Je partage, comme tant d’autres, l’espoir de voir se construire ce que Pierre Bourdieu appelait une « gauche de gauche » qui, sans complexe, reconnaîtrait la réalité de la lutte des classes, dénoncerait le capitalisme comme responsable de l’exploitation des humains et de la nature et porterait un projet alternatif conduisant vers une société consacrant l’autogouvernement des humains en harmonie avec la nature.
J’ai, comme tant d’autres, souffert de l’échec rencontré lors de la tentative de donner au « non » de gauche au TCE une traduction politique. Un échec dont la responsabilité première revient au Parti Communiste Français qui, une semaine après le référendum du 29 mai 2005, annonçait la candidature de MG Buffet, ce qui a conditionné l’attitude de la LCR et toute la suite.
Je tire, à l’inverse de beaucoup d’autres, des leçons différentes de cet échec. Et je ne veux pas revivre le scénario de 2006 qui n’a laissé, à gauche, qu’un champ de ruines. Et d’immenses déceptions. Or, j’observe que l’illusion, créée par les 125 propositions, d’une possible unité sur un projet alternatif, amène certains à reprendre le même scénario. Ces 125 propositions, dont certains aujourd’hui font une sorte de bible, restent pour moi comme le plus petit dénominateur commun dont je retiens surtout les sujets passés sous silence, les ambiguïtés et les concessions, toutes faiblesses consenties dans l’espoir de voir le PCF renoncer à imposer sa candidature.
Il faut tirer les conséquences de l’échec de 2006 :
1. il n’y a pas aujourd’hui de projet alternatif précis sur l’essentiel d’une perspective anticapitaliste. Mais seulement des ébauches telles qu’elles apparaissent dans le processus du NPA, dans le processus dit de Miremont des écologistes radicaux et dans les intentions exprimées en termes généraux par les protagonistes de la « Fédération » en gestation.
2. il n’y a pas, à la gauche du PS, de stratégie commune pour éviter de (re)tomber dans les pièges du carriérisme politique et de l’alliance mortifère avec la social-démocratie. Il n’y a que de la confusion, des incohérences et des ambiguïtés dont l’appel de Politis fournit l’exemple le plus spectaculaire.
Le désir d’unité est à ce point fort que beaucoup préfèrent ne pas regarder cette double réalité et se précipitent à nouveau dans ce qui, les mêmes causes produisant les mêmes effets, reproduira l’échec de 2006.
Je propose une démarche différente de celles initiées jusqu’ici. Elle consiste à définir les caractéristiques d’une unité possible en privilégiant le contenu et la démarche. A mes yeux, la recherche de l’unité doit privilégier trois caractéristiques :
1) une unité sur un contenu réel qui ne renie pas les raisons pour lesquelles on a combattu ce projet de société que fut le TCE, qui couvre à la fois la question sociale et la question écologique et qui s’inscrive en rupture avec le système et non en accompagnement du système et de ceux qui le défendent ; autrement dit l’unité pour porter un projet anticapitaliste au contenu précis et pas seulement l’unité pour l’unité qui ne débouche sur rien ;
2) une unité qui s’inscrive dans la durée et ne se limite pas aux élections européennes. Quel sens aurait une unité qui, d’emblée, s’arrêterait après les élections européennes faute d’accord sur les enjeux nationaux ? L’unité doit être un processus continu. Sinon, elle n’est qu’une posture et un prétexte pour la formation d’un cartel électoral occasionnel réduisant la démarche à du pur électoralisme sans véritable volonté transformatrice. Il n’y a pas davantage d’unité à géométrie variable, une fois avec les uns, une fois avec les autres, au gré de calculs électoraux qui s’appuient sur un contenu réduit à des généralités. Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, les décevoir et risquer de les voir de nouveau se tourner vers de prétendus sauveurs ;
3) une unité qui ne soit pas seulement électoraliste et qui se retrouve sur le terrain, dans les luttes sociales et écologiques, contre la casse sociale, contre le démantèlement du droit du travail et des services publics, mais aussi contre le productivisme, le nucléaire, la marchandisation du vivant. La crise du capitalisme exploiteur et productiviste est une crise de civilisation que la démarche électorale seule ne pourra résoudre. Les résultats historiques du Front populaire ont dépassé le programme électoral limité du Front populaire parce qu’il y a eu un puissant mouvement social accompagnant le processus électoral et son résultat. Mais au final, le Front populaire a échoué parce qu’il ne remettait pas en cause la capitalisme et tentait, provisoirement, d’en atténuer les effets.
En toute bonne, foi, est-il impossible de se parler et de commencer à construire l’unité sur la base de ces trois caractéristiques ? Si certains veulent bien oublier leurs vieux contentieux personnels dont on n’a rien à faire. Si d’autres sont prêts à faire ce qu’ils disent. Si tous font passer à l’arrière plan leur préoccupation de boutique, que celle-ci soit minuscule ou en pleine croissance.
J’ai la conviction que c’est possible. Et je m’y consacre là où je milite.
RMJ
Membre du Comité d’Animation Nationale du NPA
21 décembre 2008.