Tout démontre que, dans les semaines précédant la grève du 24 novembre, un potentiel important de lutte – perçu lors d’une grève sur le même sujet, le 6 novembre dernier – existait bel et bien à la SNCF. Le nombre de cheminots, particulièrement chez les roulants, s’étant déclarés à l’avance grévistes, à travers les déclarations individuelles d’intention, était important. Suffisamment pour que la direction de la SNCF sente le vent venir et fasse son possible pour désamorcer le conflit. Elle a rejoué le même scénario qu’au mois de juin, où un mouvement qui s’annonçait fort l’avait contrainte à lâcher du lest.
Tout s’est joué la semaine précédant la grève. Pour cela, la direction a joué la division. En premier lieu, elle a rencontré la CFDT et la Fgaac (syndicat catégoriel des agents de conduite), qui avaient déposé, seuls, un préavis. La direction a, en partie, reculé sur la « réforme ». Juste assez – il en faut peu –, pour que les deux syndicats retirent leur préavis. Bronca de la part des autres syndicats, dont la CGT, SUD-Rail et FO, grosso modo d’accord pour dire que l’accord avec la CFDT et la Fgaac n’était rien d’autre qu’une manœuvre de démobilisation des grévistes. En fait, rien de fondamental n’a été lâché et le décret est maintenu.
Mais, deuxième annonce : après avoir été reçue par la direction de la SNCF, la CGT se retire du préavis unitaire initié avec SUD-Rail ! Si certaines sections de la CGT maintenaient le préavis, la grève s’annonçait mal. Sur le fond, rien ne justifie le retrait de la CGT ; il s’agit d’un sabotage pur et simple. Plusieurs explications peuvent être données à ce retournement : par exemple, à une semaine des élections prud’homales, la CGT n’a pas particulièrement envie de reportages télés montrant des quais bondés et dénonçant des « voyageurs pris en otages par la CGT et SUD-Rail ». Après avoir déposé un préavis ne concernant que les conducteurs, la CGT explique que, finalement, il faut une grève de tous les services !
Le résultat est que la direction de la SNCF considère qu’elle a reculé, vis-à-vis d’un décret qu’elle ne peut pas appliquer pour les roulements d’hiver du mois de décembre. De plus, la crise actuelle a des effets réels sur le trafic fret, en nette baisse. Malgré la libéralisation, le contexte de crise n’incite pas les nouveaux opérateurs à investir dans le trafic de marchandises, ce qui rend la SNCF « moins pressée » à appliquer ses contre-réformes.
Après cette grève, la situation à la SNCF est plus compliquée. C’est d’autant plus dommageable qu’un an après la défaite sur la grève des « régimes spéciaux », les cheminots sont prêts à se remobiliser. Les confrontations, parfois vives, entre équipes syndicales, principalement de SUD et de la CGT, augurent mal de l’unité nécessaire pour les combats à venir. Dans les temps qui viennent, il faut réussir à expliquer que les divisions et les manœuvres syndicales au sommet doivent s’effacer au profit de l’unité à la base.