétaire du Comité international de la MMF ?
Miriam : Nous avions fixé trois objectifs principaux à cette septième rencontre internationale :
– approfondir notre identité politique ;
– renforcer nos coordinations régionales et élire les déléguées du Comité international ;
– décider nos actions globales pour la marche mondiale de 2010.
La première journée s’est organisée autour de quatre ateliers qui ont discuté et approfondi nos champs d’action pour la marche de 2010 :
– les femmes et le bien commun ;
– le travail et l’autonomie financière des femmes ;
– la violence envers les femmes ;
– la paix et la démilitarisation.
Les textes initialement produits par le Comité international ont été discutés, complétés et amendés. Ils vont maintenant servir de base pour la mobilisation dans tous les pays où existent des groupes de femmes qui se reconnaissent dans la Marche mondiale.
La deuxième journée s’est organisée autour des coordinations régionales. [2] Pour nous , il est essentiel que le mouvement soit bien enraciné. Nous voulons consolider les liens entre le niveau international et le niveau local. Les femmes regroupées au sein de la MMF arrivent souvent de régions très divisées, de pays en guerre. Qu’elles aient pu parler ensemble, échanger leurs expériences et convictions en travaillant à la fois en assemblées générales, en ateliers par thèmes et en groupes organisés par continent, qu’elles aient su trouver des points de convergence qui leur permettront de mener des actions, chacune là où elles vivent, est un premier résultat réjouissant. Les initiatives prises au niveau local et régional devraient nous permettre d’élargir d’ici 2010 notre champ d’action et d’influence.
Le troisième jour était réservé à la discussion sur les alliances de la MMF et la mobilisation mondiale que nous voulons organiser en 2010. Nous avons pu nous mettre d’accord sur la date du lancement et sur la façon de conclure la marche mondiale en 2010.
Dans chaque pays, cette marche commencera sous différentes formes le 8 mars 2010. Entre le 8 et le 18 mars, de multiples marches seront organisées autour des quatre champs d’action dans tous les pays où nous sommes présentes ; quant à la clôture, elle aura lieu le 17 octobre en République démocratique du Congo (RdC) : les Africaines, très motivées et mobilisées contre la guerre, nous ont convaincues de la nécessité de nous rendre ensemble en Afrique, en RdC. Le rendez-vous est pris, nous avons maintenant deux ans pour organiser cette marche commune !
sol : Les jeunes femmes étaient très présentes lors de cette septième rencontre internationale. Peux-tu nous dire un mot concernant le renouvellement générationnel au sein de la Marche mondiale des femmes ?
Miriam : Dans plusieurs pays ce sont les jeunes qui ont commencé la Marche. Au Brésil, où se trouve le siège du secrétariat de la MMF, j’ai souvent entendu « s’il n’y avait pas la marche mondiale des femmes, je ne serais pas dans le féminisme ». Il y a une nouvelle génération politique. Les jeunes arrivent avec des idées nouvelles, elles brisent l’écart qu’il y a parfois entre les femmes et la technologie, elles s’approprient avec une très grande aisance toutes les technologies de la communication qui facilitent les contacts et l’action directe. Mais il n’y a pas de divisions entre les générations.
Durant cette 7e rencontre internationale, les jeunes femmes ont organisé une soirée d’échanges entre elles ; elles ont travaillé jusque tard dans la nuit. Tout le monde était intéressé par leurs propositions. Elles apportent des préoccupations relatives à leur corps, à la menstruation, à la vie en couple, hétéro ou homo, mais aussi concernant leur place dans la société, les problèmes qu’elles rencontrent dans leurs études ou au travail, etc.
C’est elles qui ont par exemple insisté sur la marchandisation du corps. Pour nous, les choses paraissent parfois aller de soi et on ne se pose plus certaines questions, mais les actions que proposent les jeunes femmes, la forme qu’elles leur donnent sont un enrichissement pour nous toutes. Pour cette rencontre, toutes les délégations étaient invitées à venir si possible avec au moins une jeune femme sur trois. Les délégations qui n’ont pas pu donner suite à cette demande étaient l’exception ; plusieurs délégations étaient même formées d’une majorité de jeunes.
Solange, déléguée de la Côte d’Ivoire à la 7e rencontre Internationale des Femmes
Elle travaille dans une ONG de santé centrée sur la mère et l’enfant. « Trop de femmes meurent encore en Afrique au moment où elles donnent la vie », s’insurge-t-elle. Elle est aussi militante du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette dans le Tiers Monde) à Jubilé Sud et est membre locale du Forum national sur la dette et la pauvreté en Côte d’Ivoire. Elle est également coordinatrice de la marche mondiale des femmes dans son pays.
solidarités : A Vigo, les femmes du continent africain était très nombreuses et actives. Que représente la Marche mondiale pour vous ? Comment les Africaines y participent-elles ?
Solange : Tout d’abord j’aimerais dire que notre présence, ici à Vigo, a bien failli ne pas se réaliser. En effet, cela a été la croix et la bannière pour obtenir les autorisations nécessaires, pour arriver jusqu’ici. Force est de constater que les entraves sont de plus en plus fortes ; nous devons faire face à ces difficultés et je milite, tout comme les femmes de la Marche, pour une libre circulation des femmes et des hommes. J’ai choisi de rester en Afrique pour me battre dans mon pays.
