Les nuages bruns qui se forment au-dessus des grandes villes asiatiques à partir des fumées des usines, de la pollution automobile et de toutes les formes de combustion liées à des énergies fossiles ou de bois aggravent les effets du changement climatique. Le phénomène vient d’être confirmé par une étude du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), publiée jeudi 13 novembre.
Ces couches de particules polluantes d’une épaisseur supérieure à trois kilomètres s’étirent de façon plus ou moins continue de la péninsule arabique à la Chine et à l’ouest de l’océan Pacifique. Portées par les vents, elles peuvent parcourir la moitié de la Terre en moins d’une semaine. Leur trace a été récemment repérée à 5 000 mètres d’altitude sur les sommets de l’Himalaya, donnant aux chercheurs une explication supplémentaire à la fonte accélérée des glaciers.
« L’un des mandats du PNUE est d’alerter sur des bases scientifiques des défis environnementaux à relever. J’espère qu’après cette publication les nuages bruns atmosphériques vont être intégrés à l’agenda de la communauté internationale », a déclaré Achim Steiner, le directeur exécutif de l’institution. « Nous avions identifié pour la première fois le lien entre ces nuages et le changement climatique en 2002. Nos travaux avaient alors suscité beaucoup de scepticisme. Ils sont aujourd’hui confirmés avec une grande clarté », souligne le professeur Veerabhadran Ramanathan, qui a coordonné l’étude.
Le phénomène est aussi présent en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique du Sud et au-dessus de l’Amazonie. Mais il apparaît particulièrement inquiétant en Asie, compte tenu de la densité démographique et du développement rapide des économies. Sur les treize mégalopoles soumises à ce smog pendant plusieurs mois de l’année, dix sont asiatiques.
VILLES PRIVÉES DE LUMIÈRE
Ces nuages bruns, composés de particules de carbone et de suies, agissent de façon complexe en formant une barrière qui absorbe les rayons solaires. Ils contribuent ainsi au réchauffement en altitude. Ils privent dans le même temps de lumière les villes qui en sont victimes. Ces passagers anonymes, longtemps négligés par les climatologues, sont, selon le rapport, responsables d’une baisse de la luminosité pouvant aller de 10 % à 25 % à Karachi, Shanghaï, Pékin et New Delhi.
Les scientifiques suggèrent également que ces formations, dans lesquelles viennent se stocker de nombreux gaz, affectent le régime des pluies en retenant l’eau plus longtemps. Elles pourraient ainsi ne pas être étrangères à la réduction des précipitations pendant les périodes de mousson en Inde et dans le sud-est asiatique.
Sans trancher faute de données, le rapport met en avant les conséquences néfastes que cette situation pourrait avoir sur la production agricole, dont les rendements sont étroitement liés à la capacité de photosynthèse des plantes.
Il est revanche avéré que ces poches de pollution agissent sur la qualité de l’air et sur la santé des citadins. Les nuages bruns transportent des aérosols toxiques et des nanoparticules à l’origine d’importantes maladies respiratoires. Le rapport estime que cette pollution, faute d’être combattue, pourrait provoquer 340 000 morts supplémentaires par an en Inde et en Chine.