Le 12 novembre, un étudiant était tué, à Grenoble, par un patient sorti sans autorisation d’un établissement psychiatrique. L’émotion suscitée par cet événement dramatique est, une nouvelle fois, exploitée par Nicolas Sarkozy pour imposer sa politique sécuritaire. Son discours d’Antony (Hauts-de-Seine) s’est concentré sur l’annonce de mesures répressives concernant les hospitalisations d’office, celles qui sont demandées par le préfet ou le maire pour des motifs d’ordre public. Elles ne représentent que 2 % des malades hospitalisés et non 13 %, comme l’a affirmé Sarkozy, truquant les chiffres pour mieux dramatiser son propos. Sarkozy appelle à un renforcement des missions d’ordre public au détriment des missions de soins de la psychiatrie, affirmant que « l’espérance, parfois ténue, d’un retour à la vie normale, j’ose le dire ici, ne peut primer en toutes circonstances sur la protection de nos concitoyens ».
Les mesures annoncées en témoignent. 30 millions d’euros sont prévus « pour mieux contrôler les entrées et les sorties et prévenir les fugues », incluant l’installation de bracelets électroniques, comme pour les criminels particulièrement dangereux, l’aménagement de chambres d’isolement supplémentaires, la création d’unités fermées. 40 autres millions sont prévus pour l’ouverture de nouveaux quartiers de sécurité baptisés « Unités pour malades difficiles ». Le programme prévoit également le durcissement des procédures de sorties pour les malades en hospitalisation d’office et la création d’une « obligation de soins » non seulement à l’hôpital, mais aussi hors de l’hôpital.
Alors qu’il n’y a pas plus de criminels parmi les « malades mentaux » que dans la population générale, Sarkozy veut réanimer la vieille peur toujours latente du « fou dangereux ». Il tente ainsi d’anéantir des années d’efforts pour faire reconnaître les personnes souffrant de troubles psychiques comme des êtres en souffrance appartenant à la communauté humaine. Dans la réalité, ces personnes vulnérables sont beaucoup plus souvent victimes d’abus et de violences qu’elles n’en sont les auteurs.
Les « passages à l’acte » les plus dangereux pour la société sont les attaques contre l’hôpital et la psychiatrie publique, dont Sarkozy et les gouvernements auxquels il a participé sont directement responsables. Fermeture des structures de soins de proximité (centres médico-psychologiques), saturation des services hospitaliers d’où l’on doit sortir au plus vite pour libérer des lits, diminution et polyvalence du personnel sont source de rupture et d’abandon de soins.
Ce n’est pas en retournant au « surveiller et punir », mais en donnant à la psychiatrie publique les moyens humains pour soigner à l’hôpital, et avant tout hors de l’hôpital, que l’on pourra prévenir, autant qu’il est possible, des drames comme celui de Grenoble.