Ce voyage à Vigo n’est pas un voyage d’agrément, c’est un voyage nécessaire, nous venons ici pour échanger nos expériences et apprendre l’une de l’autre. Je remercie les organisatrices galiciennes de cette 7e rencontre internationale, car elles ont déployé un effort particulier pour que les pays sub-sahariens soient bien représentés.
Cette rencontre nous ressource et nous remobilise. Nous venons chercher des arguments supplémentaires pour intégrer les droits des femmes africaines. Par exemple, en Côte d’Ivoire, les féministes revendiquent une place pour les femmes dans les discussions et les négociations, notamment dans la rédaction des traités de paix lors de conflits armés. Les femmes doivent participer à la vie de la Nation.
En décembre 2008, nous aurons des élections présidentielles et législatives dans mon pays. Nous luttons pour motiver les femmes à y participer, à se présenter. Nous aimerions une représentation des femmes de 30 % à tous les niveaux. Nous avons déposé une initiative à ce sujet. Cette proposition pourrait être formulée pour l’ensemble des pays africains, nous en discuterons ici à Vigo lors de l’assemblée continentale.
Avoir le soutien de nos sœurs d’autres pays, proposer des actions concrètes est une grande ressource pour nous. Pour moi il est important que nous nous donnions ici, à Vigo, les moyens de concrétiser la prochaine rencontre des régions africaines qui aura lieu au Mali en mai 2009. A partir de là, nous pourrons organiser très concrètement la marche mondiale de 2010 en RdC !
Nadia, déléguée d’Italie et représentante de l’Europe au comité International de la MMF
solidaritéS : Nadia, tu as participé à la MMF depuis le début et tu travailles depuis trois ans au sein de Comité international. Peux-tu nous dire un mot de l’histoire de la Marche mondiale ?
Nadia : Comme vous le savez, la MMF est partie, en 1998 [3], d’une proposition des féministes québécoises. Elles invitaient les femmes et les féministes à se mobiliser en 2000 contre la pauvreté et les violences vécues aussi bien par les femmes urbaines que rurales. Elles voulaient toucher et organiser les femmes de la base.
Cela a été un succès au-delà de toutes les espérances. Deux ans de préparation. Des femmes de plus de 100 pays ont répondu à l’appel et ont créé des coordinations nationales. Les buts de la mobilisation étaient : la solidarité, l’affirmation des droits des femmes, créer un mouvement féministe mondial, et mettre l’accent sur l’action.
Lors de la réunion internationale d’évaluation des actions en 2000, nous avons décidé de continuer ce que nous avions construit avec tant de force et de passion.
En 2001, nous nous sommes donné les moyens de continuité du mouvement international. Pour poursuivre la mobilisation et les actions, il fallait améliorer notre communication interne et renforcer les structures.
Nous étions très conscientes de la nécessité de commencer à partager notre leadership. Si nous voulions un mouvement international solide, sur la durée, il fallait intégrer des femmes d’autres continents dans les prises de positions.
Nous avons alors décidé de travailler sur une nouvelle mobilisation internationale et l’Inde s’est proposée comme continent et coordination pour la réaliser.
Nous avons travaillé avec nos différences culturelles et politiques, notamment sur la question de l’avortement et les droits des lesbiennes. Nous devions les aborder en tenant bien compte des réalités et des conceptions très contrastées dans lesquelles agissaient les femmes de la MMF.
Parallèlement, nous étions partie prenante et organisatrices des forums sociaux mondiaux, régionaux et nationaux. Nous apportions notre vision, notre expérience féministe. Elargi et renforcé par le travail des coordinations continentales, notre Comité international a pu mûrir l’idée d’une nouvelle mobilisation. Nous avons proposé d’organiser au niveau mondial des actions MMF tous les cinq ans. Avec des moyens divers : marches à relais, charte, courtepointe. 2005 a été un nouveau succès. 2010 est notre prochaine étape.
sol : Suite à cette 7e rencontre internationale penses-tu que de nouvelles coordinations pourraient encore voir le jour et renforcer la MMF ?
Nadia : Chaque fois que nous préparons des actions planétaires, nous prenons des contacts pour élargir le mouvement à de nouvelles régions ou pays et toucher d’autres femmes ; nous invitons aussi des organisations alliées à s’unir à nous pour former des fronts communs. A travers ces contacts, ces discussions et propositions d’action, de nouvelles coordinations MMF peuvent apparaître. Aujourd’hui on constate sur tous les continents un processus de responsabilisation des femmes actives dans la MMF ; le leadership est partagé, d’égales à égales, avec une rotation régulière au sein de la direction : une femme ne peut pas rester plus de trois ans au Comité international, quelles que soient ses qualités. Nous sommes toutes conscientes qu’il faut beaucoup d’énergie et de travail pour renforcer et élargir la MMF, pour mobiliser les femmes. Cette rencontre à Vigo et les rencontres continentales planifiées pour 2009 nous y aideront.