JRV : Une question personnelle, si tu le permets, pour démarrer cet entretien. Quand as-tu rejoint la LCR et quel est le parcours militant qui t’a amené, très jeune, à être élu au bureau politique et à te voir confier la responsabilité de trésorier national ?
GL : J’ai rejoint la LCR en 1986 dans la foulée du mouvement étudiant de novembre/décembre contre le projet Devaquet. La suite est un parcours assez classique d’animateur avec d’autres de l’organisation de jeunesses à Toulouse puis de la LCR à Marseille. Mais plus que ma trajectoire personnelle, c’est la volonté d’entamer un processus de rajeunissement de la direction de la Ligue qui est importante. A partir du début/milieu des années 90, il est apparu assez clairement qu’il était indispensable d’élargir la composition de la direction à de nouvelles générations. L’éloignement des années post 68 et les changements de période politique ont alors convaincu qu’il était temps de diversifier la direction. Ce choix que je crois profondément juste nous a armé pour mieux appréhender, ensuite, les mutations de la société française et être capable de choix audacieux comme la présentation d’Olivier Besancenot à l’élection présidentielle de 2002. Fondamentalement, c’est cela qui explique mon entrée au Comité Central en 1996 puis au Bureau politique en 1998. J’avais moins de 30 ans et dans le cadre de la répartition des tâches en son sein, qui est un exécutif, la trésorerie nationale m’échoit.
JRV : Peux-tu rappeler aux lecteurs de Médiapart les raisons profondes qui ont déclenché le processus conduisant au NPA ? A quelle occasion ? Pourquoi maintenant ? Quel rôle a tenu la popularité d’Olivier Besancenot dans la décision ?
GL : La volonté de construire une nouvelle organisation n’est pas nouvelle, tu le sais bien. Dès 1992, dans le cadre d’un manifeste de la LCR, nous avons traduit ce nouveau projetsous la forme suivante, « nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti ». Toute la difficulté a résidé, tout au long de ces années, à réunir les conditions pour réaliser concrètement ce projet. Le poids de la popularité d’Olivier et les scores réalisés aux élections présidentielles de 2002 et 2007 ont bien sûr été un atout majeur. Mais surtout la combativité sociale dans ce pays et le décalage croissant entre ce que traduisent les suffrages exprimés sur le nom d’Olivier et la réalité militante de la LCR devaient se résoudre. Tout indiquait qu’il y avait une large disponibilité pour construire un outil politique se définissant réellement en rupture avec la logique capitalisteet tout indiquait aussi que cet outil ne pouvait être la LCR seule, même une LCR rénovée. Parce que quelles que soient ses qualités, la LCR resterait marquée par son logiciel trotskyste. Je le dis d’autant plus tranquillement que c’est mon histoire militante, que ce sont mes références. De là à penser que cela devait être le cadre des délimitations pour construire un parti au XXIe, il y a un pas. C’est ce constat qui nous conduit dès le lendemain de l’élection présidentielle de 2007 à prendre nos responsabilités. A la Direction Nationale de la LCR, nous votons un appel pour un nouveau parti anticapitaliste. La suite est désormais connue.
JRV : Tu lis ici ou là, tout comme moi, que le NPA ne serait qu’une transcroissance de la LCR. Avec ta mission de trésorier national, tu es certainement bien placé pour nous éclairer sur ce qu’est le NPA à quelques jours de sa naissance. Quels en sont les contours ? Comment se passe la transition ?
GL : Comme toi j’ai entendu et lu beaucoup de choses, pas toujours bien intentionnées, il faut bien le reconnaître. En même temps, on peut constater que ce débat, par la force des choses s’estompe. La définition du NPA comme d’une Ligue bis ou élargie, a été balayée par le cours même du processus de constitution et son succès. Le congrès de fondation du nouveau parti montrera qu’entre NPA et LCR, il y a un changement de nature. Il y a d’abord un effet de nombre. Avec sans doute un peu plus de 9000 cartes au moment du congrès, c’est d’un quasi triplement des effectifs de la Ligue qu’il s’agit. A cela s’ajoute, que le congrès de fondation n’est qu’une étape et tout indique que le mouvement vers nous va connaître un nouveau développement après le congrès. La composition sociale de celles et ceux qui rejoignent le NPA, même s’il convient de rester prudent, apparaît comme plus jeune, plus populaire que la réalité sociologique des militant(e)s de la LCR. Enfin, et tout en prenant en compte que cela reste encore modeste, nous connaissons un début de développement du NPA dans les quartiers populaires.La transition amorcée depuis maintenant plusieurs mois est désormais presque achevée puisque les derniers congrès locaux de dissolution des fédérations de la LCR ont lieu en ce moment, sans grande difficulté à vrai dire.
JRV : La LCR était cataloguée comme « organisation trotskyste » même si nombre de ses militants ne se définissaient pas ainsi depuis belle lurette. C’était bien facile pour les journalistes. Comment décrirais-tu, idéologiquement, les « bases » du NPA ?Ses statuts font-ils référence explicitement à des courants de pensée ? Si oui, lesquels ?
GL : Les bases du NPA ne seront totalement définies qu’avec le congrès de fondation. Toutefois, un large consensus se développe autour de quelques repères. D’abord ce qui unit par-delà leurs différentes sensibilités l’ensemble des militant(e)s investis dans le processus, c’est que nous voulons en finir avec le système capitaliste. Il s’agit ni de gommer les excès de ce système, ni même de l’améliorer mais bien de rompre avec ce dernier. Pas de résolution de la crise sociale et écologique dans le cadre de ce système, ce n’est pas rien comme délimitation politique. Les développements de la crise mondiale depuis cet automne ont d’ailleurs validé cette conviction. Le corollaire de ce positionnement, c’est bien sûr la question de la stricte indépendance vis à vis du Parti Socialiste. Mais l’autre élément qu’il convient de souligner c’est l’émergence d’un réel courant qu’on pourrait appeler éco-socialiste. Non pas que nous partions de rien, il existait dans la LCR une commission écologie qui a travaillé sérieusement et produit des textes de qualités ces dernières années. Mais il est incontestable que cette dimension a pris un nouvel essor avec la fondation du NPA. En témoigne, entre autre le succès d’une réunion organisée par la commission écologie du NPA au mois de décembre.
JRV : Dissoudre la LCR. Transmuter vers le NPA. Cela comporte des risques, non ? A terme, quels objectifs se fixe le NPA ?
GL : Il y a toujours des risques mais je crois que ce que nous faisons est d’abord une chance et suscite bien des espoirs. Certaines réticences sont parfois curieuses. Ainsi, nous voudrions tout changer, le monde, les rapports économiques et sociaux et il ne faudrait pas toucher à notre organisation politique, à son programme, bizarre non ? Le principal enjeu pour le NPA dans les mois et les années qui viennent, c’est d’être utile, concrètement pour tous ceux et toutes celles qui souffrent. Notre objectif, ce n’est pas de témoigner pour l’histoire, mais bel et bien de changer ce monde. Etre un acteur de la transformation sociale, persuader, qu’il n’y aura pas de satisfaction des besoins élémentaires, sans une rupture avec le système est bien sûr au cœur de notre démarche. Mais au-delà d’un certain seuil de développement, nous ne pourrons convaincre de la justesse de nos positions sans avoir démontré que notre parti est utile pour obtenir des victoires sociales dans les luttes, qu’il est utile au quotidien pour améliorer le sort de la population quand ses propositions sont mises en pratique. La dynamique est là, à nous tous de transformer l’essai désormais.