De Chicago,
Obama est né en 1961, à une époque où la ségrégation raciale faisait loi au sud des États-Unis, où les militants des droits civiques étaient lynchés, où les chiens de la police et les lances à incendie étaient utilisés contre les enfants noirs. L’ascension d’Obama est emblématique des changements survenus depuis, même si le pays reste entaché d’un racisme odieux, qui place plus d’hommes noirs en prison qu’à l’université.
Quiconque combat le racisme ne pouvait pas être indifférent à la vue du Grant Park de Chicago, le soir de l’élection, où une foule « multiraciale » de 250 000 personnes s’était réunie afin d’écouter le discours de victoire d’Obama et de fêter la perspective du changement. Des familles entières étaient sorties l’écouter, des syndicalistes brandissaient des pancartes pro-Obama, de nombreux immigrés sans droit de vote ayant également fait le déplacement…
L’esprit de la soirée pouvait être perçu à travers ces groupes de jeunes Noirs et Blancs – la plupart n’ayant pas encore l’âge de voter – chantant « O-ba-ma ! O-ba-ma ! » sur Michigan avenue, la rue principale d’une des villes où la ségrégation est la plus forte aux États-Unis. Les jeunes ont massivement voté pour Obama, et ils sont impatients de dépasser le terrible héritage du racisme. « Qu’est-ce que cela veut dire, pour moi, d’avoir un président afro-américain ? Je ne trouve même pas de mots pour le dire », témoigne Darrel Washington, un enseignant noir en école élémentaire à Chicago.
Mais la question de l’impact de l’élection de Barack Obama sur le racisme aux États-Unis reste entière. Aujourd’hui, un adulte noir sur quinze est derrière les barreaux, et ce chiffre ne changera pas lors de la prise de fonction d’Obama, le 20 janvier prochain. Près de 40 ans après l’apogée du Mouvement pour les droits civiques, 34 % des travailleurs noirs sont au Smic, tout comme 41,8 % des travailleurs latino-américains. Quant au taux de chômage, de 6,5 % pour la population en général, il passe à 11,1 % pour les Afro-Américains. Deux tiers des jeunes Noirs âgés de 16 à 19 ans n’ont pas d’emploi.
Ainsi, alors que le succès d’Obama témoigne du développement d’une couche de dirigeants économiques et politiques noirs, la grande majorité des travailleurs noirs continue de subir le racisme et des conditions de vies inférieures à celles de leurs homologues blancs. Comme c’est historiquement le cas aux États-Unis, les Afro-Américains souffrent de façon disproportionnée de la crise. Les divisions de classe à l’intérieur de l’Amérique noire n’ont jamais été aussi importantes.
Ce qui est nouveau, bien sûr, c’est que la victoire d’Obama a soulevé des espoirs, en particulier chez les jeunes Afro-Américains. Pour la première fois depuis le début des années 1970, un sentiment d’optimisme traverse les Noirs américains – un sentiment que le changement social est vraiment possible. Quelles que soient les limites de la politique d’Obama, une bonne partie des Afro-Américains semble prête à s’organiser pour concrétiser le changement.