Le massacre de l’école dans le camp de réfugiés de Jabalya, tout ce à quoi nous assistons horrifiés depuis le 27 décembre, malgré la censure dans les médias occidentaux, fait partie de la spirale de crimes contre l’humanité qui au 21e siècle se poursuit avec une continuité imperturbable avec le siècle précédent, qui a été « le plus violent de l’histoire de l’humanité » comme l’a rappelé Eric Hobsbawm en 1994 déjà. Les boucheries qui ensanglantent l’Asie et l’Afrique dans ce nouveau siècle époque de « guerre globale et permanente » pour le contrôle des ressources, sont probablement encore plus effroyables que celles auxquelles le très développé, très démocratique et très humanitaire Occident nous a habitués dans ses guerres en Afghanistan, Irak, Liban, Cisjordanie, Gaza...
Israël est à double titre un produit de cet Occident : produit à la fois de son expansionnisme colonial et de son racisme génocidaire. Ce racisme occidental avait encore pignon sur rue quand il a dû affronter le mouvement de décolonisation de l’après-Deuxième guerre mondiale.
« Ce que le très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du 20e siècle ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. » Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 1955, opportunément cité par le dirigeant palestinien Ilan Halevi lors de sa participation aux ateliers qu’avait organisé le Collectif Urgence Palestine à Genève à l’occasion des 60 ans de la Nakba en mai de 2008.
Avec l’opération « plomb fondu » l’armée israélienne franchit une nouvelle étape dans le projet criminel de destruction de toute perspective d’autodétermination du peuple palestinien. La solidarité avec le peuple palestinien dans sa lutte pour la reconnaissance de ses droits est une nouvelle fois appelée à se mobiliser massivement.
L’enjeu de la manifestation nationale du samedi 10 janvier à Berne est double. D’abord il s’agit de montrer que la colère contre la nouvelle guerre israélienne n’est pas un sentiment réservé aux secteurs de l’immigration en Suisse directement concernés, de provenance culturelle, religieuse ou géographique proche des Palestinien-ne-s, mais qu’il y a aussi une partie de la société suisse qui est consciente que les massacres contre les civil-e-s à Gaza, les crimes contre cette partie de l’humanité, constituent une nouvelle grave attaque contre les droits universels de l’humanité entière. Cet objectif a en même temps une importance certaine pour la lutte antiraciste et contre toute forme de discrimination envers ces secteurs de l’immigration en provenance du Sud.
Le deuxième objectif concerne la politique de la Suisse face au conflit au Proche-Orient. Cette position est aujourd’hui nettement en recul par rapport au mois de juillet 2006, quand le DFAE avait dénoncé les bombardements israéliens des infrastructures civiles de Gaza et du Liban parce qu’ils constituaient des violations graves des Conventions de Genève.
Aujourd’hui, la Suisse ne sort pas du chœur de la position de l’Union Européenne : arrêt des opérations militaires et aide humanitaire. Les deux parties en guerre sont traitées avec une égalité formelle qui évite de devoir se prononcer sur la disproportion criante des violations du droit international et dans la phase meurtrière actuelle à Gaza, et dans l’ensemble du processus d’appropriation de la Palestine par Israël. Inverser cette politique de complicité avec le processus de déshumanisation sanglant à l’œuvre à Gaza n’est certes pas un objectif que nous atteindrons après la manif du 10 janvier.
Mais nous devons mettre toutes nos forces pour nous rapprocher de ces deux objectifs.
Tous et toutes à Berne samedi !