Avec en toile de fond les incertitudes sur l’état de santé du dirigeant Kim Jong-il, l’annonce, le 15 janvier, par l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, citant une source anonyme des services de renseignement sud-coréens, que ce dernier aurait désigné son successeur en la personne de son troisième fils, Kim Jong-un, alimente les spéculations. Kim Jong-il serait en convalescence à la suite d’un accident vasculaire cérébral survenu en août 2008. Bien que le régime ait diffusé des photographies du « Dirigeant » effectuant des visites en une douzaine de lieux - mais jamais d’images -, l’annonce de la désignation d’un successeur inattendu en raison de son âge (25 ans) ajoute à la confusion plus qu’elle n’éclaire le paysage.
Selon le ministère de l’unification sud-coréen, rien n’indique une vacance du pouvoir à Pyongyang. La nouvelle escalade verbale du régime, qui a menacé Séoul, à la fin de la semaine dernière, de revenir à une « situation de confrontation » si le gouvernement du président Lee Myung-bak persévère dans sa politique « hostile », semble le confirmer. Tout comme l’annonce, le 17 janvier, par le régime nord-coréen de son intention de conserver ses armes nucléaires même après une normalisation des relations avec les Etats-Unis. Une déclaration émanant du ministère de la défense qui pourrait être un message à l’administration Obama rappelant que, pour Pyongyang, le règlement de la question nucléaire doit s’inscrire dans un accord global de désarmement de la péninsule. Il semble improbable que le régime hausse ainsi le ton sans Kim Jong-il aux commandes.
Dans un tel contexte, la désignation inopinée d’un successeur par une directive qui aurait été adressée, selon les sources citées par Yonhap, vers le 8 janvier, au département de l’organisation et de l’orientation du Parti du travail par Kim Jong-il lui-même, suscite la perplexité des experts de la Corée du Nord à Séoul.
La jeunesse de Kim Jong-un, son inexpérience et une santé fragile ne le destinent guère à prendre les rênes du pays. Bien que la rumeur veuille qu’il soit le préféré de Kim Jong-il - à en croire le témoignage de son cuisinier japonais, revenu dans l’Archipel, en 2001, et auteur de plusieurs livres -, il ne semblait pas être le mieux placé de ses trois fils dans une éventuelle succession.
La publication de l’information de Yonhap en première page du China Daily (journal en langue anglaise) donne-t-elle à celle-ci une crédibilité ? Le même jour, le quotidien japonais Yomiuri annonçait, citant pour sa part les services de renseignement américains, que ce serait le fils aîné de Kim Jong-il, Kim Jong-nam (38 ans), qui serait appelé à lui succéder...
Une seconde succession dynastique en RPDC, après celle de Kim Il-sung (mort en 1994) par Kim Jong-il, est un scénario qu’affectionnent les chroniqueurs. C’est une hypothèse qui n’est pas à écarter. Mais les experts de la Corée du Nord soulignent les différences que présenterait une telle succession par rapport à celle de Kim Jong-il à son père. Dans son cas, le processus a pris plus de vingt ans au cours desquels l’héritier a gravi les échelons du parti et de l’armée. Aujourd’hui, rien n’indique qu’une nouvelle succession dynastique ait été engagée. Si l’un des trois fils de Kim Jong-il était néanmoins appelé à assumer des fonctions officielles, il ne serait vraisemblablement qu’une figure symbolique de la continuité de la « lignée » des Kim, mais sans le pouvoir qu’ont eu leur père ou leur grand-père, qui reviendrait à une direction collégiale. Le renouvellement, en mars, du Congrès suprême du peuple pourrait donner une indication sur le rôle futur éventuel de Kim Jong-un ou de l’un des deux autres fils de Kim Jong-il.