Giles Ji Ungpakorn, universitaire et militant, a eu le double tort de dénoncer les visées antidémocratiques du nouveau gouvernement thaïlandais et d’écrire un livre qui s’interroge sur le rôle de la famille royale dans les tourments politiques qui ne cessent de déchirer son pays : A Coup for the Rich (Un coup d’Etat pour les riches). Il a aussi écrit de nombreux articles, notamment dans un périodique en ligne, Asia Sentinel. [1]
Giles Ji Ungpakorn est aujourd’hui accusé de crime de lèse majesté – un « crime » passible de lourdes peines allant de trois à quinze ans de prison. La loi thaïe est, en ce domaine, l’une des plus sévère du monde. Elle ratisse large, concernant non seulement toute personne qui diffame ou offense le monarque, un membre de la famille royale « ou leurs intérims », mais aussi quiconque leur « souhaite du mal », ainsi (entre autres) qu’à leurs conseillers et aux hauts dignitaires bouddhistes… Il est donc très facile d’accuser de lèse majesté tout critique du régime. Le nouveau ministre de la Justice, Pirapan Salirathavibaga, a d’ailleurs volontiers reconnu dans une interview que ces lois étaient utilisées « pour le bien de la sécurité nationale », quitte à « limiter la liberté d’expression » dans le royaume. [2]
Le ministère de la Justice refuse de dire combien de personnes sont actuellement inculpés ou emprisonnés pour lèse majesté. Mais on sait qu’il y a parmi eux un ancien ministre, Jakrapob Penkae, dont le procès est prévu le 5 mars (pour avoir posé une question sur la monarchie au Club de la presse étrangère) ; un étudiant, Chotisak Oonsung, qui a refusé de se lever quand l’hymne royal a été joué comme il est obligatoire au cinéma ; un militant, Suchart Nakbangsai, qui se serait réfugié en exil ; un dirigeant d’un front d’opposition, Daranee Charnchoengsilpakul (« Da Torpedo »), pour un discours dénonçant un coup d’Etat ; une militante, Boonyen Prasertying, condamnée à douze ans de prisons (ramenés à six), pour propos injurieux envers le roi et son fils ; un correspondant de la télévision britannique BBC, Jonathan Head, pour des reportages impertinents ; un écrivain australien, Harry Nicolaides, pour un roman jugé insultant ; un internaute, Suwicha Takor, pour avoir surfé là où il ne fallait pas : près de trois milles sites Internet sont actuellement bloqués en Thaïlande…
Le ministère de la Justice exige le silence des médias sur la répression du « crime » de lèse majesté. C’est ce silence qu’il faut briser. Une campagne de solidarité a été engagée en défense de Giles Ji Ungpakorn et des autres inculpés, contre ces lois scélérates et pour la liberté d’expression. [3]. Elle doit prendre une dimension internationale.